C'est un texte de qualité que le Sénat, première assemblée saisie, avait adopté le 7 novembre 2013. Il consacre un secteur ancien qui a su s'adapter aux évolutions du monde moderne. Après l'affirmation du mouvement coopératif et mutualiste au 19e siècle et l'émergence des associations au 20e siècle, notre époque a vu le développement de formes d'entreprises qui envisagent l'économie comme un projet social et solidaire plutôt que comme une accumulation de capitaux et de bénéfices : structures d'insertion par l'activité économique, finance solidaire, commerce équitable, etc. L'économie sociale et solidaire (ESS), fondée sur des principes de durabilité qui résistent face aux crises, représente plus de 200 000 établissements et 10 % de l'emploi salarié. Ce projet de loi lui apporte une reconnaissance et contribue à l'affirmation et à la préservation de ses principes.
Les députés ont approuvé les principales orientations du texte. Ils ont ainsi adopté l'article premier qui pose le principe d'une définition inclusive de l'ESS, afin d'attirer les entreprises vers les valeurs défendues depuis le 19e siècle par les acteurs historiques. Ils ont renforcé les critères que doivent respecter les entreprises autres que celles qui relèvent des quatre secteurs historiques, les incitant à s'éloigner de la caricature que l'on fait de l'acte d'entreprendre quand on le résume à la production et à la création de richesses. Certains effets non désirables apparaissent dans les modifications effectuées, que je proposerai de corriger par deux amendements.
Ils ont défini un guide des bonnes pratiques des entreprises de l'ESS. Notre commission avait prévu l'adoption d'une déclaration de principes de l'ESS. Nous aurons un débat sur le champ d'application de cet article, qui a fait l'objet de plusieurs amendements. Les députés ont amélioré la prise en compte de l'échelle européenne par le conseil supérieur de l'ESS, auquel ils ont confié la mission d'élaborer tous les trois ans une stratégie nationale de développement du secteur. Ils ont créé une chambre française de l'ESS chargée de représenter l'ensemble des familles du secteur, aussi bien les différentes catégories d'organismes que les structures territoriales. A mon grand regret, ils ont supprimé l'article 5 A que notre commission avait introduit, afin que chaque région définisse une stratégie régionale de l'ESS. Je vous proposerai de le rétablir en ôtant toutefois la référence au schéma régional de développement économique, pour éviter qu'il n'entre en conflit avec le projet de réforme des régions et de leurs compétences.
Les députés ont précisé les conditions d'application de l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale », sans modifier le cadre que nous avions fixé. Ils ont supprimé l'article 9 A par lequel le Sénat avait proposé une transposition partielle de la nouvelle directive « Marchés publics » pour les dispositifs favorisant le recours à certaines entreprises de l'ESS. Ils ont créé de nombreux articles additionnels, parmi lesquels une première reconnaissance et réglementation des monnaies locales complémentaires.
Au titre II, je me réjouis de l'adoption sans modification de l'ensemble des dispositions relatives à la reprise d'une entreprise par les salariés, qu'il s'agisse de l'information des salariés sur les possibilités de reprise (article 10 A), de l'information des salariés préalable à la cession d'un fonds de commerce (article 11) ou en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières (article 12). Ces dispositifs constituaient l'un des points forts du texte et avaient fait l'objet d'un examen approfondi au Sénat. Les députés ont ajouté deux articles 12 bis et 12 ter qui font suite à la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle ou « loi Florange ». L'article 12 bis prévoit que l'administration ne pourra pas homologuer de plan de sauvegarde de l'emploi, si l'entreprise n'a pas respecté son obligation d'information et de recherche d'un repreneur. L'article 12 ter permet à l'autorité administrative - sans passer par le tribunal de commerce, comme le prévoyait la « loi Florange » - de demander le remboursement des aides publiques perçues au cours des deux dernières années, en cas de fermeture d'un établissement. Je vous proposerai d'adopter ces deux articles sans modification. Enfin, les députés ont enrichi les dispositions relatives aux différents secteurs de l'ESS.
Dans le titre III relatif aux coopératives, les députés n'ont pas modifié les équilibres d'ensemble auxquels nous étions parvenus. Ils ont précisé à l'article 13 A que les fonds de développement coopératif auraient pour mission de soutenir des actions de formation, mais pas d'organiser ni de gérer la formation professionnelle qui relève d'autres organismes. Ils ont validé l'ensemble des modifications apportées par le Sénat sur l'article 13, qui modifie le statut des coopératives. Ils ont rétabli la notion d'effort commun dans la définition de la coopérative. Ils ont aussi souhaité soumettre les coopératives à des obligations renforcées en matière de responsabilité sociétale des entreprises. Enfin, ils ont permis la dévolution des réserves d'une coopérative dissoute à toute entreprise de l'ESS, pas seulement aux coopératives.
