Les actes en question ont été occultés ou dissimulés par la victime elle-même. Longtemps, elle n’a pu s’exprimer. Puis, un beau jour, la vérité a éclaté, la victime a pu parler ! En la matière, comparaison n’est pas raison.
Par ailleurs, je rappelle que les crimes de guerre qui, on le sait, impliquent des viols en série, des assassinats, des meurtres, entre autres, font l’objet d’une prescription de trente ans.
De plus, il faut bien se poser cette question : après tant d’années, quelle pourrait être l’issue d’un procès ? Bien sûr, on pourrait retrouver des preuves. La modernisation des méthodes d’investigation, notamment sur la base de l’ADN, a permis des avancées considérables.
Toutefois, après un tel laps de temps, les auteurs de l’infraction peuvent soit être décédés, soit avoir refait leur vie. Dans ce second cas, voilà qui ajouterait encore un traumatisme à leur famille qui ignore tout.
Enfin, il ne faut pas non plus donner aux victimes le sentiment qu’elles atteindraient le but qu’elles poursuivent après tant d’années. Car le procès pénal n’est pas fait pour les victimes, il n’a pas vocation à réparer le traumatisme qu’elles ont subi. Le procès pénal a d’abord pour objet de réprimer, de sanctionner une infraction.
Si les victimes ne sont pas toujours satisfaites des condamnations, c’est qu’elles attendent autre chose d’un procès : elles veulent que l’auteur de l’infraction leur présente ses excuses dans l’enceinte publique du tribunal, qu’il exprime des regrets. Or cela arrive rarement… La proposition de loi qui nous est soumise doit donc être regardée avec prudence.
Les membres de mon groupe se sont longuement interrogés, à deux reprises, sur ce qu’il y avait lieu de faire. Nous sommes tous d’accord avec le constat établi et l’esprit du texte, mais nous ne pouvons accepter celui-ci en l’état, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, voire d’autres encore. Pour autant, nous ne l’avons pas balayé d’un revers de main, sort qui est parfois réservé à des propositions de loi émanant de l’opposition… Mais il est vrai, madame Dini, que vous siégez au centre de l’hémicycle… §
En cet instant, je veux saluer le travail de Philippe Kaltenbach, qui a conduit de nombreuses auditions et qui nous propose – certains parleront de demi-mesure, d’autres d’un progrès – d’éviter l’écueil de l’inconstitutionnalité en ajoutant dix ans au délai de prescription. On ne pourra donc plus reprocher au texte de permettre aux victimes de porter l’action publique. Ces dernières, qui ont subi ces traumatismes horribles dans leur enfance ou leur jeunesse, auront jusqu’à l’âge de quarante-huit ans pour engager des poursuites. Certes, la révélation peut ne survenir qu’à cinquante ans, mais ce nouveau délai permettra d’englober un certain nombre des cas douloureux que vous avez cités, ma chère collègue, et que vous connaissez. Ces victimes qui n’ont pu faire valoir leur parole, le délai de prescription étant expiré, le pourront désormais grâce à ces dix années supplémentaires…
Les membres du groupe socialiste voteront en faveur des amendements que nous présentera M. Kaltenbach et, s’ils sont adoptés par notre assemblée, voteront également en faveur de cette proposition de loi.