Ce texte devrait rassembler une majorité de notre assemblée, et je m’en réjouis. Il a simplement pour but – je voudrais rassurer Mme Blandin, mais je crains malheureusement de ne pas y parvenir – d’expliciter que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation. Si cela peut paraître superfétatoire, c’est précisément parce que, au fil du temps, la lecture qu’en ont faite nos concitoyens n’est pas celle qu’a voulue le législateur voilà une dizaine d’années. Le temps a passé ; nous sommes, selon moi, dans notre rôle de législateur en apportant un éclairage sur ce principe, qui est aussi un principe d’inaction.
Je déplore, tout comme Mme la secrétaire d’État – M. Raoul a aussi succinctement évoqué ce problème – que le débat public n’ait pas, en France, le même succès que dans les démocraties d’Europe du nord. Nous avons essayé de le susciter, voilà plus d’une dizaine d’années, avec le député Jean-Yves Le Déaut. La société française est réticente à ce type de débats, que ce soit sur les biotechnologies ou sur les nanotechnologies, et c’est dommage, parce que nous aurions ainsi évité bien des erreurs et des pertes de temps.
Je suis surpris, madame la secrétaire d’État, que vous considériez que, au travers de ce texte, nous envoyions un message négatif aux chercheurs. Je côtoie des chercheurs – sans doute beaucoup moins que vous. Je suis en relation depuis plusieurs années avec l’actuelle secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences, avec laquelle j’ai partagé la première réflexion sur l’évolution négative de la perception du principe de précaution par nos concitoyens, en vue justement de le clarifier et d’en faire aussi un principe d’innovation. Je puis donc vous dire que les chercheurs, les entreprises, les hommes et les femmes qui, au sein des entreprises, font de la recherche et du développement attendent cet éclairage.
Il est vrai, je suis d’accord sur ce point avec le doyen Gélard, que la jurisprudence n’a pas maltraité le principe de précaution. Toutefois, nous devons apporter un éclairage. Si ce débat n’avait que cette seule finalité – j’espère, madame Blandin, qu’il en aura bien d’autres –, il aurait atteint son but. Cette discussion aura en outre permis d’adresser un message au Gouvernement, aux chercheurs, aux chefs d’entreprise, sur ce que pense et veut la représentation nationale.
J’invite donc le Président de la République à considérer cette proposition de loi constitutionnelle, en cohérence tant avec les rapports de M. Gallois et de M. Attali, hier, et de M. Feretti, du Conseil économique, social et environnemental, aujourd'hui, qu’avec les recommandations de Mme Lauvergeon.
Madame la secrétaire d’État, vous dites que le Gouvernement veut développer la recherche et l’innovation. Eh bien, chiche ! Ce texte vous en donne l’occasion. J’ignore quel parcours lui sera réservé au-delà de son adoption par la Haute Assemblée, mais je souhaite vivement qu’il prospère.
Je ne suis pas un constitutionnaliste, encore moins un juriste, mais je sens confusément que nous avons besoin de dire à nos concitoyens et surtout aux chefs d’entreprise, qui sont les véritables créateurs de richesse de notre pays, que nous croyons à une écologie scientifique, dans laquelle les sauts technologiques permettent de conjuguer modernité et respect de l’environnement. C’est tout simplement la quintessence du développement durable ! À cet égard, je me réjouis de la prise de position de M. Raoul, avec lequel nous avons de grandes convergences de vues sur ce sujet comme sur certains autres, au-delà de nos différentes sensibilités politiques.
Pour conclure, je le répète, je souhaite que ce texte puisse prospérer au-delà du vote de notre assemblée, parce que la mondialisation, qui fait partie de notre quotidien, et ce sera encore davantage le cas demain, doit se vivre dans la modernité et dans le respect de l’environnement !