Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier la commission des affaires européennes du Sénat, son président et son rapporteur pour le travail de très grande qualité qu’ils ont accompli, ainsi que pour les réflexions très riches et denses et les propositions rassemblées dans le rapport de M. Bernard-Reymond.
Cette contribution au débat européen est aussi, monsieur le rapporteur, la somme de vos expériences, de la relation intime que vous avez toujours entretenue avec la cause européenne, de la parfaite connaissance de ses arcanes que vous avez affirmée à travers les différentes fonctions que vous avez assumées, en tant que secrétaire d’État aux affaires européennes, que parlementaire européen ou que sénateur.
Je dois dire, d’ailleurs, que l’orientation générale qui se dégage de votre rapport rejoint, par de nombreux aspects, celle que s’efforce de promouvoir le gouvernement auquel j’appartiens. Nous partageons votre diagnostic : vous évoquez un crépuscule et le besoin d’un nouvel élan ; nous mettons l’accent sur la crise et le besoin de poursuivre la réorientation de la construction européenne et de relancer le projet européen.
Quoi qu’il en soit, nous partageons à l’évidence une même conviction européenne, une même ambition pour l’Europe, une même certitude que l’Europe est non pas la source de nos problèmes, mais un élément de solution pour répondre aux défis de notre temps et à ceux que doit relever notre pays, en particulier dans le cadre de la mondialisation. Vous avez rappelé, comme d’autres orateurs, des accomplissements de l’Europe : la paix, la réunification du continent, la promotion des valeurs de démocratie, de solidarité, de cohésion.
Des sensibilités différentes peuvent naturellement s’exprimer quant aux voies et moyens à emprunter pour atteindre ces objectifs.
En tout état de cause, le Sénat peut s’honorer d’avoir inscrit un tel débat à son ordre du jour ; j’en remercie particulièrement M. le président Sutour. À quelques jours d’élections européennes cruciales pour l’avenir de l’Europe et de la France, il permet d’éclairer nos concitoyens sur l’importance du choix qu’ils vont devoir faire. En effet, l’Europe ne peut se faire sans ses peuples, comme vient de le rappeler M. Ries.
Jamais en effet l’élection du Parlement européen n’aura été aussi importante : parce que, pour la première fois, plusieurs orateurs l’ont rappelé, il existe un lien direct entre le bulletin que l’électeur déposera dans l’urne et le choix du président de la Commission européenne ; parce que ce vote pèsera sur l’orientation qui sera donnée à la construction européenne pour les cinq prochaines années ; parce que le Parlement européen a des pouvoirs importants dans tous les domaines qui concernent très directement la vie de nos concitoyens, à savoir les règles qui régissent le marché intérieur, les services d’intérêt économique général, donc les services publics, l’environnement, la qualité de vie, les normes sanitaires, la lutte contre le dumping social, l’égalité entre les femmes et les hommes, la politique agricole, nos accords de commerce avec le reste du monde.
Il est donc grand temps de mettre fin à ce curieux paradoxe qui fait que l’abstention progresse alors même que les pouvoirs du Parlement européen augmentent.
Je veux le dire ici avec solennité : l’abstention est une renonciation, le repli sur soi une impasse. Nous devons donc appeler à la participation la plus forte, pour que les citoyens choisissent leur destin européen et pour que la France pèse en Europe.
Je voudrais revenir sur plusieurs points de votre rapport, monsieur Bernard-Reymond, en lien avec les priorités que se fixe le Gouvernement.
Je ne veux pas éluder la question de l’architecture de l’Union et de ses institutions, qui est centrale dans votre rapport.
L’Europe différenciée est déjà aujourd’hui une réalité. Le « cœur de réacteur » de l’Union européenne, c’est la zone euro ; l’espace Schengen, quant à lui, regroupe vingt-deux États membres de l’Union ; des coopérations renforcées se sont mises en place au cours des dernières années, que ce soit sur la législation applicable au divorce, le brevet et, plus récemment, la taxe sur les transactions financières.
Cette Europe différenciée, c’est une souplesse que nous nous donnons pour respecter ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas participer à une intégration plus poussée, sans pour autant empêcher ceux qui veulent aller de l’avant de le faire. Cette souplesse est utile et respecte le rythme de chacun.
Nous devons cependant, dans le même temps, prendre garde à ne pas créer les germes d’une division de l’Europe. Cela serait préjudiciable au projet européen dans son ensemble. Dans cette perspective, il nous faut faire preuve de méthode et de rigueur. Plusieurs principes doivent, me semble-t-il, nous guider.
