Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 4 mai 2011 à 14h30
Expulsions locatives — Article 1er

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Selon un récent sondage, nos concitoyens considèrent le logement comme un problème plus important que la sécurité et estiment que cette question devrait être une priorité pour le Gouvernement, au même titre que l’emploi, le pouvoir d’achat, la santé, les retraites et l’éducation.

La crise sociale, l’augmentation du nombre de chômeurs, le sentiment accru de la précarité, l’éclatement des familles, la peur d’être un jour SDF, telle est la réalité vécue par de nombreuses personnes, comme l’ont justement souligné mes collègues.

Jamais l’immobilier, le foncier, les loyers, les charges n’ont représenté une part si élevée du budget des ménages. Les problèmes de logement concernent non plus seulement les personnes défavorisées ou très modestes, mais aussi les jeunes, les salariés, surtout les salariés pauvres, et même les classes moyennes. Le nombre de recours au Fonds de solidarité pour le logement a explosé, jusqu’à plus que doubler dans certains départements.

Pourtant, la politique du Gouvernement n’a été tournée que vers les plus favorisés : 40 % des aides publiques de l’État vont au logement locatif privé, 30 % aux propriétaires et 30 % au logement social ; autrement dit, 70 % des investissements de l’État sont orientés vers le secteur privé.

Je ne prendrai qu’un seul exemple : les allocations logement sont en baisse depuis 2002, notamment les APL, qui, de façon très significative, diminuent de 84 millions d’euros tout en perdant leur caractère rétroactif.

De même, si le droit au logement opposable est aujourd’hui consacré par la loi, si le Conseil constitutionnel le reconnaît comme un objectif à valeur constitutionnel, les expulsions locatives continuent de manière massive.

En juin 2008, la France a été condamnée par le Conseil de l’Europe pour non-respect de sa charte sociale au regard de l’insuffisance de l’offre de logements abordables, des manques des politiques de lutte contre les expulsions et de l’existence de discriminations dans l’accès au logement au détriment des immigrés et des gens du voyage. Le 1 de l’article 3 de la directive du Conseil du 29 juin 2000 prohibe en effet la discrimination selon l’origine raciale ou ethnique pour la fourniture de biens et de services, y compris en matière de logement.

En outre, dans le cadre de son rapport intitulé Droit au logement, droit du logement et destiné à illustrer la gravité de la situation du logement social en France, le Conseil d’État s’est interrogé le 10 juin 2009 : « Comment loger dignement tous les habitants et ainsi honorer le droit opposable au logement ? ».

C’est dans ce contexte de désengagement de l’État et de contravention avec le droit international que nous avons souhaité, par cet article 1er, renforcer les droits de tous les locataires, en élargissant l’accès au DALO à toute personne résidant sur le territoire national et en donnant compétence à l’ensemble des personnes publiques pour s’assurer de la mise en œuvre effective de ce droit.

En effet, la loi de 2007 était destinée à rendre concret un droit considéré comme universel par les textes internationaux, transcendant donc, comme d’autres droits fondamentaux, le statut administratif des individus. C’est pourquoi le clivage opéré entre nationaux et étrangers, entre étrangers européens et extra-européens, contredit, selon nous, l’affirmation d’un DALO garanti par l’État. La législation sur le droit au logement opposable est même plus stricte que les conditions d’attribution des logements sociaux pour les personnes d’origine étrangère.

Les droits fondamentaux, dont le droit au logement fait partie, ne peuvent souffrir d’exception ou d’application à la carte. Il ne peut y avoir de catégories « orphelines » de la protection des droits fondamentaux prévus par les textes. Le Gouvernement de la République ne saurait se contenter d’un « avec » ou « sans » en matière de respect des libertés fondamentales.

C’est pourquoi nous voulons étendre le DALO à toute personne logée sur le territoire, sans condition.

Nous souhaitons aussi assurer la légalité des arrêtés municipaux « anti-expulsion » pris par des maires garants de l’ordre public dans leurs communes pour protéger ces locataires qui sont des parents avec enfants, des personnes souvent en grande difficulté.

Une telle mesure irait dans le sens d’une plus grande solidarité et permettrait de pallier les insuffisances du DALO. De fait, le texte n’instaure qu’un mécanisme d’opposabilité restreint puisque le recours juridictionnel n’est ouvert qu’aux personnes classées prioritaires par décision administrative. Les arrêtés « anti-expulsion » permettent de rechercher des solutions pérennes de relogement dans des conditions décentes et d’assurer une meilleure concertation de tous les acteurs publics concernés par la question du logement.

L’article 1er de notre proposition de loi s’inscrit donc dans la nécessité de voir le droit au logement devenir une réalité pour tous, sans exclusive aucune.

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