Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 15 mai 2014 à 9h30
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Mais je n’allais pas me contenter de répéter ce que mes collègues ont dit, et fort bien dit !

Le projet de loi, dans la rédaction présentée par notre rapporteur, Jean-Pierre Michel, à la suite de la commission mixte paritaire, améliore le droit sur nombre de points. Je les reprends.

Il crée un statut des personnes suspectées lors de l’enquête, en encadrant les modalités selon lesquelles elles pourront être entendues librement, sans être placées en garde à vue. La commission mixte paritaire a d’ailleurs pris soin de bien employer les termes « suspecté » et « soupçonné » dans chacun des cas envisagés, afin que les choses soient très claires.

Le texte améliore les droits des personnes gardées à vue :elles seront plus précisément informées de l’infraction reprochée et des motifs de la garde à vue, elles auront directement accès aux mêmes pièces du dossier que l’avocat et recevront un document écrit énonçant leurs droits.

Une déclaration des droits sera donnée à toute personne privée de liberté au cours de la procédure pénale.

Les personnes poursuivies, si elles sont citées directement, ou convoquées par un officier de police judiciaire, pourront plus facilement exercer les droits de la défense. Le délai avant la date d’audience est ainsi porté de dix jours à trois mois, ce qui constitue une garantie considérable.

Les personnes déférées devant le procureur de la République en vue d’une comparution immédiate ou d’une convocation par procès-verbal pourront être, lors de leur présentation devant ce magistrat, immédiatement assistées d’un avocat.

Tout cela va dans le bon sens.

L’amendement qui a été voté en commission des lois à l’Assemblée nationale visant à ouvrir à l’avocat la possibilité de consulter l’intégralité du dossier dès la garde à vue, mais qui a été, comme au Sénat, repoussé en séance, aurait suscité de nombreuses difficultés pratiques. Cette mesure, de surcroît, n’est pas imposée par le droit communautaire. Il nous semble donc que la position finalement adoptée par la commission mixte paritaire, après les deux assemblées, est plein de sagesse.

Je voudrais, en outre, dire combien nous devons nous réjouir de voir que ce texte tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 4 décembre 2013 relative au régime dérogatoire en matière de garde à vue. J’insiste, de même, sur le fait que, sur l’initiative de notre rapporteur, le Sénat a amélioré le texte en précisant le point de départ de la garde à vue quand celle-ci faisait suite à une audition libre, consacrant ainsi une jurisprudence de la Cour de cassation.

Enfin, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait trouvé une rédaction satisfaisante en ce qui concerne l’accès au dossier des personnes détenues faisant l’objet d’une procédure disciplinaire. Cela fait le lien avec la proposition de loi que nous venons d’adopter et va dans le sens d’une amélioration nécessaire, en l’espèce, des droits des personnes détenues.

Pour terminer, je souhaite revenir, après notre collègue Yves Détraigne, sur une question que j’avais déjà abordée lorsque le texte était venu devant le Sénat, celle de l’aide juridictionnelle.

Vous savez, madame la ministre, combien l’étude d’impact nous avait impressionnés, même si l’évaluation laissait imaginer que l’on pouvait aller de 13 ou 14 millions d’euros au double de cette somme. Il y a là tout de même un véritable problème : les mesures positives que comprend ce texte auront pour effet d’augmenter le coût de l’aide juridictionnelle.

Plusieurs solutions ont été envisagées, qui ne répondent pas toutes à l’attente des différentes professions du droit. J’émets le vœu que l’on continue à travailler sur le sujet. La question de l’aide juridictionnelle se pose déjà, et deviendra encore plus cruciale avec l’application du présent texte.

Ce projet de loi est toutefois très largement positif. Comme Mme Esther Benbassa le soulignait, les textes de cette nature montrent bien que des décisions européennes peuvent nous aider à améliorer notre droit. C’est tout à fait bénéfique, et cela mérite d’être dit, surtout dans le contexte actuel !

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