Cet article traite de ce que le projet de loi appelle la « responsabilité sociétale » des acteurs, publics et privés, des politiques de développement. L’expression « responsabilité sociétale » a fait l’objet d’un important débat en commission et lors de l’examen de l’article 1er. Je souhaite cependant y revenir brièvement.
La notion générale de « responsabilité sociétale » a été préférée à celle de « responsabilité sociale, environnementale et fiscale », qui figurait auparavant dans le texte, car elle aurait l’avantage d’englober un plus grand nombre de sujets, en particulier la gouvernance et les droits de l’homme.
Cependant, l’adjectif « fiscal » étant beaucoup plus précis que l’adjectif « économique », sa suppression n’est pas anodine. L’article 5 a quasiment vocation à introduire, voire à imposer, un peu d’éthique et de morale dans les activités des acteurs économiques. Un certain nombre d’organisations non gouvernementales, ou ONG, se sont émues de la modification apportée à sa rédaction.
Si nous voulons être efficaces, au lieu d’en rester au stade de l’incantation ou de l’indignation vertueuse, il est nécessaire de faire référence à des notions précises dans le projet de loi. J’en suis d’autant plus convaincu que nous sommes dans le domaine du déclaratif, celui des grands principes et des symboles. Comme les philosophes des Lumières, nous croyons à l’idée de progrès et nous souhaitons généreusement que notre aide s’exerce au seul bénéfice des populations et de l’intérêt général.
Malheureusement, la réalité des terrains sur lesquels nous intervenons n’est pas toujours celle-là. Trop souvent, en particulier dans les pays les plus pauvres, nos interlocuteurs sont des gouvernants et des intermédiaires pour lesquels la notion d’intérêt général et de bien-être des populations n’est qu’une lointaine abstraction.
Les acteurs privés, y compris certaines entreprises multinationales, ont souvent tendance à n’avoir comme préoccupation prioritaire que la rentabilisation excessive des projets qu’ils sont chargés de mettre en œuvre. Cela les conduit inéluctablement à s’affranchir des réglementations ou des législations élémentaires dans les domaines économique, social, environnemental ou encore fiscal.
Dans son acception large, la responsabilité sociale des acteurs économiques est une notion connue et comprise du plus grand nombre. Il en va de même de la responsabilité environnementale. Le droit du commerce, et bien entendu celui de l’environnement, y font expressément référence.
Ainsi, la seconde loi issue du Grenelle de l’environnement impose clairement aux entreprises des obligations de transparence en matière sociale et environnementale. De même, la responsabilité sociale des entreprises peut s’entendre non seulement au sens du droit social, mais également à l’égard de l’ensemble de la collectivité nationale ; elle implique alors le respect de la législation fiscale.
J’estime donc que l’expression « responsabilité sociétale » est trop large et trop floue pour permettre de caractériser les responsabilités. Même si ces dernières sont précisées et déclinées dans le rapport annexé, l’expression « responsabilité sociétale » laisserait une grande souplesse d’interprétation. Ne diluons pas dans un cadre trop général des notions qui ont acquis de la précision et sont désormais communément admises.
La question de la portée et des conséquences sociales des activités économiques est fondamentale. Si l’article 5 a bien pour objectif d’établir clairement le champ de responsabilité des acteurs du développement, il me semble nécessaire de revenir à la formulation adoptée par l’Assemblée nationale.