Intervention de Chantal Jouanno

Réunion du 27 mai 2014 à 21h00
Charte de l'environnement — Adoption d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission modifié

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

La modification de l’article 7 me pose véritablement problème. À l’origine, j’étais plutôt favorable à la nouvelle rédaction. Cependant, après avoir consulté des juristes, j’ai pris conscience que chaque mot serait source de contentieux et risquerait même d’avoir un effet contre-productif. Il est en effet demandé que, pour chaque décision, individuelle ou réglementaire, les études soient publiées, qu’elles soient indépendantes et contradictoires. Pour chacune de ces trois exigences, il faut s’attendre à quatre pages de mémoire en contentieux, plus ou moins bienveillantes bien évidemment. J’imagine le nombre de recours possibles sur un projet d’implantation d’antenne-relai qui pourraient être fondés sur chacun de ces termes.

En revanche, je suis d’accord pour reconnaître que la question de la formation constitue un véritable enjeu.

En conclusion, je peux dire que je suis très favorable à des évolutions législatives pour que l’écologie soit un facteur d’innovation et non de régression, en cas d’instrumentalisation, bien entendu, car il n’est pas du tout dans mes intentions d’affirmer que l’écologie est facteur de régression. Par la lourdeur de nos procédures, par notre esprit encore trop tourné vers des principes du XXe siècle et non du XXIe siècle, nous sommes en train de louper certaines marches de l’innovation, tout particulièrement dans le domaine de l’écologie.

Ainsi, alors que nous étions premiers sur les hydroliennes, le Canada va nous dépasser. De même, nous loupons la marche pour le véhicule électrique, à propos duquel nous avons tiré la sonnette d’alarme tout à l’heure en commission, comme nous l’avons loupé sur le solaire ou les éoliennes, qui sont pourtant des secteurs d’exportation majeurs aujourd’hui.

Sur le fond, pourquoi devrions-nous donner le sentiment, en tout cas à l’extérieur de nos enceintes parlementaires, que nous renions en partie ce qui avait été voté à l’époque sur le principe de précaution ? Ne nous méprenons pas : malgré l’intention de l’auteur de la proposition de loi constitutionnelle de redonner du poids au principe d’innovation, les médias risquent, au terme d’une lecture extrêmement biaisée de nos débats, d’en conclure que nous revenons sur le principe de précaution.

Pourtant, ce qui était vrai en 2004 l’est toujours plus aujourd’hui : jamais une génération entière n’a ainsi été exposée, partout dans le monde, aux mêmes produits. En cas d’alerte sur un produit, c’est toute une génération qui sera touchée. Nous devons donc être très vigilants. De même, jamais les alertes sur la disponibilité des ressources halieutiques ou sur les événements climatiques – je vous renvoie aux dernières conclusions des météorologues – n’ont été aussi nombreuses.

Il est vrai que notre génération profite d’un niveau de vie jamais égalé par les générations précédentes. Mais c’est peut-être la première fois qu’on risque de le faire au détriment de la génération future. Nous devrions donc avoir deux débats : l’un sur le rôle du Sénat en tant que garant du long terme, l’autre sur le principe d’innovation, qui mériterait en lui-même un débat autonome, pour ne pas donner le sentiment qu’on l’oppose au principe de précaution.

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