Je ne suis pas un scientifique et je suis un bien plus modeste juriste que Jean-Jacques Hyest. Néanmoins, j’ai effectivement appris en première année de droit quel était l’objet de la loi organique, et nous n’y sommes pas du tout lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des principes ou des droits, qu’ils soient sociaux, économiques, civils ou environnementaux d'ailleurs.
Nous ne sommes pas là pour définir le fonctionnement de nos institutions, de nos corps constitués. Nous sommes en plein dans le domaine de la loi. Et je m’étonne quelque peu que Mme la secrétaire d’État parle de la complexité qu’induirait cet amendement, alors que c’est précisément la loi organique, en l’espèce inadaptée, qui ajouterait une complexité !
Je suis, pour ma part, très attaché à la valeur constitutionnelle du principe de précaution. Mme la secrétaire d'État disait que celui-ci peut être en contradiction avec d’autres principes. Certes, mais c’est tout à fait normal ! Tous les principes constitutionnels sont, dans l’absolu, contradictoires les uns avec les autres : on en a un exemple avec la liberté et l’égalité. C’est à la loi et à la jurisprudence constitutionnelle d’établir des compromis entre des principes contradictoires. Pour autant, il serait souhaitable, dans bien des cas, que cela soit réglé par la loi.
J’avais d’abord craint que l’adoption de l’amendement de M. Détraigne n’offre à ceux qui, sans forcément le dire, parfois même dans ma famille politique, sont opposés au principe de précaution le moyen de supprimer l’applicabilité directe de ce dernier. Il faudrait, en effet, attendre une loi, ce qui, finalement, pourrait ôter toute portée à ce principe.
En réalité, ce n’est pas du tout le cas ! Le renvoi à la loi pour la mise en œuvre d’un principe constitutionnel ne supprime nullement l’applicabilité directe de celui-ci, même si cela n’a pas été précisé. L’exemple le plus flagrant a été rappelé par M. le rapporteur : c’est l’exercice du droit de grève. Il s’agit d’un droit à valeur constitutionnelle qui, bien qu’il renvoie à une loi, s’applique malgré tout. Les victimes de risques potentiels doivent bénéficier du droit que leur ouvre le principe de précaution.
Par ailleurs, je rappelle que le principe de précaution est inscrit dans l’ordre juridique européen : il a donc, de toute façon, une valeur supra-légale.
Cet amendement n’est donc pas forcément indispensable, mais, sur un plan pédagogique, il n’est pas inutile. L’objet principal de la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd’hui est de rappeler que le principe de précaution est également un principe d’innovation.
Personnellement, j’estime que la rédaction initiale de la Charte, que j’ai relue avant notre débat de ce soir, est excellente. Pour autant, il ne serait pas forcément inutile que, dans certains domaines, le législateur précise les modalités de mise en œuvre des principes constitutionnels.
Pour conclure, cet amendement n’est pas indispensable, mais il n’est pas non plus inutile. Dès lors, autant le voter !