Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 27 mai 2014 à 15h00
Schéma régional des crématoriums — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Cécile Cukierman, qui a bien voulu inverser sa prise de parole avec la mienne. J’ai en effet quelques contraintes d’agenda que je ne peux modifier aujourd’hui.

Je tiens aussi à saluer la persévérance de nos collègues et amis Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Sueur. En effet, en 2006 déjà, ils avaient recommandé l’élaboration d’un schéma régional des crématoriums, document coproduit par l’ensemble des acteurs concernés par la question funéraire et crématoire. Le gouvernement d’alors était d’ailleurs favorable à un tel outil d’organisation et de rationalisation des moyens, sous réserve qu’un débat se tienne.

Pour autant, ce débat n’a pas eu lieu. Vous avez persévéré par l’introduction d’amendements, à l’occasion de différents textes dont j’ai parfois été le rapporteur, sans pouvoir toutefois relancer ce débat de fond attendu par nombre de nos concitoyens.

L’occasion nous est aujourd’hui donnée de discuter de ce sujet et d’aboutir à un texte qui permettrait de mettre en place un service public crématoire plus opérationnel, de satisfaire les besoins grandissants de la population et de préserver les intérêts financiers de nos collectivités territoriales.

Ces dernières années, nous nous sommes rendu compte de la nécessité de restructurer les crématoriums. En pratique, comme vous l’avez tous rappelé, la crémation progresse, les statistiques le prouvent. Nous ne disposons pas exactement des mêmes chiffres, mais elle représentait 1 % seulement des obsèques environ dans les années quatre-vingt, contre 32 % aujourd’hui. Selon un sondage IFOP de 2010, 51 % des Français souhaitent se faire incinérer.

Cette progression s’est également illustrée chez nos voisins européens : la Suisse et le Danemark, par exemple, en sont à plus de 70 % de crémations ; à Londres, ce chiffre avoisine les 90 %.

Nous devons donc « repenser les funérailles », et tel est bien l’objet du texte qui nous est présenté.

Ce sont nos communes et quelques-unes de nos intercommunalités qui ont la charge de gérer les crématoriums, c’est-à-dire la lourde tâche de les construire, de les entretenir et de procéder à toutes les opérations liées à la crémation. Elles doivent gérer la location des salles, parfois l’incinération de certaines pièces pour les établissements de santé, autant de missions complexes à assumer pour les plus petites communes, qui ne possèdent ni l’expertise ni les moyens financiers ou humains. Elles choisissent alors, à juste titre, de déléguer cette mission de service public à des entreprises privées.

Les difficultés actuelles viennent justement de cela. Les écarts de prix sont de l’ordre de 400 euros d’un établissement à l’autre, et le coût peut tripler dans les collectivités d’outre-mer. Ces établissements profitent de leur situation de quasi-monopole, et les communes sont dans l’impossibilité d’en créer aussi facilement qu’elles le souhaiteraient sans risquer d’éventuelles difficultés financières.

En outre, la répartition des crématoriums n’est pas forcément équilibrée de la même manière sur tout le territoire français, ce qui crée, dans certains départements et régions, une inégalité de fait. Certains établissements se retrouvent surchargés, la conséquence étant un allongement des temps d’attente, lesquels sont déjà difficilement supportables pour les familles qui ont perdu un être cher.

Nous devons donc saisir l’occasion de rééquilibrer la répartition des crématoriums en encadrant leur création et leur extension. Cette tentative de rationalisation est essentielle pour offrir un service de qualité. Nous devons pour cela prendre en compte les souhaits de l’ensemble des acteurs de la filière, et fédérer ces derniers autour d’un projet commun équilibré, projet que vous proposez précisément de construire autour d’un schéma régional.

Face à ce constat d’inégalité territoriale, le Sénat a donc, aujourd’hui, un rôle fort de rééquilibrage à jouer.

D’une part, on constate que tous les territoires ne disposent pas de crématorium, même si la demande existe. Pourquoi ? Toutes les communes n’ont pas la capacité technique et financière de créer ou de gérer un tel équipement, en particulier à l’heure des baisses de dotations budgétaires. Il s’agit d’un investissement qui peut être jugé disproportionné lorsqu’on ne peut évaluer le besoin territorial et son évolution.

Le schéma des crématoriums, en donnant une vision plus globale de la situation, limiterait les cas de non-rentabilité et permettrait aux communes concernées de mutualiser leurs moyens.

D’autre part, l’emplacement des crématoriums existants – nous en avons tous fait le constat –, ne répond pas forcément à une répartition cohérente. Certains départements en comptent plusieurs, d’autres aucun. On trouve des établissements tout juste rentables, quand d’autres arrivent à saturation. Ce sont les familles qui supportent ce déséquilibre, l’attente entre le décès et la crémation pouvant aller jusqu’à une semaine. Nous pouvons peut-être soulager le travail de deuil en proposant, dès aujourd’hui, une simplification décisionnelle.

La question est de savoir quel échelon territorial est à même de faire face à cette problématique. Le schéma des crématoriums répond-il à une logique d’aménagement du territoire qui devrait être assumée par les régions ?

L’initiative et la responsabilité de gérer les crématoriums doivent, à mon avis, rester aux communes et aux EPCI. En effet, ces collectivités maintiennent le lien de proximité avec les familles ; elles sont et doivent rester leur interlocuteur privilégié. Cependant, nous devons adopter un raisonnement à long terme, qui englobe un territoire assez large. Ces établissements coûteux, à faible rentabilité, doivent être implantés dans des lieux à périmètres stratégiques.

Pour mener à bien la réflexion, vous nous proposez que le schéma soit défini au niveau régional. C’est une piste intéressante. Les objectifs du schéma de crématoriums sont les mêmes que pour le schéma régional d’aménagement et de développement du territoire, c’est-à-dire la mise en place de projets d’équipements cohérents, afin de satisfaire au mieux les besoins de la population, réduire au minimum les inégalités de traitement et protéger les intérêts financiers de nos collectivités locales.

Nous avons souhaité suivre le rapporteur quand il a proposé d’intégrer les communes à la consultation préalable à l’élaboration par le préfet de région du schéma régional. En effet, les communes détiennent, avec les EPCI, le monopole de gestion des crématoriums. Pour mémoire, seuls 2, 5 % des EPCI détiennent cette compétence.

De plus, en matière fiscale, les communes sont les seules habilitées à mettre en place les taxes sur les convois, l’inhumation et la création. Pour cette raison, leur réintégration au processus décisionnel est fondamentale.

Par ailleurs, il nous a semblé important d’associer également le Conseil national des opérations funéraires, regroupant les professionnels du funéraire et les représentants des familles, dont l’avis pourra ainsi être pris en compte.

Malgré la recommandation contenue dans le rapport d’information de 2006, ni la proposition de loi initiale ni le texte élaboré par la commission n’ont prévu une évaluation prospective des besoins dans le schéma des crématoriums. Un tel dispositif présentait pourtant l’intérêt de permettre l’analyse des besoins futurs compte tenu des mobilités, qu’elles soient interdépartementales, régionales ou interrégionales.

En conclusion, mes chers collègues, je tiens à redire que cette proposition de loi est l’occasion pour nous d’optimiser un service public de qualité sur l’ensemble du territoire et de réduire durablement les inégalités, essentiellement territoriales et financières.

C’est pourquoi, avec mon groupe, je voterai ce texte d’avenir. §

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