Je ne partage pas votre point de vue sur ce sujet, mon cher collègue. Nous avions mis en place un tel dispositif à l’échelon national, nous le mettons maintenant en œuvre au niveau européen.
Cependant, l’union bancaire prendra du temps. Certains d’entre nous auraient souhaité qu’elle soit opérationnelle rapidement, mais il faudra environ dix ans pour que toute cette mécanique se mette en place. En attendant, il importe donc de mettre en œuvre un filet de sécurité. À cette fin, nous sommes un certain nombre à proposer que le fonds unique de résolution, chargé de faire face aux défaillances bancaires, soit adossé, au moins pendant cette période de montée en puissance, au mécanisme européen de stabilité, le MES. Pour ce faire, il faut convaincre la chancelière allemande, qui refuse toute modification du traité instituant le MES. C’est un message que nous devons adresser au Gouvernement et au Président de la République.
La Banque centrale européenne a joué un rôle décisif. Bien qu’elle ne soit pas à proprement parler une institution de la zone euro, mais une institution de l’Union européenne dans son ensemble, la Banque centrale européenne a orienté l’essentiel de ses activités vers la zone euro. Loin d’adopter, comme cela avait été le cas précédemment, une lecture étroite du mandat qui lui a été donné, défendue par la Bundesbank et le Gouvernement allemand, elle a au contraire pris des initiatives fortes qui ont permis de faire face à la crise. Je pense aux interventions sur le marché secondaire et au refinancement, dans une mesure extrêmement large – plus de 500 milliards d’euros – des banques commerciales. Elle a ainsi réduit les tensions sur les dettes souveraines.
Cela étant, il reste encore beaucoup à faire. Il faut, en particulier, remédier aux défauts de construction de la zone euro qui ont été évoqués par les orateurs précédents. Selon moi, il convient d’abord de défendre une idée qui fait déjà son chemin, celle de transformer la zone euro en une véritable union politique.
Je plaide ainsi pour la création d’un poste de président permanent de l’Eurogroupe. Ce « ministre des finances de la zone euro » devrait être doté de pouvoirs décisionnels autonomes. Il pourrait, notamment, promouvoir des initiatives en matière d’harmonisation fiscale et sociale.
Il convient également, me semble-t-il, de veiller au renforcement du contrôle démocratique de la zone euro. C’est un problème délicat. Dans l’édition de ce soir du journal Le Monde, l’économiste Thomas Piketty affirme nettement qu’il faut donner un parlement à la zone euro. Il développe cette idée en proposant la création d’une seconde chambre, d’une sorte de Bundesrat européen, qui rassemblerait des membres des parlements nationaux et représenterait les États.
C’est une possibilité, qui rejoint l’idée d’instaurer un contrôle des parlements nationaux sur les mesures prises au niveau de la zone euro en matière de politiques budgétaires et économiques, par exemple par le biais de réunions spécifiques à l’union monétaire organisées dans le cadre de la conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du TSCG. Cependant, il me semble que cette voie ne mènera à rien, en raison de l’opposition tant des députés européens, qui estiment que ces questions relèvent de leur compétence et ne voient pas d’un bon œil une immixtion des élus nationaux, que du Gouvernement allemand et de la plupart des partis allemands, en particulier la CDU-CSU et le SPD. Cela fait beaucoup… Il convient donc de définir une autre tactique pour pouvoir avancer en la matière, ce qui est absolument nécessaire. Aujourd'hui, les parlements nationaux sont démunis pour intervenir dans ces débats.
Il importe de progresser sur la voie de l’union budgétaire. L’idée de mutualiser partiellement les dépenses d’indemnisation du chômage, défendue par notre collègue Dominique Bailly, me semble intéressante. Quant à la création d’une taxe sur les transactions financières, je me bornerai à dire que ce projet fait son chemin clopin-clopant… Enfin, comme l’a excellemment souligné M. Bernard-Reymond, la zone euro devrait avoir la possibilité de se financer en émettant des euro-obligations.
Ces quelques pistes de réflexion ayant été esquissées, je conclurai en rendant hommage au travail de M. le rapporteur, qui nous permet d’avoir cet intéressant débat sur les perspectives de la construction européenne. §