D’abord, cette Europe différenciée ne doit pas nous empêcher de continuer à agir à vingt-huit, chaque fois que cela est possible et souhaitable, comme nous avons su le faire par exemple – M. Bailly l’a rappelé à l’instant – concernant la directive relative au détachement des travailleurs, avec en particulier le soutien décisif de la Pologne. En effet, la lutte contre le dumping social doit être menée à l’échelle de toute l’Europe et de l’ensemble du marché intérieur pour être réellement efficace. De même, d’autres enjeux méritent d’être abordés à vingt-huit : je pense par exemple à la sécurité énergétique, pour laquelle la cohésion de l’Union européenne dans son ensemble est nécessaire, en particulier face aux pays tiers.
Ensuite, cette Europe différenciée n’est pas et ne doit pas être une Europe fermée à ceux qui n’y sont pas : elle doit au contraire être laissée ouverte aux autres États membres qui souhaiteraient la rejoindre ultérieurement.
Enfin, cette Europe différenciée « positive », articulée autour d’un projet commun, ne doit pas devenir pour d’autres États membres une Europe « à la carte », qui permettrait à certains de bénéficier des avantages et des droits que confère l’appartenance à l’Union, mais en laissant de côté ce qui ne leur convient pas, en revendiquant par exemple un accès sans limite au marché intérieur des marchandises, des services et des capitaux, tout en refusant la libre circulation des citoyens de l’Union sur leur territoire. Procéder ainsi porterait réellement préjudice à l’intégrité du marché intérieur et de l’Union européenne et ne serait pas acceptable.
Au sein de notre maison commune à vingt-huit, la France et l’Allemagne ont évidemment un rôle irremplaçable à jouer. Elles le jouent : je voudrais, à cet égard, rassurer ceux des orateurs qui ont évoqué l’importance du couple franco-allemand.
Le déplacement du Président de la République dans la circonscription de la Chancelière, invitation très rare, tout comme la présence de Frank-Walter Steinmeier au dernier conseil des ministres, ont constitué des illustrations fortes de la densité de nos relations. J’ai moi-même des relations très nourries avec mon homologue allemand, Michael Roth. J’en tire d’ailleurs d’ores et déjà plusieurs enseignements.
Le premier d’entre eux, c’est que la relation franco-allemande tient bien sûr sa singularité de notre histoire – le cycle de commémorations de 2014 nous le rappelle avec force –, mais aussi de notre capacité à nous projeter vers l’avenir et à faire vivre le projet européen. Rien de ce qui s’est fait au cours des deux dernières années n’aurait été possible sans des accords solides entre la France et l’Allemagne.
Le second enseignement, c’est que cette fonction de laboratoire de la construction européenne, nous allons la mettre au service des défis à relever, tels l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, le soutien à la croissance et à l’emploi, la régulation financière, la lutte contre le changement climatique, la transition énergétique, la lutte contre le dumping social.
Nous devons également proposer ensemble des réponses aux défis migratoires, qui appellent une initiative commune, en particulier après les drames survenus en Méditerranée. Je songe notamment au renforcement des moyens de l’agence Frontex, ainsi qu’à la mise en place d’une politique de voisinage en direction des pays de la rive sud de la Méditerranée.
Nos initiatives concrètes sont autant de preuves de la capacité du couple franco-allemand à œuvrer au plus près des préoccupations de nos concitoyens. Nos propositions communes doivent aussi nourrir le programme de la nouvelle Commission qui s’installera après les élections européennes. Le renouvellement des institutions européennes crée en effet l’occasion de relancer la construction communautaire. Ce nouveau cycle doit être celui de la consolidation, de l’ambition et du progrès.
Notre conviction est que nous devons faire porter nos efforts sur ces enjeux, plutôt que de nous engager dans la voie d’une réforme institutionnelle qui ne correspond pas aux priorités de nos concitoyens et comporte en outre de nombreux risques, en particulier ceux d’un retour en arrière ou de la multiplication des clauses d’opt -out, dans le contexte du débat britannique sur l’Union européenne. Il ne s’agit pas d’exclure définitivement telle ou telle évolution, mais d’exploiter, à traités constants, tous les potentiels que les politiques européennes peuvent encore déployer.
Par ailleurs, l’enjeu aujourd’hui, c’est de continuer à remettre la croissance et l’emploi au cœur du projet européen. M. Chevènement a insisté avec raison sur ce point. C’est bien là l’axe majeur de la politique européenne de la France.
