Intervention de Marie-Thérèse Bruguière

Réunion du 20 mai 2014 à 9h30
Questions orales — Événements relatifs à des mineurs dans une maison d'arrêt

Photo de Marie-Thérèse BruguièreMarie-Thérèse Bruguière :

Madame la présidente, monsieur le ministre, je regrette que l’emploi du temps de Mme Taubira, garde des sceaux, ne lui ait pas permis d’être présente aujourd’hui pour répondre à cette question importante relative à la situation des mineurs emprisonnés.

En effet, à la suite des recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, dans l’Hérault, je souhaiterais revenir sur la situation des mineurs emprisonnés.

J’ai été choquée d’apprendre, comme beaucoup de personnes ayant suivi les informations, cette manifestation de violence gratuite dans une institution publique. Certes, je ne suis pas naïve et j’ai bien conscience que, si ces adolescents arrivent dans ces établissements, c’est qu’ils présentent des problèmes sérieux.

Toutefois, je rappelle que, entre janvier 2013 et février 2014, vingt-quatre cas de violences graves ont été recensés dans la cour de promenade des mineurs, dont 13 % ont moins de seize ans. Plus d’un tiers de ces faits impliquent des enfants arrivés la veille ou l’avant-veille dans l’établissement. Ces actes s’assimileraient donc à un rite de passage – presque un bizutage –, lors de l’entrée en prison.

Aussi, je souhaiterais faire deux remarques à la suite des recommandations que je viens d’évoquer.

En premier lieu, je considère qu’il est de mon devoir de relayer ces recommandations, pour qu’on ne puisse pas dire plus tard qu’on ne savait pas. Au demeurant, ce qui émane de ce rapport, c’est la difficulté d’obtenir les informations nécessaires à l’établissement des faits, comme si notre société s’était accoutumée à ces manifestations de violence et banalisait le recours par les mineurs à la brutalité. Faute de pouvoir remédier à ces situations, on les minimise, alors même que la persistance de pratiques violentes au sein de ces quartiers des mineurs met très sérieusement en péril l’intégrité corporelle des jeunes incarcérés. Une fois sortis de prison, certains d’entre eux restent traumatisés, ce qui peut compromettre leurs chances de réinsertion.

En second lieu, il semblerait que, face à ces manifestations de violence, les procédures mises à la disposition du personnel pénitentiaire soient inadaptées.

En effet, toujours d’après le rapport, il apparaîtrait que ces actes sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont dénoncés, car toutes les violences ne feraient pas l’objet d’un compte rendu d’incident. Comme je l’ai dit, les faits ont lieu hors des cellules, lors des déplacements dans la cour de promenade, placée sous caméra de surveillance fixe, mais sans personnel présent. Aussi, des témoignages recueillis établissent que de nombreux incidents pourraient échapper à la vigilance des gardiens.

De plus, les modalités d’intervention des surveillants, dont l’intégrité physique doit être préservée, sont lourdes et lentes. Les procédures disciplinaires sont trop longues, les délais de convocation devant la commission de discipline pouvant atteindre plusieurs mois, ce qui, compte tenu de la durée moyenne de détention des enfants, garantit l’impunité aux auteurs des violences.

Enfin, je sais que Mme la garde des sceaux a été destinataire de ce rapport ; elle a demandé qu’une enquête soit réalisée afin de connaître les dysfonctionnements de l’institution, ces faits n’étant malheureusement pas nouveaux puisqu’ils ont déjà été dénoncés en 2009 à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Aussi, je serai particulièrement attentive à la suite que vous apporterez à au moins deux des recommandations de ce rapport.

La première concerne la prise en charge éducative de ces enfants, qui doit inclure une éducation aux règlements, au respect mutuel, ainsi qu’une incitation aux dénonciations de toutes ces pratiques et rites d’un autre âge.

La seconde recommandation a trait à la question du signalement à l’autorité judiciaire par les médecins ayant constaté les conséquences corporelles d’agressions. La possibilité offerte aux médecins de signaler les cas de sévices ou de mauvais traitements devrait être une obligation s’agissant des enfants incarcérés, isolés de leurs familles et, pour beaucoup, ayant peur de se plaindre. Il s’agit de lutter contre ce sentiment de résignation face aux agressions constatées au motif que ces enfants seraient naturellement portés à la violence.

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