Intervention de Charles Revet

Réunion du 15 mai 2014 à 15h00
Activités privées de protection des navires — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Charles RevetCharles Revet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il regrette depuis quelques mois le recours quasiment systématique à la procédure accélérée, le groupe UMP considère, une fois n’est pas coutume, que cela se justifie pour ce texte. Je tiens d’ailleurs à remercier Odette Herviaux et Alain Richard pour le travail qu’ils ont accompli.

Le retour au premier plan de la piraterie maritime requiert une réponse non seulement adaptée, mais aussi rapide. L’urgence est facilement vérifiable. En 2013, 230 attaques ont été recensées, concernant près d’un demi-millier de membres d’équipage. Il est donc important que le législateur puisse intervenir dans des délais réduits. Ces quelques semaines gagnées seront, espérons-le, décisives pour certains équipages.

Depuis 2012, près de 400 navires ont été attaqués. Ils auraient pu bénéficier d’une protection accrue si nous n’avions pas perdu autant de temps. En décembre 2011, en effet, le texte était déjà prêt !

Je veux dire un mot maintenant du principe qui est au cœur du projet de loi, à savoir le fait de confier à des entreprises privées de sécurité le soin de protéger les navires de marchandises. Je ne me tromperai pas en avançant que, dans cette assemblée, nous sommes tous très attachés aux missions régaliennes de l’État. Pour autant, devons-nous étendre cette mission à la protection de navires marchands qui, au moment du transport, sont en pleine activité commerciale ? Comme le Gouvernement et la majorité, je ne le pense pas. Pourtant, c’est bien à l’État qu’il revient de protéger les acteurs économiques lorsque ceux-ci effectuent des échanges sur le territoire national. Si l’on ne protège pas la liberté du commerce, nous entrons dans le règne du chacun pour soi. Par analogie, on serait en droit d’attendre la même chose lorsqu’il s’agit du transport maritime. Malheureusement, cela nous est matériellement impossible.

Même si cela a déjà été fait, je voudrais profiter de cette intervention pour saluer le courage et le dévouement des équipes d’agents du GIGN ou de l’armée, qui, cette année encore, sont appelées à intervenir dans des conditions de confusion et de tension extrêmes.

Comme je viens de le dire, permettre à des entreprises de sécurité d’intervenir sur les navires battant pavillon français est désormais une nécessité. C’est en effet le seul moyen qui permettra d’assurer la protection des équipages. Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, je ne cherche pas à faire mystère du sort que notre groupe réservera à votre projet de loi. Pour autant, à la suite de certains orateurs, je ne vous épargnerai pas quelques observations…

Je désirerais m’attarder un instant sur le travail, y compris sur le plan législatif, qui a déjà été accompli dans ce domaine. On parle beaucoup – c’est d’ailleurs le cas de l’exposé des motifs du projet de loi – des travaux du Bureau maritime international, qui évalue le problème, des mesures de Best management practices recommandées par l’Organisation maritime internationale, de l’opération Atalante conduite par l’Union européenne sous l’égide de l’OTAN, ainsi que de l’ensemble des opérations organisées multilatéralement avec le Japon, la Russie, les États-Unis ou encore les pays d’Asie du Sud-Est.

De son côté, le législateur s’était saisi de la question lors de la précédente législature. La loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer avait déjà fourni une première réponse au problème. Même si cette loi peut paraître aujourd’hui insuffisante, elle a eu le mérite de répondre à deux difficultés.

Premièrement, elle a permis de déterminer les infractions pénales constitutives d’acte de piraterie, ainsi que les modalités de constatation de ces dernières. Concrètement, elle a reconnu aux juridictions françaises une « compétence quasi universelle » pour juger des actes de piraterie commis hors du territoire national, quelle que soit la nationalité des bâtiments et des victimes. Cette loi a donc permis de donner aux autorités françaises les outils juridiques pour traiter, en aval, ces actes de piraterie.

Deuxièmement, cette loi a créé un régime sur mesure pour les personnes interpellées amenées à être retenues à bord.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui poursuit ce travail. Son article 30 précise que « tout individu demeuré ou recueilli à bord après avoir représenté une menace extérieure à l’encontre du navire […] fait l’objet d’une consignation ».

Par ailleurs, pour rendre effectif le nouveau statut, la loi du 5 janvier 2011 accordait aux commandants les pouvoirs d’officier de police judiciaire. Elle essayait donc de traiter le problème en amont et en aval.

Pour autant, je pense que les deux textes sont complémentaires.

À partir du moment où nous constatons que les forces armées et les forces de police n’ont pas les moyens d’agir en toutes circonstances, il convient d’organiser l’activité de protection des navires par des entreprises privées. C’est ce qui est proposé dans le projet de loi.

La première grande partie du texte, le titre II, porte sur les conditions d’exercice de l’activité privée de protection des navires. Le cadre dans lequel les entreprises devront évoluer peut apparaître assez restrictif compte tenu de la superposition des autorisations nécessaires. En effet, l’article 4 impose une autorisation d’exercice, l’article 6 oblige à l’obtention d’une certification et l’article 12 prévoit que les agents des entreprises privées de protection des navires doivent être titulaires d’une carte professionnelle attestant de garanties similaires. Cependant, de telles formalités ne seront pas à mon sens un obstacle à l’activité des entreprises concernées, qui sont habituées aux procédures administratives. Au demeurant, ces entreprises seront le seul rempart contre les pirates. À ce titre, il est indispensable que les armateurs puissent bénéficier du maximum de garanties.

Toujours à propos du titre II – c’est sans doute la seule difficulté sur laquelle je m’arrêterai –, l’article 9 interdisait de faire état dans les documents de l’entreprise de la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire que pouvait avoir l’un de ses dirigeants ou agents.

Même si cet article a été supprimé, il a mis en lumière une impossibilité déjà présente dans notre droit : les entreprises de sécurité ne peuvent pas communiquer la qualité d’ancien fonctionnaire de police ou d’ancien militaire de l’un de leurs dirigeants ou agents. Une telle disposition induit une distorsion de concurrence entre les entreprises de sécurité françaises et étrangères alors que le secteur est extrêmement concurrentiel. Les entreprises étrangères ont donc un avantage compétitif, puisqu’elles peuvent largement étaler le pedigree de leur personnel. Le problème a d’ailleurs déjà été souligné, monsieur le secrétaire d’État. Il est regrettable que les entreprises françaises du secteur ne puissent pas bénéficier de la réputation des commandos et autres groupements d’intervention que compte notre pays.

J’en viens au titre III, qui concerne les modalités d’exercice de l’activité privée de protection des navires.

Comme cela a été indiqué à l’Assemblée nationale, nos doutes portaient essentiellement sur la définition des zones à l’intérieur desquelles les activités de protection pourraient s’exercer. Fixer par décret les zones de piraterie en raison des menaces encourues nous paraissait une procédure trop lourde. Aux termes de l’article 18, c’est désormais un comité réunissant les professionnels et les pouvoirs publics qui recommandera au Premier ministre de redéfinir ces zones au regard de l’évolution des menaces identifiées. Le Gouvernement a revu sa copie, et c’est tant mieux !

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