Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 26 mai 2014 à 11h00
Politique de développement et de solidarité internationale — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, le Sénat examine donc aujourd’hui le premier projet de loi d’orientation et de programmation relatif à la politique de développement. Longtemps demandé par les différents rapporteurs qui se sont succédé, ce texte répond à une exigence démocratique : le Parlement doit pouvoir débattre des grandes orientations d’une politique publique qui, selon la méthodologie de calcul de l’OCDE, représente un montant de près de 10 milliards d’euros par an. Je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, madame la secrétaire d’État.

Ce projet de loi répond aussi à une exigence démocratique en ce que les débats parlementaires se tiennent en public, en toute transparence. Cela constitue un aboutissement logique du travail de concertation exemplaire mené depuis deux ans par le Gouvernement, qui a réuni, entre novembre 2012 et mars 2013, des Assises du développement et de la solidarité internationale ayant permis de débattre largement de la politique de développement avec l’ensemble des acteurs intéressés.

Ce projet de loi traduit également la nécessité de s’adapter à un monde en mutation. Depuis une dizaine d’années, les progrès sont spectaculaires dans le monde, même s’ils demeurent disparates et fragiles.

Alors que nous arrivons à l’échéance prévue pour les objectifs du millénaire pour le développement fixés en 2000 par 189 chefs d’État et de Gouvernement, le rapport annuel de l’ONU de 2013 dresse un bilan encourageant, évoquant des progrès significatifs sur un grand nombre de cibles, par exemple la réduction de moitié du nombre d’individus vivant dans l’extrême pauvreté et de la proportion de personnes n’ayant pas un accès durable à une source d’eau potable améliorée. Mon collègue corapporteur Christian Cambon évoquera ultérieurement cette question majeure.

En octobre dernier, la commission des affaires étrangères a notamment mis en avant le décollage impressionnant de l’Afrique, dont le taux de croissance économique a été particulièrement élevé durant les dix dernières années. Les changements y semblent structurels. Pour autant, cette croissance reste inégalement répartie sur le continent et entre les populations. Avec 400 millions de personnes vivant avec moins de 1, 25 dollar par jour, l’Afrique est ainsi confrontée à un terrible paradoxe : la pauvreté recule, mais le nombre de pauvres augmente. En outre, les situations de fragilité peuvent rapidement dégénérer en crises aiguës, comme c’est le cas actuellement au Mali ou en République centrafricaine.

La réalisation globale de nombreux objectifs du millénaire pour le développement sera également permise par l’apparition de ce que l’on appelle communément les « très grands émergents ». Aujourd’hui, le produit intérieur brut de la Chine, qui a triplé en dix ans, est trois fois supérieur à celui de notre pays !

Bien sûr, ces pays connaissent encore une richesse nationale par habitant bien inférieure à celle des pays développés et demandent davantage une expertise ou une valeur ajoutée intellectuelle qu’une aide budgétaire. En outre, ils mettent eux-mêmes progressivement en place des politiques qui peuvent s’apparenter à des actions de coopération envers les pays les plus pauvres. Si les chiffres doivent être regardés avec précaution en raison des incertitudes statistiques, l’OCDE estime que la Chine a dépensé 2, 8 milliards de dollars en 2011 en aide publique au développement. De même, l’Arabie saoudite a versé 5 milliards de dollars en 2011 et les Émirats arabes unis la même somme en 2013.

L’intervention de ces nouveaux acteurs révèle plus globalement l’apparition d’un ensemble varié de bailleurs de fonds, publics et privés, dont les modalités d’intervention diffèrent, par de nombreux aspects, de celles qui sont généralement applicables dans les pays de l’OCDE.

C’est donc dans un contexte différent que la France doit dorénavant penser et mettre en œuvre sa politique de développement et de solidarité internationale. Tel est l’objet de ce projet de loi, que vous avez présenté de façon suffisamment exhaustive, madame la secrétaire d’État, pour que je ne me croie pas obligé d’y revenir.

C’est pourquoi mon collègue Christian Cambon et moi-même nous concentrerons sur les lacunes que nous avons pu identifier – c’est un peu la loi du genre ! – et sur les principales modifications apportées par la commission.

Le projet de loi est fondé sur une logique de « partenariats différenciés » pour adapter les instruments utilisés par la France aux besoins et à la situation des pays partenaires et sur l’idée de concentrer notre aide au bénéfice des pays pauvres prioritaires de l’Afrique et de la Méditerranée.

Or les objectifs affichés en termes de concentration ne constituent pas une avancée particulière par rapport à la situation existante.

Surtout, le projet de loi n’évoque aucunement l’équilibre financier entre les différents instruments utilisés. Subventionner un projet ou prêter de l’argent pour sa réalisation n’est pourtant pas la même chose. Nous estimons depuis plusieurs années que les montants actuels, pour ce qui est appelé dans le jargon les « dons-projets », ne sont plus cohérents avec les ambitions géographiques proclamées. À quoi sert-il d’afficher une concentration des subventions sur les pays pauvres prioritaires alors que le montant total des subventions est inférieur à 600 millions d’euros par an ? Avec une aide publique au développement de 9, 4 milliards d’euros en 2012, la France n’a consacré que 256 millions d’euros aux subventions aux pays pauvres prioritaires, soit 2, 7 % de l’ensemble de notre aide.

Certes, l’Assemblée nationale a demandé un rapport sur cette question, mais nous ne pouvons que regretter le décalage persistant entre un discours volontariste et des moyens effectivement déployés qui ne sont pas en adéquation.

Bien sûr, plusieurs problèmes sont à la source de cette forme de désenchantement que les acteurs rencontrent sur le terrain. J’en citerai deux : la notion d’aide publique au développement, telle que calculée par l’OCDE, qui intègre des enveloppes trop variées et qui sont parfois éloignées d’une aide de terrain ; le choix de la France de verser des sommes importantes via l’aide multilatérale, que ce soit par le biais de l’Union européenne ou de fonds verticaux, en particulier ceux concernant la santé, ce qui représente une aide peu visible, sur laquelle il faudrait peut-être réfléchir.

J’en viens maintenant aux principales modifications apportées par la commission.

Nous avons d’abord souhaité mettre en avant le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises. Par exemple, sur notre initiative, le champ de la loi Oudin-Santini a été étendu au secteur des déchets ménagers.

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