Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 20 mai 2014 à 14h45
Débat : « comment enrayer le cycle de la pauvreté ? »

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Avec ces quelques mots, on voit bien qu’enrayer le cycle de la pauvreté, comme nous y invite la délégation sénatoriale à la prospective, est un projet ambitieux qui, je veux le dire d’emblée, suppose des changements radicaux.

Ce rapport présente trois objectifs et douze préconisations. Au-delà de ces pistes pratiques pertinentes, j’insisterai sur un point qui me paraît essentiel dans le cadre de notre débat.

À mon sens, il faut repenser le travail, et la place des femmes et des hommes dans cette sphère.

Il faut redonner du sens au travail, à la production de richesses, à l’orientation et la destination des richesses produites.

Il faut nous interroger sur la société que nous voulons construire et donc sur le sens de nos priorités, sur la manière dont il convient de faire primer les besoins humains, sociaux, sanitaires et environnementaux sur d’autres, et notamment sur ceux de la finance et des plus riches.

Yannick Vaugrenard le rappelle dans son rapport : « Les personnes en situation de pauvreté sont d’abord et avant tout des victimes. » Je partage sa conviction et, de cette affirmation, je tire deux constats.

Premièrement, si les personnes en situation de pauvreté sont des victimes, nous devons nous doter des outils permettant de sanctionner les coupables. Or, force est de le constater, en la matière, beaucoup reste à faire.

Avec des millions de femmes et d’hommes, nous espérions, au groupe CRC, que l’élection de François Hollande permettrait de s’atteler à la tâche. Nous avons été profondément déçus, notamment lorsque nous avons constaté que la principale disposition destinée à lutter contre la précarité des femmes au titre du projet de loi relatif à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes se limitait à un mécanisme de garantie des pensions alimentaires. Cette mesure devait être mise en œuvre, mais elle ne saurait suffire.

Le premier facteur de précarité, le travail, le sous-travail, les salaires de misère, les modes d’organisation précarisante des salariés et singulièrement des femmes salariées ne sont jamais remis en cause. Ce sont bien les employeurs qui, en favorisant pour des raisons financières le travail à temps partiel, sont responsables de cette précarité. Mais eux ne sont jamais inquiétés !

Les amendements que nous avions déposés, visant à sanctionner financièrement les employeurs qui généralisent le précariat, ont été rejetés par la majorité du Sénat.

Madame la secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez s’y est opposé et a repoussé l’application d’une mesure partiellement protectrice pour ces mêmes femmes travaillant à temps partiel.

En réalité, le Gouvernement a fait comme s’il n’y avait pas de responsables à l’émergence d’un salariat précarisé, comme s’il n’était pas temps, dans le secteur marchand et la grande distribution notamment, de se poser, comme nous y invite ce rapport, la question de la répartition des richesses.

Ne nous y trompons pas : si la pauvreté progresse, les riches, les ultrariches sont à la fois de plus en plus riches et de plus en plus nombreux. Comment ne pas être scandalisé en découvrant que les cinq familles les plus riches de France possèdent beaucoup plus que les 30 % de ménages les plus pauvres ? La plus riche des familles françaises, celle de Liliane Bettencourt, onzième fortune mondiale selon Forbes avec 24, 8 milliards d’euros, détient à elle seule deux fois plus de patrimoine que les 20 % de ménages français les plus pauvres !

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