Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 4 mai 2011 à 14h30
Expulsions locatives — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Ainsi, sur les 4, 3 millions de ménages logés dans le parc social français, 250 000 foyers connaissent des situations d’impayés de loyers de plus de trois mois, soit environ 6 % des locataires. Mais, en bout de chaîne, après avoir activé de nombreuses actions de prévention, seuls 3 500 ménages – c’est encore trop ! – sont expulsés avec le concours des forces de l’ordre.

Comment les bailleurs sociaux, qui doivent faire face à davantage de situations d’impayés que ceux du parc privé, parviennent-ils à moins d’expulsions ? La réponse tient en deux mots : prévention et accompagnement.

En effet, avant l’engagement de toute procédure judiciaire, les bailleurs sociaux alertent le locataire concerné dès le troisième mois d’impayé de loyer. Grâce à un contact de proximité – le gardien, puis un travailleur social –, un dialogue est établi qui permet, d’une part, de réaliser un diagnostic précis de la situation sociale de la famille concernée et, d’autre part, de faire prendre éventuellement conscience à celle-ci des risques d’un effet boule de neige. Au-delà de trois mois d’impayés, l’accumulation de la dette peut très vite devenir insurmontable !

Ce travail de prévention permet au locataire de rééchelonner sa dette et au bailleur de recouvrer les loyers dus. Les trois quarts des situations d’impayés sont ainsi résolues. C’est considérable ! Il faut donc s’en inspirer au-delà du seul parc public.

Les propriétaires privés, qui sont souvent des particuliers, ne disposent évidemment pas des moyens humains pour accomplir ce travail de prévention. On pourrait donc imaginer qu’un système de garantie mutuelle assure cette fonction.

Hélas ! c’est l’inverse qui se produit avec les assurances locatives souscrites par nombre de propriétaires. Je rappelle en effet que ceux-ci sont encore trop peu nombreux à faire appel à la GRL – 200 000 en quatre ans d’existence – et que celle-ci n’est d’ailleurs pas universelle. Comme les assurances incitent fortement les propriétaires à déclencher immédiatement une procédure judiciaire pour pouvoir bénéficier de la couverture du risque locatif, le locataire est d’emblée emporté dans la judiciarisation de sa situation. Or, pendant ce temps, sa dette s’accumule !

Le système assurantiel produit ici des effets pervers particulièrement dommageables, autant pour le propriétaire que pour l’occupant. Cela montre que nous ne pourrons échapper au débat sur l’élargissement du système de garantie universelle et mutualiste des risques locatifs, dans le parc privé comme dans le parc public, que ce soit par conviction ou par obligation. Pour notre part, c’est évidemment la conviction qui nous y pousse. De ce point de vue, cette proposition de loi est opportune et me permet de souligner que nous attendons que des améliorations substantielles soient apportées à ce système inventé au début des années 2000.

J’en viens maintenant aux politiques d’accompagnement.

Sur les 60 000 recours visant à demander la résiliation du bail, 40 000 sont accordés par les tribunaux. Dès lors, un protocole peut être mis en place permettant au locataire de rester dans le logement moyennant le paiement d’une indemnité d’occupation, avec maintien de l’APL, et le remboursement progressif de sa dette locative. Au terme de ce protocole, dont la durée ne peut excéder cinq ans, si le locataire a respecté sa part de contrat, son bail est rétabli. C’est ce qui arrive dans près de 70 % des cas, ce qui est très encourageant.

Là encore, il y a davantage d’enseignements à tirer de ce dispositif et de bonnes solutions à trouver que dans la brutale et traumatisante expulsion. J’appelle donc de mes vœux l’élargissement de ces solutions amiables et contractuelles au parc privé, dans un cadre sécurisé pour les propriétaires.

Au-delà des indispensables efforts de sécurisation des trajectoires résidentielles, nous devons nous interroger, en tant que représentants de la nation, sur les raisons qui ont conduit à la forte croissance des expulsions au cours de la dernière décennie. Les contentieux locatifs avec demande de délivrance de titre exécutoire ont en effet augmenté de 40 % entre 2000 et 2009. C’est considérable et significatif de l’inadéquation entre l’offre de logement et le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur l’exacte concomitance de l’accroissement des impayés donnant lieu à contentieux et la très forte inflation immobilière au cours de ces dix dernières années.

Plus les loyers grimpent et plus les ménages ont des difficultés pour y faire face ! Il est des vérités simples qui méritent de ne pas être oubliées si l’on veut infléchir les politiques publiques.

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