Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 15 mai 2014 à 9h30
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca, rapporteur :

Quatrièmement, nos collègues députés ont modifié la rédaction du nouveau délit d’entrave, afin, d’une part, de supprimer la peine d’emprisonnement encourue, ne laissant ainsi subsister qu’une peine correctionnelle de 15 000 euros d’amende, et, d’autre part, d’inclure dans le champ de cette nouvelle infraction, en plus des comportements manifestant une opposition aux opérations de contrôle ou de vérifications, le fait de sanctionner une personne pour les liens qu’elle aurait établis avec le Contrôleur général ou pour les pièces ou les informations qu’elle lui aurait fournies.

Un tel élargissement permettra de donner plus de poids à l’article 2 de la proposition de loi, qui pose le principe de nullité de toute sanction prononcée à l’encontre d’une personne qui aurait établi des liens avec le Contrôleur général ou qui lui aurait fourni des informations ou des pièces.

En pratique, la suppression de la peine d’emprisonnement interdira le placement en garde à vue de l’intéressé, mais n’empêchera pas les poursuites devant le tribunal correctionnel. L’Assemblée nationale a jugé qu’une peine d’emprisonnement n’était pas justifiée en l’espèce. En effet, il est sans doute temps – et le travail accompli par Mme la garde des sceaux depuis plusieurs mois nous y invite – de cesser de considérer la peine d’emprisonnement comme la peine de référence pour toute infraction pénale.

Dans ce cas particulier, la suppression de la peine d’emprisonnement a toutefois fait réagir plusieurs membres de la commission, qui ont considéré nécessaire de marquer la gravité que revêt pour le législateur le fait de faire entrave aux missions du Contrôleur général. J’insiste également sur un point : la suppression pour ce délit particulier de la peine d’emprisonnement ne doit pas laisser penser que l’entrave à l’action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté serait moins grave, par exemple, que l’entrave à l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Aujourd’hui, les différents délits d’entrave prévus par notre droit sont punis de peines différentes. Par cohérence, il serait sans doute souhaitable de repenser dans un avenir proche ces peines et de les aligner sur un quantum commun.

Cinquièmement, sur l’initiative de notre collègue député Sergio Coronado, l’Assemblée nationale a modifié la loi du 30 octobre 2007 pour permettre expressément aux députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – vous l’avez souligné à juste titre, madame la garde des sceaux.

Sur ma proposition, la commission des lois a approuvé ce qui a été fait par l’Assemblée nationale pour compléter et pour renforcer le contenu du texte. Tout cela concourt en effet à consolider l’institution du Contrôleur général, qui, en six ans d’exercice, a apporté la preuve de son utilité et de sa légitimité en tant qu’autorité indépendante. De ce point de vue, l’expérience nous montre à quel point le Sénat a été bien inspiré en refusant l’intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans l’institution qu’est le Défenseur des droits. Les missions de l’un et de l’autre sont non pas concurrentes, mais bien complémentaires. Elles mériteraient sans doute d’être mieux articulées. C’est le sens d’une convention signée en 2011 par les deux institutions.

Je tiens également, à mon tour, à rendre hommage à la manière dont Jean-Marie Delarue a contribué à façonner cette nouvelle institution, grâce à son sens du dialogue, à sa rigueur, à son attachement sans failles aux principes fondateurs de notre République et à son incontestable indépendance. Je forme le vœu que son successeur, dont la désignation devra être prochainement soumise à l’approbation des commissions des lois des deux assemblées, fasse preuve des mêmes qualités et inscrive ainsi dans la durée la légitimité de l’institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

À ce stade de l’examen parlementaire, nous avons estimé que cette proposition de loi comportait désormais l’ensemble des mesures nécessaires pour répondre aux difficultés ou lacunes identifiées au cours des six premières années de pratique. Le texte nous paraît parvenu à un équilibre satisfaisant. Il permettra de renforcer le dispositif de protection des droits des personnes privées de liberté, tout comme celui des conditions de travail des personnels qui en ont la charge et qui exercent trop souvent leur métier dans des conditions éprouvantes.

Compte tenu, en outre, de l’intérêt d’une entrée en vigueur rapide des dispositions de ce texte afin de permettre au successeur de Jean-Marie Delarue, dont le mandat arrive à expiration le 13 juin prochain, de s’en saisir pleinement, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de loi dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, ouvrant ainsi la voie à un vote conforme et à une promulgation rapide. §

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