L’euro a été sauvé, la zone euro, qui était au bord de l’éclatement il y a encore deux ans – on parlait à l’époque d’une exclusion de la Grèce –, a été préservée et sort de la récession, même s’il faut encore accentuer ce mouvement, en renouant avec la croissance. Les deux premiers piliers de l’union bancaire, à savoir la supervision et la résolution, ont été mis en place pour protéger les épargnants et les contribuables.
Le retour et la consolidation de la croissance sont désormais au cœur de l’ordre du jour européen, en rupture avec la stratégie d’austérité qui a trop longtemps dominé en Europe.
Je tiens à vous assurer, monsieur Chevènement, que telle est bien la priorité de la France. C’est pourquoi, dès le Conseil européen de juin 2012, le Président de la République, François Hollande, s’est battu pour qu’une nouvelle politique soit menée et qu’un pacte de croissance de 120 milliards d’euros, mobilisant à la fois de nouvelles capacités de la Banque européenne d’investissement et des fonds structurels inutilisés, puisse être mis au service de projets européens communs.
L’augmentation de 10 milliards d’euros du capital de la Banque européenne d’investissement va permettre d’accroître à hauteur de 60 milliards d’euros, à l’échelle européenne, les investissements soutenus par celle-ci. Elle a d’ores et déjà permis de porter de 4, 5 milliards d’euros par an en moyenne à 7, 8 milliards d’euros en 2013 le montant des prêts alloués en France. Nous devrons renouveler ce résultat en 2014 et en 2015. Il faudra aller plus loin encore, en particulier en utilisant les project bonds, que plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà commencé à mettre en œuvre.
Nous voulons également développer de nouvelles capacités d’investissement au travers du cadre financier pluriannuel, que nous avons sauvegardé en préservant les grandes politiques européennes – en particulier la politique agricole commune et les politiques de cohésion –, tout en mettant davantage l’accent sur les politiques d’avenir, avec l’augmentation des budgets consacrés à la recherche, à l’innovation, aux transports, à l’énergie, au numérique.
À cet égard, je conviens bien volontiers que nous aurions souhaité un cadre financier plus ambitieux et je rejoins les réflexions formulées notamment par M. Gattolin et M. le rapporteur sur l’enjeu central que constitue l’instauration de nouvelles ressources propres : c’est la seule voie qui nous permettra de débloquer durablement le débat budgétaire européen. §Nous suivons donc avec une grande attention les travaux du groupe de haut niveau qui a été constitué au sein des institutions européennes.
L’approche de la consolidation budgétaire a été infléchie et la position de la Banque centrale européenne elle-même a évolué, sous l’impulsion de Mario Draghi, comme il est souligné dans le rapport du Sénat.
Enfin, d’importantes avancées ont été accomplies en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Je songe en particulier à l’accord sur la directive sur la fiscalité de l’épargne intervenu lors du Conseil du 24 mars dernier, le Conseil européen de mars ayant permis de surmonter l’opposition de l’Autriche et du Luxembourg, notamment au sujet de l’échange automatique d’informations.
Ces évolutions sont importantes. Elles prouvent que nous pouvons respecter nos objectifs de sérieux budgétaire –c’est tout le sens du pacte de responsabilité – sans obérer pour autant notre capacité à prendre le train du retour de la croissance.
Ces grands chantiers doivent encore connaître des développements importants au cours des prochains mois.
Concernant l’union bancaire, à la suite de l’accord sur les textes relatifs au mécanisme de résolution unique, le Conseil devra adopter cet été un acte d’exécution pour répartir entre les banques européennes leur contribution à la constitution du fonds de résolution. À moyen terme, il nous faudra doter l’union bancaire de son troisième pilier, avec un mécanisme européen de garantie des dépôts, pour aller au bout de notre démarche de sécurisation et de régulation.
Concernant le renforcement de la zone euro, nous souhaitons une gouvernance renforcée, avec un président stable et une dimension parlementaire. En effet, il faut renforcer le contrôle démocratique de ce noyau dur de l’Union européenne. À terme, il faudra aussi mettre en place une capacité financière, comme l’a proposé le Président de la République.
Vos réflexions et les nôtres sont convergentes sur ce point. Cette gouvernance rénovée permettra en particulier de respecter la feuille de route que nous souhaitons suivre pour le soutien aux investissements et la croissance, mais aussi pour la convergence sociale et fiscale au sein de la zone euro.
Concernant la taxe sur les transactions financières, qui pourra entrer en application, dans un premier temps, à l’échelle de dix pays d’ici au 1er janvier 2016, elle portera sur les transactions sur les actions et certains produits dérivés.
