Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit au logement est l’un des plus importants qui soit. En effet, il conditionne l’accès à d’autres droits fondamentaux : le droit à la vie familiale et à son intimité ; le droit à la santé, car celle-ci est mise en jeu lorsque les personnes vivent dans des lieux dégradés ou insalubres ; le droit à l’éducation, laquelle est compromise en cas de suroccupation du logement ou de changements continuels de lieu de d’hébergement ; le droit au travail surtout, car celui-ci devient inaccessible pour des personnes ne disposant pas d’un domicile fixe.
Le logement est également une condition de l’exercice de la citoyenneté. Il est la base à partir de laquelle la personne se voit reconnaître une appartenance à la collectivité et peut développer une vie sociale.
Notre majorité a permis une avancée considérable en reconnaissant à tout citoyen français le droit à un logement opposable : c’est la loi DALO, déjà évoquée. Au droit du citoyen correspond dorénavant une obligation pleinement assumée par l’autorité publique.
Le texte que nous examinons aujourd’hui traite de l’effectivité de ce droit et de la question des expulsions locatives. Aussi est-il important de faire le point sur l’action du Gouvernement en la matière.
Contrairement aux allégations de l’opposition, cette action est remarquable en ce qui concerne tant le financement du logement social que la prévention des expulsions.
Concernant le logement social, je citerai quelques chiffres : 500 000 logements financés en cinq ans, dont 131 500 en 2010. Je rappelle que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, le financement couvrait seulement 40 000 logements sociaux par an. Je dis bien 40 000 ! Par ailleurs, toujours en 2010, le nombre de logements destinés aux ménages les plus modestes a largement franchi le seuil symbolique de 20 000 – c’était l’objectif inscrit dans la loi DALO – pour atteindre 26 836 prêts locatifs aidés d’intégration, en progression de plus de 25 % par rapport à 2009.
S’agissant de la question des expulsions, je rappelle que M. le secrétaire d’État, dont je salue la détermination, s’est engagé à renforcer leur prévention. J’ai pu le constater dans mon département. La prévention des expulsions repose sur une logique d’intervention précoce, dès les premiers impayés. En effet, si l’action des travailleurs sociaux est trop tardive, les dettes risquent alors de s’être accumulées et il devient très difficile d’y faire face.
Grâce à la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE, la constitution de commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est désormais obligatoire dans chaque département. Ces commissions examinent les dossiers difficiles et font travailler ensemble les services de la préfecture, du conseil général et de la Caisse d’allocations familiales. L’objectif est de généraliser les solutions de médiation avant jugement et d’aider les ménages en mobilisant les aides du Fonds de solidarité pour le logement.
En ce qui concerne le développement de l’intermédiation locative, une association ou un bailleur social peut, avec l’accord du propriétaire, et à la demande du préfet, reprendre le bail, ce qui permet le maintien dans les lieux. À la fin de 2010, 2 364 logements étaient mobilisés en intermédiation locative, le Gouvernement ayant pour objectif d’atteindre 5 000 logements à la fin de l’année 2011.
Un autre élément de prévention réside dans la garantie des risques locatifs, qui a été mise en place à la demande des partenaires sociaux. Ce système permet de limiter les conséquences des impayés, grâce à un traitement social des locataires de bonne foi – j’y insiste –, ceux-ci pouvant être reconnus prioritaires au titre de la loi DALO. À la fin de 2010, 52 000 ménages ayant demandé un logement ont reçu un avis favorable d’une commission DALO et 25 000 d’entre eux ont déjà reçu une offre de logement. En Île-de-France, région où la demande est particulièrement forte, les résultats sont en nette progression par rapport aux années précédentes : 500 « ménages DALO » sont relogés chaque mois par les services de l’État, alors qu’ils n’étaient que 278 en 2009 et 81 en 2008.
Toutefois, lorsque tous les mécanismes de prévention ont été actionnés et ont échoué, la décision judiciaire d’expulsion doit être exécutée. Je tiens à souligner que le recours à la force publique ne concerne, me semble-t-il, que 11 % des décisions de justice prononçant une expulsion, et non 10 % comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État.
Je comprends le souci de Mme le rapporteur d’améliorer la situation des personnes en situation précaire et son souhait d’éviter des expulsions. Je tiens d’ailleurs à saluer publiquement la qualité du travail qu’elle a effectué à ce sujet. Je pense cependant que les recommandations de la proposition de loi ne sont pas de bonnes réponses et auraient un effet contre-productif. Je l’ai d’ailleurs dit lors de l’examen du texte en commission : cette solution paraît formidable, généreuse, mais c’est une fausse bonne idée.
Si un propriétaire voit planer au-dessus de sa tête le risque qu’un locataire qui ne paie pas son loyer ne partira jamais, il ne louera plus son bien. Dans ma ville, beaucoup de logements privés restent inoccupés. J’essaie pourtant de convaincre les propriétaires de les proposer à la location, mais, comme ils ont certaines craintes, ils préfèrent garder le logement vide.
Limiter le recours aux expulsions serait un très mauvais signal adressé aux propriétaires. Le droit de propriété est lui aussi un droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je le répète, si les propriétaires privés étaient conduits à penser qu’ils ne pourront pas récupérer leur bien en cas d’impayé, ils préféreront ne pas le louer ou ils seront plus exigeants en termes de garanties, ce qui serait très dommageable pour les personnes ayant des revenus modestes.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, mon groupe ne votera pas cette proposition de loi.