Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dimanche, 400 millions de citoyens européens seront appelés aux urnes pour renouveler le Parlement européen. Il ne s’agit pas d’une simple élection. Le choix que les citoyens européens feront déterminera l’avenir de la construction européenne.
Quelle Europe voulons-nous ? Quelles perspectives pour l’Union européenne ? Il est primordial, à mon sens, de réaffirmer dimanche notre ambition, notre volonté politique pour la construction européenne. Ne laissons pas les eurosceptiques démanteler le projet européen que nous construisons pas à pas depuis plus de cinquante ans.
L’élection du 25 mai est une nouvelle étape de la construction européenne puisque, pour la première fois, les 741 députés du Parlement désigneront le président de la Commission européenne.
Oui, en venant voter le 25 mai, les citoyens européens donneront du poids au Parlement européen pour peser sur les décisions futures. Mais ils auront aussi, pour la première fois, leur mot à dire sur le choix du président de la Commission, qui devra être issu des rangs de la majorité qui se sera dégagée dimanche prochain.
Le 15 mai, d’ailleurs, a eu lieu, même si ce fut dans une certaine indifférence, le premier débat présidentiel pour l’Europe. Certains journalistes ont même évoqué la « naissance de la démocratie européenne ». L’Europe pourra donc très bientôt s’appuyer sur une légitimité démocratique qui lui fait défaut aujourd’hui.
Mais l’Europe a besoin d’un nouvel élan !
Les politiques d’austérité voulues et mises en œuvre par la droite européenne sont responsables de la défiance des citoyens à l’égard de l’Union européenne. Il nous faut donc sortir de l’austérité et montrer aux citoyens européens qu’une autre Europe est possible, une Europe qui protège, une Europe du progrès.
D’ailleurs, le Président de la République, François Hollande, œuvre depuis deux ans dans ce sens, comme l’attestent les batailles gagnées sur la garantie jeunesse, par exemple, ou encore sur le détachement des travailleurs. Oui, je veux saluer ici l’adoption par le Parlement européen de la directive d’application sur le détachement des travailleurs. C’est une avancée peut-être modeste, mais c’est une avancée, et l’action du Gouvernement français a été décisive pour trouver un accord entre les États membres et le Parlement européen.
Cette directive permettra une lutte plus efficace contre les fraudes et le dumping social. Elle prévoit notamment le renforcement des contrôles, grâce à une liste ouverte de documents permettant à chaque État membre d’exiger des entreprises les éléments qu’il estime utiles et nécessaires pour vérifier que les règles sont bien respectées dans le cadre d’un détachement de travailleurs. La directive prévoit aussi la responsabilisation des entreprises donneuses d’ordres à l’égard de leurs sous-traitants, grâce à la mise en place d’un mécanisme de responsabilité conjointe et solidaire obligatoire dans tous les États membres. Il sera donc désormais possible d’établir une chaîne de responsabilités au niveau européen pour lutter plus efficacement contre les montages frauduleux.
Cette directive permet également l’établissement d’une liste de critères donnant à l’État membre d’accueil la possibilité d’identifier une vraie situation de détachement, ainsi que le renforcement de la coopération et l’échange d’informations sur le détachement de travailleurs entre les États membres.
Cet accord est un progrès, peut-être léger aux yeux de certains, mais c’est un progrès, et il nous montre que l’Europe peut apporter des réponses concrètes pour protéger les droits des travailleurs contre le dumping social, en particulier. C’est cela que nous demandent nos concitoyens.
Le modèle social européen ne doit pas être une utopie, mes chers collègues ! Les traités actuels contiennent d’ailleurs des dispositions qui, si elles doivent être améliorées, assurent des droits sociaux aux citoyens européens. Mais les dirigeants libéraux et conservateurs de l’Europe ont toujours privilégié les politiques d’austérité. Voilà le problème !
Pour donner du corps à l’Europe sociale, le premier enjeu est donc la mise en œuvre effective des textes existants et le développement des droits sociaux au niveau européen par voie législative, dans les domaines où cela est déjà possible.
En décembre 2013, j’ai eu l’occasion d’intervenir lors du débat préalable au Conseil européen sur l’approfondissement de l’union économique et monétaire. J’avais alors souligné la nécessité de développer la dimension sociale de l’UEM, comme le prône le Gouvernement français, via la mise en œuvre d’un budget spécifique pour la zone euro et d’un dispositif d’assurance chômage européenne. Ce qui n’était à l’époque qu’une proposition presque marginale est aujourd’hui de plus en plus pris au sérieux, et relayé par de nombreux politiques et économistes.
La lutte contre les inégalités et la poursuite de la construction du modèle social européen sont l’avenir de l’Europe.
Des études montrent en effet les bénéfices économiques et sociaux de la lutte contre les inégalités. Une telle politique contribuerait non seulement à rétablir le contact entre l’Europe et ses citoyens, mais aussi à réduire considérablement le risque d’une nouvelle crise économique.
Oui, la mise en place d’une assurance chômage européenne permettrait d’atteindre l’objectif de stabilisation macroéconomique dévolu à la capacité budgétaire de la zone euro, les dépenses liées à l’indemnisation du chômage étant particulièrement cycliques, et contribuerait également à réduire la tendance à faire des politiques sociales les variables d’ajustement des efforts macroéconomiques en cas de choc asymétrique. Enfin, la création d’une assurance chômage européenne offrirait une visibilité forte aux citoyens européens, qui percevraient immédiatement les avantages sociaux de la zone euro.
La construction européenne, pour regagner en légitimité, a besoin de projets qui apportent des réponses aux difficultés des citoyens dans des domaines qui les concernent au plus près.
L’Europe a devant elle de nombreux combats à mener.
Il faut instaurer un salaire minimum européen défini en fonction du niveau de vie dans chaque État membre et égal à au moins 60 % du salaire médian du pays. C’est une mesure concrète, c’est une priorité pour lutter contre la précarité, limiter le dumping social et accroître la justice sociale.
Il faut garantir l’égalité entre les femmes et les hommes sur les plans salarial, économique, social et politique.
Il faut lutter, encore et toujours, contre le dumping social. Lors de cette nouvelle législature, droits sociaux et libertés économiques devront être placés sur un pied d’égalité.
Il faut combattre le chômage des jeunes, pour que la jeunesse européenne actuelle ne soit pas une génération perdue. Les propositions ne manquent pas dans ce domaine : renforcement de la garantie jeunesse, adoption d’un cadre de qualité pour les stages ou encore aide à la mobilité étudiante.
Il faut garantir à l’ensemble des Européens un accès à l’alimentation, à la santé et à l’énergie.
Enfin, il faut protéger les services publics.
Mes chers collègues, ce ne sont là que quelques exemples de ce que pourrait être, de ce que doit être l’Europe.
Alors oui, monsieur Chevènement, ne laissons pas l’Europe s’essouffler. Redonnons du cœur à la construction européenne, redonnons-lui du sens pour nos concitoyens.