Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 15 mai 2014 à 9h30
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la loi du 30 octobre 2007 a mis en place une autorité administrative indépendante chargée de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, et plus spécifiquement de s’assurer du respect des droits fondamentaux de ces dernières.

Sur le principe, nous étions bien évidemment favorables à l’instauration d’un tel mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants, conformément à l’engagement pris par notre pays auprès des Nations unies le 16 septembre 2005.

Concernant cependant les modalités de sa mise en œuvre telles que décidées dans le projet de loi qui nous avait été soumis en 2007, nous avions formulé certaines critiques. Nous jugions en effet que l’on nous proposait un texte a minima et avions donc déposé un certain nombre d’amendements qui tendaient à faire de cette structure de contrôle une autorité incontestable, impartiale et indépendante, sur les plans tant politique que financier.

Depuis, les différents rapports de M. Jean-Marie Delarue ont également mis en exergue les faiblesses de cette institution. Leur présentation a été l’occasion de préconiser des mesures nécessaires pour conforter la place et le rôle du Contrôleur général, que personne ne songe aujourd’hui à remettre en cause.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit, comme l’a rappelé Mme Catherine Tasca, qui en est à la fois l’auteur et le rapporteur, de reprendre un certain nombre de ces recommandations, afin précisément de renforcer le cadre légal de l’action du Contrôleur général, de pallier les difficultés rencontrées par ce dernier dans l’exercice de ses missions, d’aligner un certain nombre de ses prérogatives sur celles qui ont été attribuées, postérieurement à sa création, à certaines autorités indépendantes, en particulier au Défenseur des droits, et de consacrer dans la loi un certain nombre de bonnes pratiques mises en place par M. Delarue depuis son entrée en fonctions, afin de les pérenniser.

L’Assemblée nationale a encore amélioré le texte voté voilà quelques semaines par notre assemblée. Outre qu’il aura la possibilité de prendre connaissance des procès-verbaux de garde à vue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pourra aussi consulter les procès-verbaux de déroulement de la retenue pour vérification du droit au séjour d’une personne de nationalité étrangère ou encore les procès-verbaux de retenue douanière, ce que nous approuvons évidemment.

Avec le texte tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pourra aussi s’adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté. Permettez-moi de le dire, son avis aurait été utile lors de l’examen en 2012 de la loi de programmation relative à l’exécution des peines. Ce texte a en effet permis la mise en place, sous forme de partenariat public-privé, d’un nouveau programme immobilier destiné à porter les capacités du parc pénitentiaire à 80 000 places, ce en totale contradiction avec la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et la priorité affirmée alors de l’aménagement des peines de prison, en particulier des plus courtes d’entre elles.

Je rappelle à ce sujet que nous avons déposé une proposition de loi visant à abroger cette loi de 2012, contre laquelle l’ensemble de la gauche s’était prononcée.

Nonobstant cette parenthèse, nous approuvons, je le redis, l’ensemble des dispositions figurant dans la présente proposition de loi.

L’action du Contrôleur général contribue à alerter sur la situation des personnes privées de liberté dans notre pays. La publication des nombreux avis et rapports nous rappelle que la situation des prisons françaises, qui a motivé la mise en place de cette nouvelle autorité en 2007, a finalement peu évolué. Malheureusement, les constats demeurent trop souvent les mêmes : surpopulation carcérale et situation alarmante dans le secteur psychiatrique, les centres de rétention ou les zones d’attente.

Pour que le travail du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne reste pas lettre morte, il relève de la compétence du législateur d’agir pour que la loi pénitentiaire soit appliquée réellement dans son intégralité.

Je souhaite ainsi que le Parlement puisse renforcer les dispositions de la réforme pénale, dont nous débattrons bientôt, afin qu’il soit définitivement mis fin, dans notre pays, à des conditions de détention trop souvent indignes. §

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