Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 26 mai 2014 à 14h30
Politique de développement et de solidarité internationale — Article 2

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Face aux enjeux d’aujourd’hui, et en conformité avec les priorités transversales énoncées dans ce projet de loi, nous devons impulser une nouvelle approche de l’aide au développement, en dépassant le seul critère économique.

En effet, si le développement consiste à accroître les capacités humaines et à étendre les libertés, force est de constater qu’il est remis en cause par les effets du changement climatique. La France se doit de porter cette idée, pour orienter sa propre politique d’aide au développement, mais également au sein des institutions européennes et onusiennes.

Le dérèglement climatique est aujourd’hui reconnu comme une source de tensions et un frein majeur au développement, puisqu’il se traduit par des crises énergétiques, des tensions autour de l’accès aux matières premières et des désastres humanitaires.

Depuis 2008, le cabinet britannique d’analyse de risques Maplecroft établit un classement des pays les plus vulnérables au changement climatique, sur la base de trois critères : premièrement, l’exposition du pays aux effets du dérèglement climatique, tels que la montée du niveau de la mer, les tempêtes, les sécheresses ou encore les inondations ; deuxièmement, la vulnérabilité des populations en termes notamment de santé, d’éducation et de dépendance à l’agriculture ; troisièmement, et enfin, la capacité du pays, notamment de son gouvernement, à s’adapter et à lutter pour réduire les impacts du changement climatique.

Toujours selon cette étude, en 2025, quelque 31 % de l’économie mondiale seront confrontés à un risque « élevé » ou « extrême ». Parmi les pays émergents avec les potentiels économiques les plus importants, quatre présentent un risque climatique extrême : les Philippines, le Vietnam, le Pakistan et le Bangladesh. Ils font non seulement face à des risques élevés de sécheresses et d’inondations, mais ils subissent également une forte pression démographique, et leurs gouvernements ne sont pas, à l’heure actuelle, en mesure de réagir de manière efficace.

Cette étude met également en exergue la sensibilité croissante des pays d’Afrique face au changement climatique. Alors qu’ils n’étaient que trois en 2010 à occuper le haut du classement, ils sont six en 2013. Les pays africains les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique ne figurent pourtant pas tous dans la liste des « pays les plus pauvres » définie dans le présent projet de loi.

Ainsi, des États peu institutionnalisés ne sont pas équipés pour répondre à ce genre de risques multidimensionnels. Dans son dernier rapport, publié le 31 mars 2014, le GIEC considère que le changement climatique affecte l’intégrité des États en fragilisant leur souveraineté et en affectant les infrastructures étatiques les plus sensibles. Nous ne pouvons donc pas concevoir le « développement » sans mettre l’accent sur la vulnérabilité de ces États et de leur population face au dérèglement climatique.

La reconnaissance à part entière de la notion d’« État en grande difficulté climatique » serait donc une première étape permettant de s’adapter aux enjeux multidimensionnels d’aujourd’hui. À l’aube de la COP21 – la Conférence Paris Climat 2015 –, la France se doit donc d’être pionnière dans ce domaine.

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