Les députés ont recentré les missions du réviseur sur le respect des dispositions spécifiques aux coopératives, excluant de son contrôle la gestion des coopératives qui revient aux commissaires aux comptes. Ils ont interdit au réviseur de poursuivre sa mission après la remise du rapport, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. Ils ont peaufiné la procédure de révision, en faisant intervenir les unions et fédérations de coopératives avant que le juge ne soit saisi, lorsque les recommandations du réviseur ne sont pas suivies. Ils ont porté de cinq à sept ans la durée de détention des parts des associés non coopérateurs dans les SCOP, pour permettre un amorçage sur une durée plus longue. Ils ont également sécurisé le statut des dirigeants des SCOP.
Les députés ont permis la conservation des agréments lorsque des entreprises de l'ESS changent de statut juridique pour se transformer en société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Ils ont créé un article 24 bis pour que les coopératives de commerçants puissent reverser à leurs associés une ristourne résultant de la mise en oeuvre d'une politique commerciale commune. Ils ont créé un article 33 ter pour adosser le crédit maritime au réseau des banques populaires. Ils ont ajouté toute une série de rapports au Parlement, sur le développement des coopératives dans les départements et régions d'outre-mer, sur la création d'un statut spécifique aux unions d'entreprises de l'ESS et sur l'accès des jeunes aux responsabilités dans les coopératives maritimes.
Dans le titre IV, consacré aux assurances, mutuelles et institutions de prévoyance, les députés ont étendu, à l'article 34, le mécanisme de coassurance aux contrats collectifs facultatifs.
Ils ont déplacé dans le titre V, relatif au droit des associations, les articles consacrés à la définition de la subvention publique et aux dispositifs locaux d'accompagnement. Je proposerai un amendement technique à ce sujet, car ces dispositifs ne visent pas uniquement les associations.
Les députés, particulièrement le rapporteur Yves Blein, ont enrichi de manière importante ce titre V. Ils ont accordé au Gouvernement une habilitation à prendre des ordonnances pour simplifier les démarches des associations et des fondations auprès des administrations et ils ont inscrit dans la loi le Haut Conseil à la vie associative. Afin de favoriser et de valoriser l'engagement auprès des associations, ils ont réformé le volontariat de service civique et facilité l'obtention de la validation des acquis de l'expérience pour les bénévoles membres du bureau d'une association. Ils ont aussi modifié et étendu le domaine des organismes qui peuvent bénéficier d'une exemption du versement transport. Quelques ajustements restent nécessaires sur ces dispositifs. Enfin, les députés ont facilité les démarches d'adhésion à une association pour les mineurs qui pourront y réaliser des tâches administratives. Ils ont aussi prévu la possibilité pour les organismes paritaires collecteurs agréés de créer des fonds de formation des dirigeants bénévoles.
L'une des évolutions majeures apportée par les députés concerne, au titre VII, les articles 49 et suivants, relatifs aux éco-organismes. Alors que le texte adopté par le Sénat favorisait le recours, par ces éco-organismes, à des entreprises de l'ESS, les députés ont adopté plusieurs amendements qui engagent une réforme des éco-organismes. Conformément aux orientations prises lors de la dernière conférence environnementale, le contrôle des éco-organismes sera renforcé ainsi que la place des parties prenantes et de l'État, en particulier dans la mise en oeuvre de leur politique de communication. Enfin, à l'article 50, les députés ont prévu que tout consommateur pourrait obtenir de la part du producteur ou importateur des informations sur le respect des droits humains dans le processus de production.
Les députés ont adopté de manière conforme 18 articles, qui ne sont plus soumis à l'examen des deux assemblées en deuxième lecture. Ils ont créé 39 articles additionnels et supprimé six articles, dont quatre ont en fait été déplacés. Le texte examiné par le Sénat en deuxième lecture comporte donc 89 articles, contre 68 en première lecture. Les amendements que je vous présenterai abordent peu de questions nouvelles. Des améliorations rédactionnelles sont rendues nécessaires par le grand nombre d'amendements adoptés en séance publique à l'Assemblée nationale. D'autres propositions viseront à améliorer et, parfois, à corriger la rédaction du Sénat sur certaines dispositions. J'ai bon espoir que l'engagement de nos deux assemblées en faveur de l'ESS nous permette de parvenir à un texte commun en deuxième lecture, ou, le cas échéant, en commission mixte paritaire.