Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 26 mai 2014 à 14h30
Politique de développement et de solidarité internationale — Suite de la discussion et adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

… et les débats organisés dans le cadre du contrôle par le Parlement de l’action du Gouvernement. C’était donc positivement que nous attendions ce premier projet de loi de programmation.

En juin 2012, dans une interview au journal Jeune Afrique, l’ancien ministre chargé du développement, Pascal Canfin, avait déclaré, parlant de l’APD : « Je ne suis pas un adepte du fétichisme comptable ». Eh bien, à la lecture de ce projet de loi, nous en sommes définitivement convaincus ! II m’avait pourtant semblé que le propre d’une loi de programmation tenait surtout, comme son nom l’indique, à sa programmation budgétaire. Or, malgré ses 10 articles et les 247 alinéas du rapport annexé, force est de constater que le projet de loi ne comporte ni prévision ni trajectoire financière.

Madame la secrétaire d’État, s’il est difficile pour vous d’hériter de ce projet de loi, on ne pourra pas vous faire le procès de ne pas respecter les engagements financiers. En tout cas, si le projet de loi est adopté, nous savons au moins qu’il ne connaîtra pas les affres que subit actuellement la loi de programmation militaire.

Mes chers collègues, je pense que nous regrettons tous que la seule référence chiffrée du projet de loi n’intervienne qu’à l’alinéa 224 du rapport annexé à l’article 2, qui rappelle que la France doit avoir pour objectif de consacrer 0, 7 % de son RNB à l’APD – objectif dont nous nous éloignons chaque année davantage, comme je l’ai rappelé il y a quelques instants. Cette mention, même très tardive, dans le rapport annexé ne représente aucune nouveauté, puisqu’elle correspond à un engagement international déjà pris par notre pays. Il s’agit donc d’un simple rappel, d’un vœu pieux sans traduction concrète, ce que nous déplorons. Pis, il y a une forme de double langage à réaffirmer cet objectif de principe tout en continuant à réduire les crédits de l’APD. Alors que, selon l’OCDE, ils ont diminué de 10 % en 2013, nous nous acheminerions vers une nouvelle baisse de 6 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » en 2014, avec des projets de coupes encore plus importantes dans le prochain triennum budgétaire.

Pourquoi donc voter un projet de loi coupé de toute réalité financière ? Pourquoi et comment vouloir refonder la politique française d’aide au développement sans prévision budgétaire, alors même que l’un des principaux problèmes réside dans la dispersion des crédits ? Comment un projet de loi peut-il fixer comme objectif la maîtrise de la fragmentation d’une aide financière, en particulier lorsqu’elle est engagée dans un cadre multilatéral, sans en définir ni les proportions ni les limites ?

Nous savons tous que la mission « Aide publique au développement » comporte les crédits des deux principaux programmes. Toutefois, la mission ne regroupe qu’une partie de l’effort français en matière d’aide publique au développement : huit ministères différents participent à une politique transversale en faveur du développement. Les crédits des deux programmes de la mission « Aide publique au développement » transitent par plusieurs canaux : l’aide bilatérale, qui est versée directement aux pays partenaires, l’aide européenne, qui est mise en œuvre par la Commission européenne, et l’aide multilatérale hors Union européenne, qui est assurée par les organisations et programmes internationaux.

Dans son rapport de juin 2012, la Cour des comptes a fait mention d’« une organisation tripartite mal articulée ». Cela aurait dû être l’un des premiers objectifs du projet de loi d’orientation : répondre à cette organisation, souvent qualifiée d’opaque du fait de la multiplication des acteurs de l’APD.

Là encore, il y a une certaine hypocrisie à appeler à une cohérence des politiques publiques avec la politique du développement, comme le fait l’article 3. Ce principe demeurera incantatoire si l’on ne prévoit pas, pour chaque projet de loi ou proposition de loi, une étude préalable de son impact sur le développement – méthode déjà pratiquée par l’Union européenne. De même, en aval, il faut organiser un véritable suivi de cet impact en lien avec le CNDSI, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale. J’avais déposé un amendement en ce sens en commission, et je regrette qu’il ait été rejeté.

Un domaine doit retenir toute notre attention : la responsabilité sociale de nos entreprises lorsqu’elles opèrent dans les pays en développement. Il peut y avoir une vraie tension entre les objectifs de notre APD et la stratégie d’optimisation des coûts de certaines entreprises, d’où l’importance d’un dialogue et d’un suivi attentif, menés de façon coordonnée par le ministère chargé du développement et par celui du commerce extérieur. Je me réjouis que l’un de mes amendements, relatif à la responsabilité sociale des entreprises, ait été, lui, adopté en commission.

En termes de suivi et de contrôle, on aurait également pu faire davantage en matière de lutte contre la corruption, intrinsèquement liée au maintien de l’extrême pauvreté.

En avril dernier, j’ai représenté le Sénat au séminaire parlementaire annuel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Nous y avons longuement abordé ces problèmes et lancé une initiative pour l’éradication de la pauvreté. À cette occasion, j’ai accepté de lancer la section française du GOPAC, l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à y adhérer ; nous ferons ainsi un travail très utile.

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