Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ceux qui ont pris la parole avant moi l’ont dit : aujourd’hui, le choix de la crémation s’est fortement développé, et il est bon de veiller à ce que chaque citoyen ait accès à ce service, quel que soit le lieu où il vit. Il nous faut donc créer les conditions d’un tel accès.
À cet effet, notre collègue Jean-Pierre Sueur nous invite, par cette proposition de loi, à créer un schéma régional de plus ; c’est du moins ainsi que nous pourrions prendre ce texte de prime abord. Nous nous sommes dans un premier temps interrogés sur l’opportunité de ce schéma supplémentaire. En effet, en 2008, lors des débats sur la proposition de loi relative à la législation funéraire, l’idée d’un schéma avait été abandonnée. Nos collègues députés avaient préféré maintenir le système existant, toujours en vigueur, en invitant cependant le Gouvernement à inciter les préfets à réaliser des enquêtes publiques détaillées.
Cependant, le problème du faible nombre de crématoriums dans certaines zones géographiques perdure. La nécessité de fournir aux familles un équipement peut donc justifier la solution proposée quand le mécanisme des enquêtes publiques a échoué. Notre collègue Jean-René Lecerf démontre en effet, dans son rapport, que, aujourd’hui encore, dans plusieurs secteurs géographiques, le nombre de crématoriums, parce qu’il est insuffisant, ne permet pas de satisfaire les demandes des familles dans des conditions convenables ; certains de nos collègues ont évoqué les départements vides de tout service de crématorium. Il en découle des délais d’attente trop longs pour les familles et des contraintes liées à des déplacements longs et coûteux ainsi qu’à la conservation du corps jusqu’à la crémation.
L’exemple de la Loire, qui a été cité, illustre ces difficultés. Dans ce département, dont je suis issue, la crémation représente 40 % des funérailles, un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Pourtant, il n’existe que trois crématoriums dans le département : un dans le sud, à Saint-Étienne, et deux dans le nord, qui sont très proches l’un de l’autre puisqu’ils se trouvent à Roanne et à Mably. Ces deux derniers crématoriums – l’un est public, l’autre est en gestion déléguée – se partagent le territoire roannais, alors même qu’un seul équipement pourrait suffire puisqu’ils ne sont utilisés aujourd’hui qu’à la moitié de leur capacité. En revanche, dans le centre du département, on ressent un manque : les habitants du secteur sont obligés d’aller à Roanne ou à Saint-Étienne s’ils souhaitent incinérer leurs défunts, ce qui entraîne un coût supplémentaire, notamment pour le transport du corps.
Au vu de ces difficultés, l’élaboration d’un schéma régional peut se révéler un outil intéressant. Néanmoins, il faut rester vigilant, car les crématoriums constituent des équipements coûteux. Le risque financier encouru par les communes est réel, puisque, au terme d’une délégation de service public ou en cas de faillite du délégataire, la charge de l’équipement leur incombe. Par exemple, 500 000 euros devront être déboursés d’ici à 2018 pour chacun des crématoriums de Roanne et de Mably afin de respecter des normes bien précises en matière de filtration des fumées. C’est un décret de septembre 2008 relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère qui impose ces travaux.
Si ces normes environnementales sont importantes – dans ce domaine comme dans les autres, nous n’avons pas pour objectif de négliger les normes qui protègent –, se pose la question du maintien de deux crématoriums dans une zone où un seul suffirait.
Ces difficultés de financement existent dans bien d’autres collectivités ; elles sont importantes. Nous n’allons pas ouvrir maintenant le débat sur le financement des collectivités territoriales ; monsieur le secrétaire d'État, nous serons amenés à nous revoir dans les semaines à venir pour débattre plus largement du devenir des collectivités, et nous poserons alors beaucoup plus fortement la question. Néanmoins, je tiens à souligner dès à présent que le financement des collectivités territoriales pose problème. C’est une réalité dont il faut tenir compte.
La proposition de loi n’imposant pas expressément l’ouverture de crématoriums, on peut s’interroger. J’ai pris l’exemple du nord de la Loire, mais je peux aussi prendre celui de la Lozère, qui a également été cité, car ce département ne dispose d’aucun crématorium. Ce n’est pas parce que l’on aura constaté qu’il y a un crématorium de trop dans la Loire que l’on en ouvrira un en Lozère, où pourtant les populations n’ont pas du tout accès à ce service. C’est la limite de ce schéma régional des crématoriums. Il représente certes une contrainte, mais n’a pas de caractère prescriptif et ne règle pas la question du financement. On peut toutefois penser que la proposition de loi aura un fort pouvoir d’incitation.
L’élaboration du schéma par le conseil régional, qui impliquera la saisine d’autres collectivités, puisque la région n’est pas forcément la collectivité pertinente, permettra le débat.
Par l’intermédiaire du préfet, l’État aura donc le pouvoir d’inciter à l’ouverture d’un crématorium dont les collectivités locales assumeront seules le coût et les risques financiers. Il faudra bien avoir tout cela en tête au moment de l’élaboration des schémas.
En dépit de cette importante remarque, la proposition de loi contribuera, nous n’en doutons pas, à une meilleure prise en compte de l’évolution des traditions funéraires dans notre pays ; c'est pourquoi nous la voterons.