Intervention de Jacques Blanc

Réunion du 4 mai 2011 à 14h30
Répression de la contestation de l'existence du génocide arménien — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jacques BlancJacques Blanc :

Je tiens tout d’abord à exprimer toute notre sympathie au président Hyest, qui, malgré des circonstances personnelles difficiles, a tenu à prendre part à ce débat. J’indique d’emblée qu’une très large majorité des membres du groupe UMP voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qu’il a présentée.

Nous avons voté, en 2001, une proposition de loi tendant à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Nous avons procédé par voie législative : c’était alors la seule voie offerte à la représentation nationale pour exprimer sa compassion à l’égard de la communauté arménienne. La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 nous permettrait aujourd’hui de recourir pour cela à un instrument plus adapté : la résolution.

La France a accueilli un grand nombre d’Arméniens, qui font honneur à leur pays d’adoption. La communauté franco-arménienne figure aujourd’hui parmi les plus beaux exemples d’intégration et d’enrichissement mutuel de la République.

Faut-il, pour autant, solliciter de nouveau le législateur pour instaurer une incrimination pénale contre ceux ou celles qui contesteraient le génocide arménien, comme nous y invitent certains de nos collègues ? Nous ne le pensons pas, et nous nous rangeons à l’avis du président de la commission des lois.

Nous voterons donc cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, comme nous avions approuvé, en 2008, les conclusions du rapport de la commission présidée par M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, sur les lois mémorielles. Permettez-moi d’en rappeler les conclusions : pas de remise en cause des lois existantes, pas de nouvelles « lois qualifiant ou portant une appréciation sur des faits historiques, a fortiori lorsque celles-ci s’accompagnent de sanctions pénales », sauf « lorsqu’il s’agit d’édicter des normes ou des limitations destinées à défendre des principes affirmés par le Préambule de la Constitution, notamment pour lutter contre le racisme et la xénophobie ».

Comme l’a dit M. Accoyer, « le devoir de mémoire est une notion utile, mais dont le maniement est délicat ». En effet, pour qualifier des faits, et donc nous rapprocher de la vérité, nous ne pouvons nous en remettre qu’à la recherche historique. Or la recherche historique n’est jamais achevée. Elle se nourrit toujours de cette culture du doute qui fait ressurgir des débats, qui apporte des contributions nouvelles, des explications différentes. C’est par le débat et par la confrontation des idées que nous approchons de la vérité.

Sceller dans le marbre de la loi l’appréciation de la vérité à un moment donné, c’est figer la recherche historique, la rendre difficile, voire impossible, empêcher la naissance du doute, et peut-être nier une part de la vérité.

Nous ne prenons pas aujourd’hui une position sur le génocide arménien, dont l’existence a été reconnue par un vote ; nous prenons une position de principe, en nous appuyant sur les principes posés par notre Constitution, qui ont été rappelés très fortement par d’éminents juristes, de droite comme de gauche.

Ne cédons pas à la tentation d’enfermer l’histoire dans la loi. Comme l’a écrit Françoise Chandernagor, « ce n’est pas à des majorités politiques d’imposer et de fixer la vérité historique ;…

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