Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 15 mai 2014 à 9h30
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Christiane Taubira :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons pour l’examen en deuxième lecture d’une proposition de loi qui émane du Sénat, puisqu’elle a été déposée par Mme Catherine Tasca, membre de la commission des lois de cette assemblée. C’est donc un texte qui a été travaillé, étudié et adopté ici, faisant ensuite l’objet d’un examen poussé à l’Assemblée nationale, Mme la rapporteur, Laurence Dumont, s’étant très fortement impliquée.

Compte tenu de l’origine de ce texte, du travail produit aussi bien par Mme la rapporteur que par la commission des lois, et du fait qu’il s’agit d’une deuxième lecture, il ne me paraît pas nécessaire de revenir de façon exhaustive sur le contexte ou le contenu de la présente proposition de loi.

Je tiens simplement à faire droit à la constance avec laquelle le Sénat contribue aux libertés publiques et à l’amélioration des conditions de détention. Par sa culture du droit et par ses initiatives, le Sénat a en effet été la chambre qui a le plus amélioré, dans le temps, les conditions d’incarcération dans notre pays. Je pense notamment aux avancées réalisées sous la IIIe République : ainsi, MM. Hyest et Cabanel, dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, créée en 2000, évoquent la commission d’enquête parlementaire créée en 1872 sur l’initiative du vicomte d’Haussonville – elle rassemblait de prestigieux sénateurs, comme Victor Schœlcher ou René Béranger – en vue d’étudier les établissements pénitentiaires, de faire un rapport à l’Assemblée sur l’état de ces établissements et de proposer les mesures en vue d’en améliorer le régime. Peu après, la loi de 1875 généralisait l’emprisonnement cellulaire dans les prisons départementales. En 1885, le sénateur Bérenger faisait voter les textes instituant la liberté conditionnelle et le sursis simple.

La continuité de cette politique s’est vérifiée à plusieurs reprises, notamment avec la commission d’enquête citée à l’instant constituée en 2000, dont le président était Jean-Jacques Hyest et le rapporteur Guy-Pierre Cabanel. Ce travail a abouti au dépôt d’une proposition de loi, votée en première lecture au Sénat, qui évoquait déjà la nécessité d’un contrôle général des lieux de privation de liberté.

Mais il y eut également une commission d’enquête mise en place à l’Assemblée nationale, avec pour président Louis Mermaz et pour rapporteur Jacques Floch, ainsi que toute une série d’éléments que j’ai évoqués lors de l’examen du texte en première lecture : je pense notamment à l’ouvrage du docteur Véronique Vasseur, qui, en frappant l’opinion publique, a créé les conditions de la réceptivité à la question des libertés publiques, de la prison en tant qu’espace de droit et du détenu en tant que sujet de droit.

Il est donc dans la logique, dans la trajectoire, mais aussi dans la dynamique de cette assemblée qu’une initiative parlementaire, ici prise par Catherine Tasca, nous conduise aujourd’hui à améliorer, à conforter et même à renforcer les missions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité administrative indépendante créée par la loi du 30 octobre 2007.

Fort logiquement, après les initiatives prises par le Sénat, cette évolution a également été permise, si ce n’est impulsée, par les juridictions aussi bien européennes que nationales. Pour ces dernières, ce fut le fait, d’abord, de la juridiction administrative, puis, progressivement, de la juridiction judiciaire.

Au milieu des années quatre-vingt-dix, la juridiction administrative a abandonné sa jurisprudence relative aux mesures d’ordre intérieur, qui conduisait les tribunaux administratifs et le Conseil d’État à considérer qu’ils n’avaient pas à se prononcer sur toute une série de mesures prises par l’administration pénitentiaire au motif qu’elles relevaient de l’ordre intérieur. La juridiction administrative a alors commencé à inclure dans son champ de compétences certains éléments relevant de la matière pénitentiaire. C’est ainsi qu’elle se prononce, par exemple, sur les mesures de transfert, sur les mesures d’isolement, ou encore sur la présence de l’avocat en détention ; elle se prononce, en somme, sur tout un ensemble de dispositions qui, jusqu’alors, étaient prises de façon quelque peu souveraine par l’administration pénitentiaire.

Cette évolution voit ensuite entrer en action la juridiction judiciaire. Cela se fait d’abord, bien entendu, par la loi Guigou de 2000, qui énoncera que certaines décisions prises par le juge d’application des peines sont non pas seulement des mesures d’administration judiciaire, mais également des ordonnances ou des jugements, par conséquent susceptibles de recours. La juridictionnalisation de l’application des peines est donc en marche depuis près d’une quinzaine d’années.

Au cœur de toutes ces dynamiques, la nécessité du contrôle général des lieux de privation de liberté paraît bien installée, même si je n’ose pas encore dire que le processus est achevé. L’institution a fait ses preuves, sous l’impulsion particulière de Jean-Marie Delarue, dont les mérites ont été cités avec force aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

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