Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, qui a à son tour apporté quelques précisions bienvenues – Mme Tasca vient de le rappeler à l’instant –, la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté doit mettre fin aux distorsions parfois dommageables constatées entre la loi et la pratique.
Cette proposition de loi constitue une avancée démocratique, faite tout ensemble de précisions utiles, de la codification de pratiques déjà ancrées, mais aussi du renforcement nécessaire de certaines prérogatives, afin de permettre au Contrôleur général de ne jamais être entravé dans l’exercice de sa mission, ô combien essentielle : prévenir les atteintes aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté et s’assurer que les droits intangibles inhérents à la dignité humaine sont respectés, même au sein des lieux de privation de liberté.
Au cours de six années d’existence, le Contrôleur général, en la personne de M. Delarue auquel il faut de nouveau rendre hommage, et ses collaborateurs ont visité plus de 800 établissements, et même contre-visité certains d’entre eux, mesurant à cette occasion la réactivité des autorités responsables à la suite des recommandations faites précédemment.
Si le Contrôleur général a eu quelques occasions de se féliciter des mesures prises immédiatement par des chefs d’établissement et de la disponibilité de ces derniers à son égard, ainsi que des 69 réponses ministérielles qu’il a reçues en 2012, il a aussi souligné la difficulté de sa mission au regard des délais et des conséquences effectives sur la situation des détenus.
Il est ainsi significatif qu’au mois d’avril dernier le Contrôleur général ait reproché à l’administration de la prison pour mineurs de Villeneuve-lès-Maguelone de n’avoir pas tenu compte de recommandations formulées cinq ans auparavant et d’avoir laissé se développer un sentiment d’impunité des individus violents.
Alors que le mandat, non renouvelable, de M. Delarue touche à son terme, les modifications proposées aujourd’hui constituent des réponses adéquates et réfléchies aux difficultés techniques et juridiques issues de la pratique quotidienne de la mission du Contrôleur général dans les lieux de privation de liberté.
À ce titre, la création d’un délit d’entrave, l’extension de ce délit aux représailles, la protection des correspondances avec les personnes détenues, ainsi que celle du personnel entrant en contact avec le Contrôleur général, permettront de conforter de manière plus sereine la présence de cette institution dans notre paysage démocratique et d’aboutir, en quelque sorte, à sa normalisation.
Cela a été dit, les députés européens élus en France sont intégrés dans le dispositif juridique et pourront saisir l’institution.
Systématiquement, désormais, les ministres seront tenus de répondre dans un délai déterminé au Contrôleur général, qui sera informé des suites données à ses démarches par le procureur de la République ou l’autorité disciplinaire.
Par ailleurs, parce qu’il rencontre régulièrement des obstacles dans sa recherche de la véracité des faits, la proposition de loi lui permettra d’accéder aux procès-verbaux relatifs aux mesures privatives de liberté, de mettre en demeure les personnes intéressées de répondre à ses demandes d’informations ou de documents, mais aussi de lever dans certains cas le secret médical, avec l’autorisation de la personne privée de liberté, et ce dans le respect du droit à la vie privée de la personne concernée.
Enfin, si l’article 10 de la loi du 30 octobre 2007 prévoyait déjà la possibilité pour le Contrôleur général d’envoyer aux ministres compétents des conclusions et recommandations après chaque visite d’établissement, ainsi que des avis et propositions, désormais, la loi précisera également qu’il pourra « adresser aux autorités responsables des avis sur les projets de construction, de restructuration ou de réhabilitation de tout lieu de privation de liberté ».
En conclusion, certaines recommandations du Contrôleur général sont restées lettre morte. Parmi elles, certaines sont peu coûteuses – je pense notamment au vouvoiement systématique des détenus –, d’autres doivent résulter d’une modification des pratiques administratives actuelles, et d’autres encore vont dans le sens d’une prise en charge plus attentive, qui est aussi la clé, comme l’a fait remarquer le Contrôleur général, d’une meilleure sécurité.
Mais alors que la sagesse nous conseille, selon la formule célèbre, de « ne légiférer qu’en tremblant », nous pensons pour notre part avoir résorbé les distorsions qui pouvaient exister entre la loi de 2007 et la pratique effective de la mission du Contrôleur général.
Dans ces conditions, nous pouvons, me semble-t-il, légiférer sans trembler ! En 2011, le Sénat s’était opposé à l’intégration du Contrôleur général au sein du Défenseur des droits ; en 2014, il participe au renforcement de cette autorité et réitère son soutien sans faille à une institution qui honore notre démocratie.
Le groupe du RDSE se félicite ainsi de l’initiative coordonnée de Mme le rapporteur Catherine Tasca, à laquelle je rends hommage, et votera cette proposition de loi avec une conviction réaffirmée. §