Concernant le partenariat commercial transatlantique, que plusieurs d’entre vous, dont Mme Demessine, ont évoqué, je souligne qu’il doit permettre à nos entreprises et à nos agriculteurs d’accéder au marché américain, qui leur est souvent fermé aujourd’hui. Cependant, nous sommes très attentifs à ce que les négociations en cours n’aboutissent pas à remettre en cause les normes européennes en matière sociale, sanitaire, environnementale, ainsi qu’en termes de protection des consommateurs.
Nous l’avons dit, nous plaidons pour la plus grande transparence. Lorsqu’elle était, au sein du Gouvernement, chargée de ce dossier, Mme Nicole Bricq s’était déjà exprimée en ce sens : les Parlements, comme l’ensemble des différentes parties prenantes économiques et sociales, doivent évidemment pouvoir suivre le déroulement de ces négociations. Je rappelle que les parlements nationaux des vingt-huit États membres et le Parlement européen auront le dernier mot.
Nous devons par ailleurs veiller à la mise en œuvre rapide des grandes politiques européennes. Je sais que la Haute Assemblée y est particulièrement sensible. Je songe notamment aux contrats qui ont été transmis par les régions à la Commission européenne pour l’utilisation des fonds structurels.
Au sujet de la priorité donnée à la croissance, je souligne que la présidence italienne, qui débutera le 1er juillet, sera une chance à saisir. J’ai bien mesuré la disponibilité et l’ambition de nos voisins Italiens lors de mon déplacement à Rome, le 23 avril dernier.
À ce titre, le Conseil européen d’octobre, traditionnellement dédié aux questions économiques, sera un rendez-vous très important. Certes, la question des contrats de partenariat et des mécanismes de solidarité associés figure à son ordre du jour, mais la présidence italienne voudrait surtout en faire un « Conseil européen de l’économie réelle ». Nous souscrivons à cette ambition. Ce sera là une bonne occasion de revenir sur les enjeux industriels, que Mme Demessine a soulevés et dont traite le rapport de M. Bernard-Reymond, afin d’établir un véritable plan d’action en vue de faire remonter à 20 % la part de l’industrie dans le PIB européen, en veillant à bien prendre en compte cette priorité dans toutes les politiques européennes. Je pense en particulier à la politique de la concurrence et à la politique commerciale.
La présidence italienne sera aussi l’occasion de prolonger l’action engagée dans des secteurs clefs, comme le numérique ou la défense, sujets déjà évoqués lors des derniers Conseils européens.
J’évoquerai maintenant l’Europe de l’énergie, qui constitue un enjeu majeur, sur lequel Mme Mélot et M. Bizet ont insisté. Ce sujet a été à l’ordre du jour du dernier Conseil européen ; il sera de nouveau abordé en juin.
La crise ukrainienne met davantage encore en lumière l’importance stratégique des questions énergétiques pour l’Union européenne et l’impérieuse nécessité de bâtir une véritable union énergétique, qui doit également nous permettre d’aborder les enjeux du changement climatique. Les questions énergétiques et climatiques concernent tous les pays de l’Union et tous les Européens. Elles ont une incidence directe sur le quotidien de nos concitoyens et de nos entreprises, ainsi que sur nos économies et la capacité de notre société à préparer l’avenir.
Les travaux du Conseil s’articulent actuellement autour de trois enjeux.
Le premier enjeu, c’est la préparation d’un accord pour le cadre post-2020, à l’horizon 2030, sur la base des propositions transmises par la Commission européenne le 22 janvier, visant à réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre et à porter la part des énergies renouvelables à 27 %. Cela implique de bien évaluer les conséquences pour chaque État membre, de s’accorder sur le partage de l’effort, de prendre des mesures pour éviter les fuites de carbone et assurer la compétitivité de nos industries énergivores. Dans cette perspective, il faudra revoir, à partir de juillet, la directive sur l’efficacité énergétique.
Le deuxième enjeu, c’est l’élaboration d’objectifs spécifiques d’interconnexion. Ce sujet a évidemment pris une importance particulière dans le contexte de la crise ukrainienne.
Le troisième enjeu, c’est l’adoption d’un plan d’action en matière de sécurité et de dépendance énergétiques. Vous le savez, les pistes explorées portent sur des mesures d’efficacité énergétique, sur la diversification des sources d’approvisionnement et des routes, sur le renforcement des interconnexions, sur des mécanismes de solidarité et d’achats groupés, sur une nouvelle approche de la dimension externe de la politique énergétique européenne et sur les ressources indigènes. C’est dans ce contexte que les échanges entre le Président de la République française et le Premier ministre polonais ont permis d’enregistrer une avancée, qui sera formalisée au cours des prochaines semaines.
