Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 20 mai 2014 à 14h45
Débat : « comment enrayer le cycle de la pauvreté ? »

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Non, il ne s’agit pas de personnes irresponsables qui préféreraient profiter de notre système plutôt que de se prendre en main. J’en veux pour preuve – M. Vaugrenard a insisté sur ce point – les taux connus de non-recours des personnes éligibles à certaines prestations ou à certaines aides sociales.

Pour le seul RSA de base, le non-recours était estimé en 2011 à 50 % des publics potentiellement concernés. En matière d’assurance maladie, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, se caractérise par un taux de non-recours de 70 %. Au titre de ces seules deux prestations, ce sont plus de 6 milliards d’euros qui ne sont pas servis !

Nous ne pouvons pas ignorer ce constat. Il doit nous inviter à repenser notre politique d’accompagnement de nos concitoyens les plus pauvres. Il faut simplifier les démarches et, pourquoi pas, imaginer un interlocuteur et un dossier uniques pour toutes les demandes. Au titre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais, en qualité de rapporteur de la branche famille, émis ce vœu pour les prestations sociales.

Paradoxalement, en apparence du moins, les plus précaires sont les plus nombreux parmi les non-requérants. Malgré cette réalité factuelle, mesurable et évaluée annuellement, un sondage de l’IFOP le révélait à la fin de 2012 : huit Français sur dix estiment qu’il y a « trop d’assistanat » et que « beaucoup de gens abusent des aides sociales ».

Ce hiatus entre la réalité des dépenses sociales et la perception qu’en ont nos concitoyens doit nous alerter sur l’obligation qui nous est faite, comme responsables politiques, d’éviter les raccourcis faciles et la stigmatisation.

Pour autant, que les choses soient claires : nous ne devons pas éluder la question de la pauvreté. Elle doit être appréhendée comme un sujet multifactoriel, et faire l’objet d’une politique transversale. Cela suppose, comme le préconise notre collègue, de remettre la question des inégalités au cœur du débat. Vous ne serez pas surpris que je partage également son analyse selon laquelle nous devons nous interroger sur la répartition et la redistribution des richesses. Je le dis ici pour la seconde fois, car c’est bien là le cœur du sujet.

Enfin, pour conclure, je voudrais dire quelques mots sur un aspect spécifique de cette pauvreté, qui ne peut que nous révolter, toutes et tous. En effet, le rapport de la délégation souligne, à raison, que la pauvreté est plus qu’un cycle – ce qui signifierait qu’elle est ponctuellement réversible – et apparaît de plus en plus comme héréditaire et transmissible, à l’instar, d’ailleurs, de la fortune.

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