Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la délégation, monsieur le rapporteur et cher Yannick, mes chers collègues, je commencerai par remercier le rapporteur pour ce travail approfondi et courageux, sur un thème que l’on souhaiterait voir relégué au passé : la pauvreté.
Les chiffres sont accablants, ainsi que le démontre le rapport, et nous ne pouvons décemment rester sans agir, de manière solidaire, auprès des enfants et des adultes concernés.
Je souhaite insister, pour ma part, sur deux angles qui rejoignent mes préoccupations constantes : la situation des femmes et des enfants.
Car, oui, la pauvreté a un sexe. Les femmes comptent parmi les plus pauvres, quel que soit leur âge. Selon l’Observatoire des inégalités, au seuil de 60 % du revenu médian, on compte 4, 7 millions de femmes pour 4 millions d’hommes. Après soixante-quinze ans, on dénombre même deux fois plus de femmes pauvres que d’hommes pauvres.
Je ne vais pas détailler les caractéristiques des discriminations cumulées qui marquent la permanence de la précarité et de la pauvreté chez les femmes. Je n’en citerai que quelques-unes : leur difficile accès à l’emploi, notamment à temps plein ; les salaires inférieurs à travail égal, malgré un niveau de formation en moyenne plus élevé ; la pénibilité du travail des secteurs de l’aide à la personne, de la distribution, ou encore de l’industrie, où elles travaillent en nombre. La protection sociale étant liée au niveau de salaire, leurs indemnités maladie, maternité et retraite sont également plus faibles.
Tous ces éléments expliquent pourquoi les femmes comptent parmi les travailleurs les plus pauvres. Le chômage les frappe également plus durement et plus durablement que les hommes.
Selon une récente étude de l’Observatoire national de la politique de la ville, les femmes des zones urbaines sensibles, ou ZUS, accusent un retrait important du marché du travail depuis 2009. Ainsi en 2012, presque 42 % des femmes de vingt-cinq à soixante-quatre ans résidant en ZUS sont inactives, contre 25 % de leurs homologues des autres quartiers.
L’organisation familiale pèse beaucoup sur l’activité professionnelle et le niveau de revenu des femmes. Le taux d’activité des femmes sans enfant est presque équivalent à celui des hommes, mais il s’amenuise fortement avec le nombre d’enfants, alors que celui des hommes reste stable.
Ce sont aussi les femmes qui prennent en charge leurs parents vieillissants et leurs proches porteurs de handicaps. Ces activités, non rémunérées et non génératrices de droits sociaux et pourtant si utiles socialement et humainement, creusent indéniablement le fossé des inégalités.
Enfin, les femmes sont à la tête de 85 % des familles monoparentales. Celles-ci comptent, nous le savons bien, parmi les plus pauvres de notre pays.
Cette situation conduit, comme le souligne justement M. le rapporteur, à l’hérédité de la pauvreté. Un enfant sur cinq est pauvre, soit trois millions d’enfants au total.
Le projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons voté ici il y a quelques semaines, tente notamment de corriger le constat accablant du non-versement des pensions alimentaires dans 40 % des cas. Dans la plupart des situations, cette ressource est indispensable aux mères pour satisfaire les besoins primaires des enfants.
Je porte une attention particulière à ces familles financièrement et culturellement précaires, dans le travail que je conduis actuellement avec ma collègue Muguette Dini sur la protection de l’enfance. Nous partageons en effet la conviction qu’aider la mère, aider les parents, c’est aider l’enfant.
La pauvreté est aussi dans les têtes, nous dit très justement ce rapport. Les femmes doivent être accompagnées pour sortir de ce sentiment d’infériorité qu’elles ont intégré au fil des siècles. La lutte contre l’illettrisme fait partie des outils à développer pour lutter efficacement contre la pauvreté. Le récent rapport d’Olivier Noblecourt, relatif aux femmes migrantes, insiste sur la maîtrise de la langue comme facteur d’intégration sociale et professionnelle.
Sur ce point, rappelons que deux tiers des personnes illettrées dans le monde sont de sexe féminin. Il s’agit d’un enjeu démocratique fort, que l’enlèvement récent des 223 lycéennes au Nigeria vient d’illustrer tragiquement.
Je terminerai mon propos en soulignant l’importance des statistiques sexuées sur ces questions de précarité et de pauvreté. Ces données permettront d’engager des actions ciblées relatives aux spécificités de genre. Prendre en compte le continuum des discriminations, notamment à l’égard des filles et des femmes, dans la construction de la pauvreté est en effet essentiel pour trouver les moyens d’y remédier efficacement et durablement. §