Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 20 mai 2014 à 14h45
Débat sur les perspectives de la construction européenne

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi, alors que, monsieur le secrétaire d’État, vous venez de prendre vos fonctions, ce dont nous nous réjouissons, d’effectuer un bref rappel.

Quand le Gouvernement, le 19 octobre 2012, a demandé au Parlement de ratifier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dit « traité TSCG », il nous a incités à le « contextualiser », à considérer ce qu’il y avait autour et ce qui viendrait ensuite. Souvenez-vous, mes chers collègues, de ce dont on nous parlait alors : l’annexe sur la croissance et la taxe sur les transactions financières, sans oublier la régulation bancaire.

Défendant une motion, que j’avais déposée avec mon collègue Pierre-Yves Collombat, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi autorisant la ratification du traité TSCG, je soulignais que ce traité posait le principe d’un retour à l’équilibre budgétaire sous le contrôle de la Commission européenne et selon un calendrier fixé par elle, qu’il était facile de prévoir, ajoutant que le traité « nous [entraînerait] dans une spirale récessionniste dont nous ne [sortirions] que par une crise politique et sociale de grande ampleur ».

Je n’ai pas l’habitude de me citer, mais, cette fois, je ne puis résister ; car enfin, monsieur le ministre, je tenais ces propos il y a moins de deux ans, et nous y sommes ! La mise en œuvre de plans d’austérité budgétaire simultanés dans la plupart des pays d’Europe a plongé ceux-ci dans une stagnation économique de longue durée.

C’est ainsi que, au premier trimestre de cette année, la croissance, nulle en France, a été négative en Italie et à Chypre ; elle s’est établie à -1, 1 % en Grèce, à -0, 7 % au Portugal, à -1, 4 % aux Pays-Bas et à -0, 4 % en Finlande. Seule l’Allemagne, avec une croissance de 0, 8 %, a permis à la zone euro d’afficher une croissance globale de 0, 2 %.

Reste que, pour l’ensemble de l’année, la croissance prévue est seulement de 1 %, inférieure de deux fois et demie à sept fois à celle que l’on prévoit pour les autres régions du monde. Telle est la réalité de l’Europe dont nous parlons !

Mme Morin-Desailly, avant de quitter l’hémicycle, a cité Apollinaire, qui voulait « rallumer les étoiles » ; du reste, cette inspiration est présente dans le rapport de M. Pierre Bernard-Reymond. Pour ma part, je voudrais réhabiliter un pharmacien lorrain, le docteur Coué, qui fut très en vogue dans les années vingt parce qu’il guérissait les gens en leur faisant répéter tous les jours : « Demain sera meilleur qu’aujourd’hui ! » §Mes chers collègues, n’est-ce pas le leitmotiv de toutes les interventions que nous venons d’entendre, à l’exception de celle de Mme Demessine ?

Demain sera meilleur qu’aujourd’hui…Vraiment ? Mes chers collègues, nous voyons que la croissance est en berne, que le PIB de la zone euro n’a pas retrouvé, en 2013, le niveau qu’il avait atteint en 2008, cinq ans plus tôt, et qu’en France ce niveau a à peine été rattrapé. D’où un déclassement que l’opinion commence à percevoir.

De surcroît, la chute de l’investissement est générale en Europe. Quant au chômage, il atteint des niveaux sans précédent dans les pays de l’Europe du Sud ; je pense en particulier à la Grèce et à l’Espagne, où il est de 26 %, au Portugal, où il est de 18 %, ainsi qu’à l’Italie et à la France, où il est respectivement de 13 % et de 11 %. Sans compter que la déflation menace, avec une hausse des prix de 0, 7 %, ce qui renchérit le crédit et plombe à la fois la consommation et l’investissement.

La seule donnée positive, signalée par M. Bizet, est l’excédent de la balance commerciale de la zone euro. Mais, vous savez très bien, mes chers collègues, qu’il tient essentiellement, et presque uniquement, à l’excédent commercial allemand.

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