Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la biométrie est vieille comme le monde. Comme l’a signalé Virginie Klès, les progrès de l’informatique ont permis le traitement de données multiples, parfois collectées à l’insu de la personne. Je pense en particulier à la reconnaissance faciale, développée grâce à de nouveaux algorithmes : conjuguée à la vidéosurveillance, elle peut porter atteinte à la vie privée.
Il est donc particulièrement opportun de préciser quelles doivent être les finalités de l’usage de la biométrie. Comme le soulignait M. Hyest, la protection du droit au respect de la vie privée est un combat que mènent depuis longtemps le Sénat et sa commission des lois.
Les tentatives de certains gouvernements pour aller plus loin, qu’il s’agisse de la carte d’identité biométrique ou des modalités de collecte des empreintes destinées au fichier des passeports, ont été à chaque fois bloquées, par le Conseil constitutionnel dans le premier cas ou par le Conseil d’État dans le second.
Toutefois, compte tenu des évolutions technologiques, il est important aujourd’hui de s’interroger sur les usages de la biométrie ; je tiens, à cet égard, à saluer l’initiative de notre collègue Gaëtan Gorce.
Les protections que nous pouvons assurer à nos citoyens en ce domaine sont incertaines, dans la mesure où toutes ces données circulent en ignorant les frontières. Telle est la nature de la société de l’information. Par conséquent, il ne saurait y avoir de protection totale sans maîtrise de l’innovation et sans règlements européens et internationaux.
Vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, les élections récemment organisées au Mali, mais ce n’est pas, à l’évidence, en instituant un fichier biométrique de l’ensemble de la population que nous parviendrons à protéger nos données personnelles et les libertés individuelles en France. Cela irait à l’encontre de nos valeurs.
Dans le même esprit, un Français en voyage à l’étranger peut se trouver confronté aux conséquences de l’application de législations autorisant la collecte de données personnelles par le biais de sociétés privées, ces données pouvant ensuite être utilisées en France.
La manière dont nous exploitons un certain nombre de fichiers, tels que AGDREF2 – le fichier d’application de gestion des ressortissants étrangers en France –, EURODAC ou SIV, le système européen d’identification des visas, pose aussi question. Si nous voulons que les données personnelles et la vie privée de nos concitoyens soient protégées, il convient d’apporter les mêmes garanties aux étrangers présents au sein de l’espace Schengen. Dans la mesure où nous externalisons de plus en plus le traitement des demandes de visa déposées à l’étranger, il convient de s’interroger sur les moyens d’assurer une protection satisfaisante des données recueillies à cette occasion.
Par ailleurs, il faudrait se montrer un peu plus audacieux quant à certains usages de la biométrie. En particulier, une plus grande coopération au sein de l’espace Schengen serait souhaitable afin de rendre compatibles les pratiques des différents pays en matière de biométrie, ce qui permettrait que les passeports puissent être délivrés à nos compatriotes résidant à l’étranger ailleurs que dans les consulats français. De même, il serait utile de rendre biométriques les certificats de nationalité française, car cela permettrait d’écarter de nombreuses suspicions de fraude.
En résumé, dans ce domaine, il n’y aura pas de protection sans échanges entre la France et les autres pays, sans coopération européenne et sans respect du droit des étrangers.
Comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, la banalisation de l’usage de la biométrie pour les plus jeunes est un danger pour la société. Il faut avoir bien conscience des risques qu’elle emporte.
Bien sûr, rien ne se fera sans un cadre national approprié ; la présente proposition de loi, qui vise à en instituer un, est donc tout à fait bienvenue. Cela étant, sans maîtrise technologique, nous ne pourrons faire respecter la loi et protéger nos concitoyens comme nous le souhaitons. Cela implique de favoriser l’effort d’innovation des sociétés françaises dans ce domaine.
Bien entendu, le groupe socialiste votera la présente proposition de loi, qui tend à préciser les finalités de l’usage de la biométrie. Elle prolonge le combat mené de longue date par notre assemblée sur ces questions, mais son adoption n’aura d’utilité que si le Gouvernement relaie nos préoccupations à l’échelon européen, afin que la société européenne dans son ensemble se mobilise. Cela passe, bien sûr, par la réciprocité. §