Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à bien des égards, cette proposition de loi visant à modifier la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’avère exemplaire.
Elle est exemplaire quant au temps qui aura été nécessaire pour son adoption : elle nous revient de l’Assemblée nationale moins de quatre mois après le vote en première lecture du Sénat. J’ai connu tant de contre-exemples qu’il s’agit là d’un premier motif de satisfaction ; c’est aussi la preuve que le bicamérisme peut fonctionner efficacement lorsque chacun prend ses responsabilités.
Elle est exemplaire dans l’unanimité qui nous a rassemblés en première lecture et qui devrait se manifester à nouveau aujourd’hui.
Sur des questions de cette nature qui touchent à la dignité des personnes privées de liberté comme aux garanties accordées aux membres des personnels qui les entourent, cet accord, ce consensus, sur l’ensemble des travées et au-delà des orientations politiques de chacun, n’est-il pas révélateur de la capacité de rassemblement des différentes familles et courants que nous représentons lorsque sont en jeu des intérêts supérieurs de notre démocratie ?
Aux antipodes de ceux qui agitent le drapeau de l’infamie ou entonnent l’air de la calomnie lorsqu’il arrive aux formations républicaines de la gauche, de la droite ou du centre d’unir leurs efforts, je suis de ceux qui apprécient ces moments trop rares de notre vie politique, que j’aimerais davantage partager, notamment en matière de politique pénale et particulièrement face à l’univers carcéral.
Cette proposition de loi est exemplaire également dans la continuité républicaine qui a vu la majorité d’hier proposer l’institution du contrôle général des lieux de prévention de liberté, le président d’hier proposer le nom de Jean-Marie Delarue et les commissions des lois d’hier approuver ce choix, tandis que les majorités différentes d’aujourd’hui nous amènent à améliorer, au vu de l’expérience, la législation de 2007 pour donner au successeur de Jean-Marie Delarue des armes nouvelles afin d’améliorer la protection des droits et de la dignité des personnes privées de liberté.
Comment ne pas saluer aussi une fois encore la gouvernance de Jean-Marie Delarue ? Il était essentiel pour la crédibilité, le rayonnement et l’efficacité de cette autorité administrative indépendante et pour assurer sa pérennité que son premier titulaire lui donne toute sa dimension avec hauteur de vue, intelligence, compétence et discernement, pour reprendre les mots que vous avez utilisés, chère madame le rapporteur.
Cette proposition de loi est exemplaire enfin parce qu’il s’agit, dans le monde carcéral et au-delà, d’une des préoccupations majeures du Sénat. J’ai toujours considéré que notre assemblée était investie de deux responsabilités prioritaires, particulières, auxquelles nous étions tous indéfectiblement attachés : la représentation des collectivités territoriales de par la Constitution et la confiance de nos électeurs, mais aussi la défense des libertés de par toute notre histoire.
Le rôle essentiel joué par le Sénat dans la prise de conscience des drames de l’univers carcéral, du rapport intitulé Prisons : une humiliation pour la République de la commission d’enquête de 2000 sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, présidée par Jean-Jacques Hyest, à la loi pénitentiaire de 2009, pour rester dans la période récente, atteste de l’ardente obligation qui est la nôtre en ce domaine. Je ne reviendrai pas sur le rôle du Sénat sous la IIIe République, Mme le garde des sceaux l’ayant fait avec beaucoup plus de compétences que je ne pourrais en avoir.
J’ai aimé, madame le rapporteur, vous entendre dire hier, en commission des lois, que c’était une force pour l’actuelle réforme relative à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines que de s’adosser à la loi pénitentiaire.
L’expérience des six premières années d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté a révélé un certain nombre de difficultés et de dysfonctionnements de nature à entraver l’efficacité de son action. Cette proposition de loi y porte largement remède.
D’autres autorités administratives indépendantes, comme le Défenseur des droits, ont été créées et dotées de prérogatives nouvelles qu’il convenait de transposer.
Sans l’intervention du Sénat – on l’a rappelé –, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté serait intégré au Défenseur des droits très prochainement – au 1er juillet 2014 –, à la fin du mandat de Jean-Marie Delarue.
Cela eût été une erreur tant les missions de ces deux autorités, pour être complémentaires, n’en sont pas moins profondément différentes :…