Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout a commencé le 9 mai 1950 par une déclaration de Robert Schuman. Les pères fondateurs de la construction européenne ont permis de réconcilier les Européens et d’instaurer la paix et la prospérité dans des pays qui se déchiraient depuis plus d’un siècle.
Ce fut d’abord la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1952, puis celles de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, en 1957.
Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signèrent le traité de l’Élysée. Ce traité posera la première pierre d’une coopération entre les deux pays, et lancera ainsi le couple franco-allemand, qui demeure le moteur de la construction européenne.
Dans les années soixante-dix, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt firent avancer la coopération sur de nombreuses questions politiques clés. Les deux hommes d’État, aujourd’hui encore, continuent à poser un regard lucide sur la construction européenne et n’ont pas perdu leurs convictions profondes.
Nous devons garder en mémoire ces actes fondateurs, et affirmer que l’Europe est une chance pour nous et pour nos enfants.
Aujourd'hui, l’Union européenne apporte aux peuples qui la composent beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients, même s’il ne faut pas non plus faire preuve d’euro-béatitude, car il existe de nombreuses faiblesses.
Cependant, comment peut-on imaginer revenir en arrière, alors que de grands blocs s’affirment dans le monde ? La Chine, l’Inde et le Brésil se hissent au rang des grandes puissances, les États-Unis d’Amérique ne sont plus tout à fait les maîtres du monde. Aujourd’hui, l’Union européenne représente 500 millions de citoyens. La zone euro, constituée par dix-huit pays, est sans doute la première puissance du monde en termes de PIB cumulé.
Notre monnaie est recherchée face au dollar. Cela lui est même reproché, alors que l’euro est un acquis fondamental de l’Europe : c’est un facteur de stabilité. Certains de ses détracteurs affirment que l’euro fort est un frein aux exportations. Les résultats de la balance commerciale de l’Allemagne apportent un contre-exemple. Avec la monnaie unique, des comparaisons peuvent être aisément établies.
Cependant, il est vrai que tous les pays européens ne peuvent pas ou ne veulent pas faire partie de la zone euro. C’est une réalité qu’il faut admettre, et l’Europe doit pouvoir fonctionner selon une géométrie variable : un noyau dur, avec une évolution vers des politiques plus intégrées, et un espace européen de libre-échange, avec des politiques renforcées dans certains domaines.
Ainsi, il est difficile d’envisager l’Union européenne sans le Royaume-Uni. C’est un grand pays européen, et ses gouvernants savent bien, d’ailleurs, que l’appartenance à l’Union européenne est déterminante pour l’avenir. Pourtant, ils ne veulent pas se soumettre aux règles de la zone euro. Il faut donc trouver un autre cadre, qui pourrait être celui d’un espace de libre-échange assorti de certaines coopérations.
Pour faire évoluer l’Union européenne, la France a un rôle déterminant à jouer.
Mario Monti, qui a été reçu récemment à l’Académie des sciences morales et politiques, a donné une leçon d’Europe et lancé un appel à la France : « Il serait bon […] que la France redevienne la force de proposition et d’impulsion qu’elle a su être par le passé. […] Il faut réfuter catégoriquement toute idée d’une alliance des pays du Sud contre l’Allemagne […]. L’enjeu est plutôt que la France redevienne la France, c’est-à-dire qu’elle joue pleinement son rôle de pont avec l’Allemagne, ce qui suppose toutefois qu’elle améliore ses performances », a déclaré l’ancien premier ministre de l’Italie, ancien commissaire européen et économiste reconnu.
L’Europe ne se développera et ne se consolidera qu’à cette condition. C’est l’histoire de nos deux nations, la France et l’Allemagne, qui a été à l’origine de l’Union européenne, et ces deux pays représentent la moitié de l’économie européenne.
Les principaux griefs qui sont faits à l’Europe sont la conséquence d’une méconnaissance des atouts de l’Europe, due à un profond déficit de communication.
Nous devons aussi sortir des égoïsmes nationaux et en finir avec les arguments qui font de l’Europe un bouc émissaire. Ces raisonnements conduisent les peuples au populisme. Dans une période de fragilité économique et monétaire, il est logique de rechercher la protection de l’État souverain. Mais n’est-ce pas un repli, et aussi un danger ? N’oublions pas que, dans l’histoire, les populismes ont conduit à la guerre. De plus, les eurosceptiques ne proposent rien.
Nous entendons souvent aussi s’exprimer un regret concernant l’élargissement de l’Europe aux pays de l’Est. Pourtant, cet élargissement est indispensable à l’évolution de la démocratie dans la partie orientale de notre continent.
La situation que nous déplorons en Ukraine ne se serait-elle pas produite dans les pays baltes ou d’Europe centrale si ces pays n’avaient pas rejoint l’Union européenne ? Dix ans après leur adhésion, les huit pays d’Europe centrale et orientale se félicitent de leur entrée dans l’Union européenne. L’ouverture au grand marché a dopé l’activité, favorisé les exportations et l’investissement étranger. De l’Estonie à la Slovénie, l’effet a été positif, comme il le fut dans les années quatre-vingt en Irlande, en Espagne ou au Portugal, avec des taux de croissance allant de 6 % à 10 %.
La Pologne a su tirer profit des aides de Bruxelles. Si nous comparons les deux pays voisins que sont la Pologne et l’Ukraine, le résultat est impressionnant. L’un et l’autre sont sortis de la période soviétique avec un revenu moyen à peu près égal. La Pologne s’est débarrassée de son carcan, en privatisant et en déréglementant.