Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 15 mai 2014 à 15h00
Activités privées de protection des navires — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Beaucoup a déjà été dit sur la recrudescence récente de la piraterie maritime, qui justifie la préparation de ce projet de loi. Entre 1980 et 2010, environ 4 000 actes de piraterie maritime ont été recensés, dont les deux tiers sont survenus entre 2000 et 2010. On estime l’impact économique entre 7 milliards et 12 milliards de dollars par an. La faiblesse étatique et la pauvreté qui dominent certaines régions en sont les causes principales. Les zones à risques sont principalement le détroit de Malacca, le nord-ouest de l’océan Indien et le golfe de Guinée. Elles ont évidemment tendance à se déplacer.

Cette recrudescence a conduit les États à intervenir pour tenter de l’éradiquer en modernisant l’arsenal juridique international et national.

Au-delà du droit international, établi sur le fondement de la convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay en 1982, qui précise le régime juridique de la piraterie et de sa répression, la France dispose d’un arsenal juridique complet qu’elle a modernisé récemment par la loi du 5 janvier 2011. Toutefois, un droit performant ne suffit pas à protéger les navires exposés à cette menace. D’une part, la loi doit s’appuyer sur une force de maintien de l’ordre susceptible de la faire appliquer. D’autre part, les navires doivent adopter des mesures de précaution et de protection.

La réponse des États a donc consisté à déployer des forces navales dans les zones les plus dangereuses pour dissuader, protéger, combattre les pirates et détruire leurs installations à terre. Ainsi, au large de la Somalie, l’opération Atalante, placée sous l’égide de l’Union européenne, dont la France vient d’assurer le commandement, l’opération Ocean Shield des forces navales de l’OTAN et des interventions permanentes ou ponctuelles de nombreux pays ont été mises en œuvre. Ces opérations sont souvent combinées avec des missions de coopération pour aider les États de la région à développer leurs capacités de surveillance et de contrôle maritimes, ainsi que leurs systèmes judiciaires.

S’agissant de la protection passive, la Fédération internationale des armateurs a élaboré des bonnes pratiques qui sont efficaces dans nombre de cas et ne cessent de s’améliorer. Toutefois, l’un des moyens les plus efficaces consiste en la présence d’équipes de protection.

Dans un nombre croissant d’États, le recours à des personnels de sûreté armés sous contrat privé à bord des navires sous pavillon national a été autorisé. Ce déploiement est compatible avec l’article 94 de la convention de Montego Bay. Plusieurs enceintes internationales, à l’instar de l’Organisation maritime internationale, ont formulé, sur ce sujet, des recommandations aux États, aux armateurs et aux sociétés de protection. Des sociétés de protection se sont constituées et proposent une offre aux armateurs.

La France était jusqu’à maintenant, avec les Pays-Bas, dont la législation est également en cours d’évolution, et la Finlande, l’un des derniers pays de l’Union européenne à ne pas autoriser cette solution.

Lorsque la législation ne le permet pas, certains États ont accepté, comme la France dans le cadre de l’arrêté du 22 mars 2007 établissant la responsabilité du ministère de la défense dans la protection du trafic maritime, d’assurer la protection de bâtiments battant leur pavillon national ou agissant selon leurs intérêts par des équipes de protection embarquées, dite EPE, de leur marine nationale.

En France, la demande est effectuée par l’armateur auprès du Premier ministre, qui en décide après une étude technique menée par l’état-major de la marine pour apprécier la menace en fonction de la dangerosité de la zone et de la vulnérabilité intrinsèque du navire, ainsi que de la capacité de la marine nationale à agir en temps utile compte tenu des contraintes diplomatiques et logistiques, des escales prévues et du préavis disponible. La mise à disposition donne lieu à une convention, en principe ponctuelle, annuelle dans le cas particulier des thoniers senneurs opérant depuis les Seychelles.

Actuellement, les demandes, vingt-cinq à trente-cinq par an, sont satisfaites à 70 %. Je tiens à saluer ici, au nom de la commission et, si vous le voulez bien, mes chers collègues, en votre nom à tous, la qualité de la prestation rendue avec sang-froid et discernement par les fusiliers marins affectés à ces missions, dont le professionnalisme est reconnu par tous.

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