Cette situation engendre une demande sociale particulièrement forte, qui alimente durablement une crise du logement dont les locataires et leurs familles demeurent, en dernière instance, les principales victimes.
Conséquence mécanique de cette crise, la pratique barbare des expulsions locatives a repris de plus belle depuis le 15 mars dernier. Des femmes, des enfants, des familles entières sont jetés à la rue, avec pour seule perspective l’isolement, la précarité et le non-droit. À cet égard, je voudrais citer le rapport de la Cour des comptes intitulé « Les personnes sans domicile », selon lequel « dans l’enchaînement des ruptures qui conduisent à la rue, la perte du logement est un facteur clé ».
Pourtant le Président de la République, lors de sa campagne, assurait, la main sur le cœur, que plus personne ne dormirait dehors s’il était élu. Il est plus que temps de traduire en actes ces promesses ! Il est urgent que cessent ces pratiques d’un autre âge, qui non seulement ne respectent pas la dignité de la personne humaine, mais constituent en outre une absurdité économique, puisqu’il revient souvent plus cher d’héberger des personnes privées de logement que de permettre un maintien dans les lieux. À ce titre, notons que, chaque année, sont dépensés 100 millions d’euros en nuitées d’hôtel en Île-de-France.
Nous avons donc souhaité vous soumettre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, dont l’objet principal est d’assurer le respect par l’État des engagements pris en faveur du droit au logement, à l’échelon tant international que national, et dont les expulsions locatives sont l’antithèse.
Le droit au logement est notamment défini comme droit humain dans l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».
Par ailleurs, aux termes de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté à New York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies et entré en vigueur le 3 janvier 1976 conformément aux dispositions contenues dans son article 27 suite à sa ratification par un trente-cinquième État, « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit. »
Cette reconnaissance crée ainsi pour l’État une obligation de mise en œuvre effective du DALO, dans la mesure où l’article 2 du même texte dispose que « chacun des États parties au présent Pacte s’engage à agir […] en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte […] ».
Par un arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a consacré pour la première fois l’effectivité directe du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans notre droit interne et devant les tribunaux.
Parallèlement, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu, dans l’arrêt Larkos contre Chypre du 18 février 1999, qu’une menace d’exécution d’une décision d’expulsion d’un locataire de son logement contrevenait au droit au respect du domicile garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et a ainsi protégé le droit de ne pas être privé du domicile que l’on occupe.
En outre, depuis un arrêt du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, le droit au logement est reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle. Cela signifie très clairement que ce droit a intégré le bloc de constitutionnalité, au même titre que d’autres droits, notamment celui de la propriété, si cher au Gouvernement.