Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 20 mai 2014 à 9h30
Questions orales — Justice du xxie siècle et création des tribunaux départementaux

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux et concerne la mise en œuvre des tribunaux départementaux de première instance, préconisés par la proposition n° 14 du rapport rédigé par M. Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier.

Ce rapport, intitulé Les Juridictions du XXI e siècle, se situe dans le cadre de la réflexion nationale que le Gouvernement a engagée au cours de l’année 2013. Il a été débattu lors de rencontres nationales sur l’avenir de notre système judiciaire, en janvier 2014, puis un document, Les Scénarios de réforme, a été soumis par la Chancellerie à la concertation des juridictions.

Le 4 février, alertée par le bâtonnier de Castres, j’avais déjà interpellé le Gouvernement par courrier, car selon les critères d’effectifs, le nombre de magistrats du Tarn permet qu’un tribunal de première instance soit fixé à Albi, chef-lieu du département, le TGI de Castres devenant un site détaché.

Or, dans le contexte de ce département, cette décision irait à l’encontre des objectifs d’une réforme que vous avez souhaitée tournée vers le service rendu aux justiciables et respectant les exigences de proximité et de lisibilité.

En effet, la population du département se répartit en deux ensembles démographiques d’un volume quasi identique d’environ 190 000 habitants, l’un autour d’Albi et l’autre autour de Castres.

Les bassins d’emploi dans ces deux ensembles sont équilibrés, ainsi que le volume des contentieux dont sont saisis les deux TGI d’Albi et Castres.

Cette bipolarité équilibrée serait inévitablement mise à mal par le projet qui nous inquiète : la zone géographique ramenée au statut de juridiction détachée serait en situation de faiblesse, éloignée du centre des décisions judiciaires. Parallèlement, la juridiction qui se verrait attribuer le siège du tribunal de première instance serait saturée et ne pourrait faire face à un afflux d’activités en termes tant de personnel, de matériel que de locaux.

L’expérience d’autres départements, notamment de l’Aveyron, qui a vu le TGI de Millau devenir un site détaché, montre qu’à terme l’activité y a été quasiment réduite à néant.

Ainsi, si le concept d’une juridiction de première instance, que vous situez au cœur de la réforme à venir, est perçu positivement car il permettra d’uniformiser les pratiques, il apparaît que sa départementalisation systématique serait aberrante et contraire à l’esprit de la réforme que vous souhaitez, à savoir une réforme menée dans la concertation et permettant de rendre un meilleur service aux justiciables.

Permettez-moi de rappeler ici la recommandation n° 17 de deux de nos collègues sénateurs, Virginie Klès et Yves Détraigne, sur la question de l’opportunité d’un tribunal départemental de première instance : « Créer le tribunal de première instance au siège actuel de chaque TGI, sans imposer par principe un seul tribunal de première instance par département, et créer un réseau de chambres détachées correspondant aux implantations actuelles des tribunaux d’instance. »

Je demande donc à Mme la garde des sceaux de nous rassurer, d’abord sur le maintien d’une juridiction de plein exercice pour les deux TGI du Tarn, comme elle l’a fait, à ma connaissance, concernant un département voisin, celui de l’Aude, ensuite, plus largement, sur les moyens qui seront mis en œuvre pour pérenniser les juridictions de proximité, déjà attaquées en 2007 par la carte judiciaire qu’avait voulu imposer Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, à laquelle nous nous étions déjà opposés, avec succès, dans le département du Tarn, les arguments développés alors restant d’actualité.

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