Intervention de Jean-Jacques Filleul

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 27 mai 2014 : 1ère réunion
Déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul, rapporteur :

La voiture électrique n'est plus aujourd'hui le « véhicule du futur » mais celui du présent. La filière industrielle se structure rapidement : la France est en position de leader européen. La voiture électrique n'est plus un mythe, mais une réalité, elle s'adapte à nos usages et modifie nos comportements. C'est un véritable changement de société, que nous devons accompagner.

Avec environ 25 000 voitures électriques en circulation aujourd'hui en France, il s'agit certes d'un marché encore marginal, puisqu'il représente 0,5 % du parc total d'automobiles. Mais les ventes ont fait un bond de 50 % entre 2012 et 2013. Le développement de cette filière crée des emplois industriels, des métiers nouveaux, stimule la recherche française, promeut le respect de l'environnement et garantit une moindre dépendance aux énergies fossiles. Nous sommes là au coeur de la transition énergétique.

Le président de la République l'a rappelé lors de l'ouverture de la Conférence environnementale pour la transition écologique le 20 septembre 2013 : « La transition énergétique n'est pas un choix de circonstances, ce n'est pas un compromis, ce n'est pas une négociation. La transition énergétique, c'est une décision stratégique ». Nous avons les atouts pour ne pas manquer ce rendez-vous industriel et environnemental : nos entreprises sont d'envergure mondiale dans les domaines de l'automobile, de l'électricité, de la chimie.

Pourtant, si la filière industrielle se structure, les ventes de véhicules électriques démarrent lentement. Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) est alarmant, nous devons réduire plus rapidement les émissions de gaz à effet de serre. Cela concerne évidemment en premier lieu le secteur des transports, responsable de la plus grosse part des polluants dans l'atmosphère.

Il existe encore des freins au développement du véhicule électrique. Le prix tout d'abord, largement dû au coût élevé des batteries, mais qui baissera bientôt avec l'augmentation des volumes et les avancées de la recherche. Le coût mensuel total, location de batterie comprise, est à peu près de 150 euros. La voiture électrique est finalement plus économique pour qui effectue un grand nombre de kilomètres sur l'année, car le coût d'une recharge complète de batterie est d'environ deux euros. À ce propos, la communication est à améliorer, sur le coût comparé du véhicule électrique mais aussi sur les dix-sept modèles existants. Les concessionnaires ne sont pas très diserts sur les voitures électriques - sur lesquels leur commission est faible. Renault s'est engagé à régler le problème.

Le frein le plus sérieux reste l'absence d'un réseau d'infrastructures de charge suffisant et équilibré. Sans elles, le véhicule électrique restera cantonné à un rôle d'appoint. D'autant qu'il s'agit seulement des 10 % de recharges effectuées hors habitation ou lieu de travail. L'autonomie des batteries est de 120 kilomètres en moyenne, mais cette limite matérielle s'aggrave de l'inquiétude qu'inspire aux usagers le faible nombre des bornes sur la voie publique. Ce facteur psychologique doit être levé de toute urgence. L'installation d'un réseau de bornes structuré sur l'ensemble du territoire se traduira par un maillage « intelligent », ne laissant aucune région en marge et correctement réparti entre bornes de charge normale (recharge en huit heures), bornes de charge accélérée (en une heure) et bornes de charge rapide (30 minutes).

Le président de la République, lors de la Conférence environnementale, a fixé un objectif clair : que le pays soit partout équipé d'ici 2015. C'est à cette fin que le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge sur l'espace public. Ce texte s'inscrit dans le droit fil des initiatives de la précédente majorité, notamment des préconisations du « Livre vert » de notre collègue Louis Nègre. Le calendrier du projet de loi relatif à la transition énergétique n'étant pas stabilisé, une proposition de loi courte et ciblée semble le meilleur choix pour avancer sur un point très concret et accélérer le maillage de notre territoire en bornes de recharge.

L'article unique prévoit un dispositif simple mais essentiel : il autorise l'État à implanter, soit directement soit via des opérateurs « à maille nationale » (qui peuvent être privés), des bornes de recharge sur le domaine public des collectivités territoriales, sans avoir à payer de redevance. L'objectif est de doubler le nombre de points de recharge d'ici à la fin 2014, en le portant à 16 000. Aujourd'hui, ce sont surtout les collectivités territoriales qui installent des bornes, avec une aide de l'Ademe (à hauteur de 30 ou 50 % selon le type de borne) sur une enveloppe dédiée de 50 millions d'euros dans le cadre des investissements d'avenir. Malgré cette impulsion, seuls 3 760 points de charge ont été installés dans le cadre de ces projets locaux, 1 497 sont en cours d'instruction. On compte aussi environ 5 000 points de charge Autolib à Paris. Des bornes sont également installées grâce à des partenariats privés : Renault et Leclerc en ont installé 800 sur les parkings de supermarchés.

Ce développement n'est pas suffisant. Il doit être complété par des initiatives intelligentes de l'État ou de nouveaux opérateurs afin de déployer un réseau à maille nationale et sans zones blanches. Pour bénéficier de la dérogation au code général de la propriété des personnes publiques et être exonérés de la redevance, ces opérateurs devront s'être concertés avec les collectivités territoriales et les autres intervenants (comme ERDF), et inscrire leur plan de déploiement dans un « projet à dimension nationale ». Les projets seront soumis à l'approbation des ministres en charge de l'industrie et de l'écologie. Pour éviter toute insécurité juridique, je vous soumettrai un amendement réécrivant l'alinéa 2 : la dimension nationale d'un projet sera constituée dès lors qu'il concerne au moins deux régions et garantit une répartition équilibrée des bornes sur l'ensemble du territoire. Ces bornes pourront également être implantées sur le domaine public de l'État, comme les autoroutes, qui ont besoin de points de charge rapide. Afin de ne pas introduire de rupture d'égalité, je proposerai une extension de l'exonération de redevance à tous les opérateurs, publics ou privés.

La notion d'implantation devrait être remplacée par celle, plus précise, de « création, entretien et exploitation », correspondant aux différentes tâches qui incomberont aux opérateurs. Il vaudra mieux parler de « réseau d'infrastructures » plutôt que « d'infrastructures » pour insister sur l'importance d'un maillage équilibré. Je propose encore d'inclure le domaine public des « groupements » de collectivités territoriales comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; enfin de supprimer la mention, introduite à l'Assemblée nationale, des « réseaux de gaz » dans la concertation obligatoire, puisque ceux-ci n'ont aucun lien avec le sujet.

Cette proposition de loi est parfaitement dans l'esprit de la directive européenne relative aux carburants de substitution qui devrait être adoptée très prochainement et qui prévoit que les États membres se fixent, par des plans nationaux, des objectifs en matière de déploiement de points de charge. La complémentarité avec les collectivités, enfin, est le maître mot de ce texte, qui n'introduit aucune concurrence entre les projets mais une coopération intelligente et rationnelle.

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