Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà quelques mois, lors de la remise de son rapport annuel, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, le DALO, intimait l’ordre à l’État de ne pas rester hors la loi. Ces mots sont durs et sans appel, mais ils sont à la mesure du drame qui se déroule sous nos yeux.
En effet, alors même que nous avons instauré en grande pompe, dans cet hémicycle, le fameux « droit au logement opposable » en votant la loi du 5 mars 2007, le Conseil d’État continue de qualifier ce droit de « fictif ».
Comme pour confirmer ce jugement, la fondation Abbé Pierre, dans son rapport annuel, vient de nous fournir des chiffres affligeants sur la situation du mal-logement, qui concerne aujourd’hui plus de 3 millions de personnes. Ces chiffres sont corroborés par le rapport de l’INSEE, qui estime à 3, 2 millions le nombre de personnes mal logées dans notre pays. Selon un sondage réalisé cet hiver par l’institut BVA, plus de la moitié de nos concitoyens, et jusqu’à 64 % des ouvriers, ont peur de se retrouver à la rue. La crise du logement atteint des sommets, conjuguant absence de politique ambitieuse en termes de construction et baisse du pouvoir d’achat des ménages.
Comment ignorer, en effet, l’arsenal mis en place par ce gouvernement, qui mène une politique ne garantissant pas le droit au logement, mais ouvrant au contraire la voie à la marchandisation de ce dernier ? En raison de la dramatique baisse des dotations budgétaires décidée dans le cadre de la loi de finances, la France consacre aujourd’hui moins de 1 % de son PIB au logement. Il en résulte une diminution sévère du financement des logements sociaux, notamment de celui des logements très sociaux. Les aides à la pierre atteignent ainsi péniblement 480 millions d’euros.
Par ailleurs, la subvention accordée par le Gouvernement pour chaque logement HLM est passée de 2 700 euros à 1 000 euros. De plus, la nouvelle taxe de 245 millions d’euros sur trois ans qui pèsera sur les offices d’HLM va amputer d’autant la capacité de construction de ceux-ci, alors même que, selon les associations, il faudrait construire 900 000 logements.
Cette situation de pénurie de logements sociaux se vérifie tout particulièrement dans la région parisienne et dans la plupart des grandes agglomérations du pays, là où le secteur immobilier est de plus en plus tendu en raison de la spéculation foncière et de la flambée des loyers, dont l’augmentation est supérieure à la progression de l’indice des prix à la consommation. Comment assurer le respect du DALO si le nombre de logements construits ne permet pas de répondre à la demande ?
Parallèlement, le décalage croissant entre le coût du logement et les revenus des ménages rend de plus en plus difficile l’accès au logement. Ainsi, les ménages comptant parmi les 30 % les plus pauvres qui sont logés dans le parc privé consacrent, en moyenne, près de 40 % de leurs ressources au loyer ou aux charges liées à l’accession à la propriété. Pour ce qui concerne cette dernière, depuis 2000, la durée d’endettement pour l’achat d’un même logement est passée de quatorze ans à trente et un ans !
Selon l’INSEE, entre 1998 et 2008, les prix à la consommation ont augmenté de 19 %, les loyers des résidences principales de 25 %, alors que le revenu disponible médian des ménages, quant à lui, n’a progressé que de 13 %. Les dépenses courantes de logement nettes des aides personnelles représentaient en moyenne 17 % du budget des ménages en 1984, contre 21, 4 % en 2009. Il apparaît donc clairement que les ménages ont de plus en plus de mal à assumer les dépenses courantes liées au logement, notamment les charges. À titre d’exemple, le prix du gaz a augmenté de 60 % depuis 2004.
Dans le même temps, l’État se désengage du financement des aides personnalisées au logement, les APL, puisque la fin de la rétroactivité de celles-ci a été votée à l’automne dernier.