Intervention de Annick Girardin

Réunion du 26 mai 2014 à 11h00
Politique de développement et de solidarité internationale — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Annick Girardin :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un honneur de vous présenter aujourd’hui le projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale.

C’est la première fois, depuis le début de la Ve République, qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement ; c’est la première fois que le Parlement débat non pas sur les seuls documents budgétaires, mais sur l’ensemble des orientations de notre politique de solidarité internationale.

Il était grand temps, car il est indispensable que la représentation nationale puisse enfin s’exprimer sur une politique qui contribue grandement au rayonnement de notre pays dans le monde. Il est essentiel que la France se dote d’un cadre d’action cohérent, transparent, partagé, qui obtienne l’assentiment des parlementaires.

Ce projet de loi, initialement porté par Pascal Canfin, dont je tiens à saluer l’action, est donc des plus utiles, même au lendemain d’une élection qui a secoué notre pays, même si l’activité législative est très dense, même si la crise économique peut conduire certains à penser que la solidarité internationale n’est qu’une politique superflue.

Lors de sa prise de fonctions, en 2012, le Président de la République a souhaité conduire la rénovation de notre politique d’aide au développement pour l’adapter aux enjeux du XXIe siècle, pour qu’elle promeuve un développement durable et solidaire, pour qu’elle contribue à bâtir un monde plus humain.

D’ailleurs, vous ne m’avez pas attendue pour considérer l’utilité de ce projet de loi. Depuis plusieurs années, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité, à de nombreuses reprises, disposer d’un tel cadre politique. La qualité du travail réalisé en commission – je remercie l’ensemble des commissaires qui y ont participé – atteste de cet intérêt.

Dans son rapport sur la politique française d’aide au développement publié en 2012, la Cour des comptes vous donnait raison et recommandait l’adoption d’une telle loi. Comme la Cour des comptes, vous regrettiez que le Parlement ne soit consulté à ce sujet que lors de l’examen des projets de loi de finances. Ceux-ci sont bien évidemment indispensables, mais leur présentation est fragmentée et leur examen – quand il peut effectivement avoir lieu… – peu identifié.

Bref, les projets de loi de finances ne permettent pas d’avoir une vision d’ensemble. Surtout, ils ne rendent pas compte des évolutions majeures qui conduisent l’aide au développement à évoluer constamment. Le monde a changé, il change rapidement, et nous n’intervenons plus à l’étranger comme nous le faisions autrefois.

C’est à la lumière de ces évolutions que je tiens à vous présenter ce projet de loi. Je veux montrer en quoi il répond aux défis majeurs qui s’imposent à nous. Je veux vous montrer pourquoi il est utile et pourquoi il sera efficace.

Ce qui caractérise le développement, ces dernières années, c’est la montée en puissance d’un très grand nombre d’acteurs non étatiques. Leur rôle s’est considérablement accru, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

La multiplication des acteurs est une chance. Elle apporte une grande diversité de savoirs, d’expertises, une manière de faire innovante. Elle permet d’utiliser les meilleures compétences tout au long de la mise en œuvre d’un projet de développement et de mettre en commun des financements, ce qui en accroît la force de frappe.

Mais, pour que ces avantages puissent être efficaces, ces acteurs doivent échanger sur leurs conceptions, discuter de leurs pratiques. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi a été élaboré dans la plus grande concertation.

Les Assises du développement et de la solidarité internationale ont été organisées entre les mois de novembre 2012 et de mars 2013. Elles ont rassemblé, autour de quinze tables rondes, l’ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale : des organisations non gouvernementales, du Nord comme du Sud, des entreprises privées, des syndicats, des parlementaires, des élus locaux et des universitaires.

Mais si la concertation est effectivement une méthode encouragée par le Président de la République, le Parlement est bien évidemment la dernière instance à se prononcer et à trancher. Pour avoir siégé à l’Assemblée nationale, je sais que l’indispensable concertation n’enlève rien aux décisions de la représentation nationale ; au contraire, elle les éclaire, elle les renforce.

Cette concertation était nécessaire pour aboutir à un cadre d’action partagé. Elle doit désormais être institutionnalisée, et c’est ce qu’il est proposé de faire au travers de la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI. Rassemblant les acteurs du développement dans leur diversité, cette instance permet une concertation régulière entre les différents acteurs sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement.

Les actions menées par ces acteurs ne seront pleinement efficaces que s’ils se connaissent, s’ils travaillent de manière cohérente et coordonnée. La première réunion du CNDSI s’est tenue jeudi dernier, et les échanges furent fructueux, sur ce projet de loi comme sur la notion de cohérence. Nous sommes d’ailleurs favorables à ce que le CNDSI soit composé à parité d’hommes et de femmes, comme cela est l’usage.

Mais pour que les acteurs puissent se coordonner, encore faut-il que leur rôle soit reconnu. C’est ce que permet le projet de loi. À cet égard, je salue l’initiative des corapporteurs, MM. Cambon et Peyronnet, qui ont proposé, en commission, de rendre plus explicite la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques dans la politique de développement.

Je voudrais ici souligner le rôle des collectivités, car le Sénat assure – c’est un principe constitutionnel – « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Le projet de loi prévoit de reconnaître l’action extérieure des collectivités territoriales, cette terminologie étant volontairement plus large que l’expression « coopération décentralisée ».

Les collectivités auront explicitement la possibilité de mener des actions de coopération et d’aide au développement, et une Commission nationale de la coopération décentralisée sera créée. L’amendement adopté en commission, qui vise à dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à ces actions, renforcera les moyens à disposition des collectivités. Ces avancées considérables sécuriseront leurs actions et leur donneront plus de libertés.

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