Dans ce domaine, je tiens à insister sur deux points qui, à mon sens, méritent d’être soulignés.
Tout d’abord, nous voulons que le Conseil européen de juin ne soit pas une simple étape procédurale, mais l’occasion d’un véritable débat de fond, au plan politique, sur la base des éléments demandés à la Commission et au Conseil en mars. C’est indispensable pour que nous soyons à même de décider au plus tard en octobre et pour que nous puissions envoyer un signal clair dès septembre, lors du sommet convoqué à New York par le secrétaire général des Nations unies. Vous le savez, un rendez-vous d’importance majeure, la conférence Paris Climat, ou COP 21, se tiendra en 2015 dans notre pays. Il faut donc que l’Europe ait pris, avant cette échéance, ses propres décisions en matière de lutte contre le changement climatique.
Ensuite, sur le fond, l’actualité a mis en évidence l’importance de l’enjeu de la sécurité d’approvisionnement. Nous devons naturellement y répondre avec toute la détermination nécessaire. Cependant, nous devons être clairs : les mesures que nous prendrons ne pourront être pleinement efficaces que si elles s’inscrivent dans une stratégie énergétique globale, fondée sur la transition vers une économie sobre en carbone. Il n’y a pas à choisir entre climat et sécurité énergétique : ce serait absurde ! À nos yeux, la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union européenne et le cadre pour l’énergie et le climat à l’horizon 2030 forment un ensemble. Les deux volets se renforcent mutuellement : ainsi, les efforts accomplis pour lutter contre le changement climatique nous aideront à réduire à la fois notre dépendance à l’égard des grands pays producteurs d’hydrocarbures et la facture énergétique, qui pèse sur nos entreprises et sur nos concitoyens.
Le quatrième et dernier point de mon intervention sera consacré à l’Europe de la défense, à laquelle différents orateurs ont fait référence, en particulier Mme Mélot. Les derniers mois ont montré l’actualité de cette question, ainsi que la nécessité, pour l’Europe, de se doter d’une véritable politique étrangère et de défense commune.
La mise en œuvre des conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre dernier doit être notre priorité. Des mandats ont été donnés aux institutions européennes, des calendriers ont été clairement énoncés. Nous devons veiller ensemble à ce que les différentes échéances qui ont été fixées soient respectées.
Cela est vrai, naturellement, pour les actions qui sont en cours sur différents théâtres d’opérations, en particulier en Afrique. Il convient de souligner que nos partenaires se sont engagés à nos côtés, notamment dans l’opération de formation de l’armée malienne, ainsi que dans l’opération Eufor-RCA. La brigade franco-allemande est également mobilisée au Mali.
Ces avancées doivent aussi trouver une traduction en termes de mutualisation et de coopération, qui sont aujourd’hui les seules voies réalistes en matière de développement capacitaire. Je pense tout particulièrement aux drones et aux avions ravitailleurs. Le partage de nos capacités industrielles et de nos savoir-faire est indispensable pour faire naître cette Europe de la défense et garantir l’autonomie stratégique des Européens, ainsi que la croissance et l’emploi dans ces industries. Ce sont, me semble-t-il, les principales priorités qui doivent figurer au cœur de nos travaux, afin de bien assurer le suivi de la mise en œuvre des décisions prises par le Conseil européen.
Tout cela, mesdames, messieurs les sénateurs, est au service de la mise en œuvre d’une grande ambition de la France pour une Europe plus forte, plus prospère et plus solidaire.
Si nos objectifs et nos actions ne recoupent pas la totalité de vos propositions, monsieur le rapporteur, vous voyez bien, néanmoins, que nous allons dans cette même direction.
J’entends comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ceux de nos concitoyens qui nous disent ne pas percevoir, dans leur quotidien, tous les bénéfices de ces réalisations. J’entends aussi ceux de nos compatriotes qui se plaignent d’un divorce entre l’Europe et les citoyens, parce que notre projet ne parle plus suffisamment la langue commune ou ne fixe plus un cap clair. C’est à ceux-là aussi que votre rapport s’adresse, et c’est aussi vers ceux-là que je veux me tourner.
Je veux leur témoigner notre détermination à avancer en suivant un cap clair, résolu, dans la poursuite de la construction européenne, de l’unité européenne, mais aussi de la réorientation de la construction européenne vers la croissance, l’emploi, les priorités des citoyens.
En effet, servir l’Europe avec de grandes ambitions, comme vous le proposez et comme nous le faisons, c’est non seulement servir une belle idée et un grand projet pour notre continent, mais c’est aussi la meilleure façon de servir la France, ses intérêts, son influence, son poids dans le monde de demain. §