Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 20 mai 2014 à 14h45
Débat sur les perspectives de la construction européenne

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours de l’élection des représentants au Parlement européen, ce débat me semble plus qu’essentiel.

Bien que nous constations depuis quelque temps un regain d’intérêt pour ces questions, dans l’ensemble, les enjeux de ce scrutin sont passés sous silence. Malheureusement, une grande majorité des Français se désintéressent totalement de cette élection, et la plupart de ceux qui y participeront s’interrogent sur la portée même de leur vote.

Pourtant, le 25 mai prochain, tous les citoyens européens ont le pouvoir de donner le sens qu’ils veulent à l’Europe, de choisir quel développement est le plus approprié pour l’intérêt des peuples. Ensuite, tout dépend de l’ambition que l’on porte s’agissant des véritables perspectives pour l’Europe.

L’Europe ne pourra dépasser les obstacles actuels sans une adhésion des peuples à un projet ambitieux. Elle ne pourra poursuivre sa construction si elle ne prend pas acte du besoin grandissant de démocratie et de transparence de nos sociétés.

L’enjeu majeur des années à venir est donc bien de remettre le citoyen au centre des préoccupations européennes.

Les politiques menées par l’Union européenne, ces dernières décennies, sont pourtant loin de favoriser le développement de coopérations utiles entre les vingt-huit pays qui composent l’Union. C’est au contraire, et de plus en plus, la mise en concurrence des peuples et des territoires qui est organisée.

Petit à petit, on le voit, ce phénomène est en train de tuer l’Europe, car cette concurrence exacerbée met les peuples sous tension et suscite toutes sortes de sentiments des plus nauséabonds.

L’idée originelle de la création de l’Union européenne était pourtant la création d’une zone de paix. Il s’agissait, certes, de favoriser les échanges marchands et le développement économique, mais la nécessité d’établir une paix durable était aussi un élément fondamental. Or nous constatons une nouvelle fois aujourd’hui, après la guerre des Balkans, que cette paix n’est pas forcément acquise et qu’elle est même en danger aux portes de l’Union.

Nous ne pouvons ignorer la crise dramatique que traverse l’Ukraine. Cette situation doit nous inquiéter et nous faire réagir. Face à ce drame, l’Union européenne devrait soutenir bien davantage l’organisation d’élections dans un climat apaisé.

Le peuple ukrainien doit pouvoir décider s’il souhaite, ou non, préserver l’unité d’un territoire et l’intégrité de ses frontières. C’est l’une des ambitions que doit justement soutenir une Union européenne porteuse de paix. On constate, au contraire, l’incapacité chronique de l’Union à jouer un rôle positif dans les conflits du monde, et particulièrement ceux des pays voisins.

De plus, si nous voulons que l’Europe prenne un nouveau tournant, qu’elle se développe sur les bases d’une véritable coopération entre les nations dans l’intérêt des peuples d’Europe et du monde entier, il est nécessaire d’informer les citoyens des véritables enjeux.

Prenons l’exemple du projet d’accord transatlantique, négocié en secret et dont la très grande majorité des Français ignorent même l’existence, la portée et les enjeux : il s’agit de la copie conforme du projet d’accord multilatéral sur l’investissement négocié dans le plus grand secret entre 1995 et 1997, et rejeté in extremis grâce à la percée des informations sous l’action de la société civile et à la pression populaire qui s’est ensuivie.

Ce projet d’accord transatlantique est une véritable menace pour les droits sociaux, l’emploi, l’environnement, l’agriculture, les droits civiques, la vie privée, la santé, la régulation financière, la démocratie, les services publics... Mais qui le sait ?

Nous ne pouvons laisser perdurer ces négociations dans la plus grande opacité. Or, honnêtement, en l’occurrence, nous ne pouvons compter sur le Gouvernement, puisque le Président de la République, en personne, a déclaré souhaiter que l’on accélère les négociations « pour éviter les contestations » !

À ce sujet, je dois avouer que le comportement des députés socialistes lors de l’examen en commission de la proposition de résolution européenne, déposée par les députés du Front de gauche, tendant à demander l’arrêt des négociations sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, n’est pas pour nous rassurer sur leur volonté d’instaurer une plus grande transparence devant de tels enjeux. Ils ont en effet vidé ce texte de sa substance, validant ainsi la poursuite des négociations sur un grand marché transatlantique, ...

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