Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 4 juin 2014 à 14h30
Économie sociale et solidaire — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

… dont l’utilité et la portée normative étaient pour le moins douteuses.

Cependant, je regrette, compte tenu des nombreuses modifications adoptées à l’Assemblée nationale, dont certaines sont substantielles, que le délai entre l’adoption du texte par l’Assemblée nationale et son examen en séance publique au Sénat ait été aussi court, même si nous en prenons l’habitude, car cela ne permet pas d’examiner et d’amender les textes en toute sérénité. Je referme ici cette parenthèse tant il est vrai que, malgré les ajouts de l’Assemblée nationale, les axes majeurs du texte ont été confortés, parfois enrichis. Je me réjouis donc, avec tout mon groupe, des principales avancées permises par ce projet de loi.

Tout d’abord, le titre Ier donne pour la première fois une définition législative de l’économie sociale et solidaire. Bien sûr, la très forte attente des acteurs de ce secteur, que nous rencontrons souvent, quant à l’élaboration d’une telle définition a pour corollaire des débats parfois passionnés sur celle-ci pour trouver les mots les plus justes. Je pense que, à ce stade, nous avons atteint un résultat satisfaisant et équilibré, comme en témoigne le peu d’amendements déposés sur l’article 1er, même si certains détails peuvent être encore améliorés.

Le titre II, dont les articles 11 et 12 ont été longuement débattus ici, puis à l’Assemblée nationale – je me réjouis que le vote ait été conforme à l’Assemblée nationale sur ce point –, constitue l’un des piliers majeurs du texte. Je dois dire d’ailleurs que les arguments des détracteurs de ces articles me surprennent, car je pense que personne ne peut sérieusement contester ni le constat qui a conduit à les introduire dans ce projet de loi ni l’objectif qui est poursuivi.

Chaque année, nous le savons tous, plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont détruits du fait de la fermeture d’entreprises pourtant viables économiquement. Ce qui est proposé dans les articles 11 et 12, ce n’est rien d’autre que d’informer les salariés lorsque le dirigeant décide de céder l’entreprise. Nous avons eu un débat sur ce sujet avec M. le ministre, lequel a, je le pense, contribué à faire avancer le texte et a certainement permis plus facilement son adoption.

Qui peut contester le fait que les salariés aient le droit d’être informés lorsque leur entreprise va être cédée ou, si aucun repreneur n’est trouvé, risque de fermer ? Ils sont les premiers concernés. Les informer paraît la moindre des choses. L’objectif de ces articles est de permettre aux salariés de disposer du temps nécessaire pour présenter une offre de reprise plutôt que d’être mis devant le fait accompli de la cession ou de la fermeture, comme c’est souvent le cas.

Le texte initial pouvait poser quelques difficultés en termes de sécurité juridique, mais ces difficultés ont, me semble-t-il, été levées grâce à une série d’amendements adoptés en première lecture par la Haute Assemblée, dont certains ont été défendus par notre groupe.

Je me réjouis donc que ces articles figurent parmi ceux qui ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale dès la première lecture, tant leur utilité, et même leur nécessité, semble s’imposer.

Au sein du titre II relatif aux cessions d’entreprises, l’Assemblée nationale a adopté deux nouveaux articles visant très clairement à tirer les conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel de certaines dispositions de la loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange ».

Ainsi, l’article 12 bis conditionne l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi au respect de l’obligation d’information et de recherche d’un repreneur par le dirigeant de l’entreprise.

L’article 12 ter permet quant à lui de demander le remboursement des aides publiques versées à une entreprise dans les deux années qui précèdent sa fermeture.

Ces deux articles nouveaux sont assez complémentaires des articles 11 et 12, même s’ils ont davantage une logique dissuasive, tandis que les premiers sont plus incitatifs, ce que nous souhaitions.

Quoi qu’il en soit, le seul et unique objectif reste le maintien des emplois. Pour nous, c’est cela qui est prioritaire. Ces mesures devront nécessairement être assorties, comme je l’ai déjà souligné en première lecture, d’un développement de la formation et de l’accompagnement des salariés afin que ceux-ci soient effectivement en mesure de reprendre leurs entreprises. Nous espérons donc que ces mesures passeront cette fois le cap du Conseil constitutionnel et permettront la sauvegarde de nombreux emplois.

Ce texte comprend ensuite de très importantes mesures relatives aux différentes familles historiques de l’économie sociale et solidaire que sont les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations. Ces mesures visent à favoriser le travail et le développement de ces acteurs, qui sont les moteurs de l’économie sociale et solidaire. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, la réforme du titre associatif, prévue par l’article 40, et la création d’un titre « fondatif », prévue par l’article 47, sont des avancées notables selon nous, car elles permettront de dynamiser le financement et le développement des associations et des fondations.

Dans l’ensemble, à l’exception de quelques ajustements, nous pensons que ces différentes mesures sont attendues, et pour certaines plébiscitées, par les acteurs concernés. Nous souhaiterions toutefois, madame la secrétaire d’État, et nous présenterons un amendement en ce sens, que l’article 14 bis, dont l’objectif est de permettre la création d’unions d’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire des groupements d’entreprises de l’économie sociale et solidaire pouvant avoir des natures juridiques différentes, soit rétabli. Nous aurons l’occasion d’avoir un échange certainement constructif sur ce sujet.

Cette proposition faite par le groupe RDSE en première lecture a été reprise au Palais-Bourbon par nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, le groupe RRDP, avec le soutien du rapporteur de l’Assemblée nationale. Nous avons eu connaissance des réticences du Gouvernement. Cet article a été transformé en une demande de rapport.

Nous savons tous ce que sont les demandes de rapport. Pour cette raison, l’article a été supprimé par la commission des affaires économiques du Sénat. Nous souhaiterions que le Gouvernement entende les appels des acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui sont nombreux à demander un tel outil, et s’exprime en faveur du rétablissement de l’article.

Malgré ces quelques insatisfactions sur certaines dispositions nouvelles, que nous tenterons de corriger par nos amendements, je confirme que nous avons de nombreuses raisons d’être satisfaits des principales dispositions du projet de loi. Nous espérons qu’il sera porteur d’une réelle dynamique de développement de l’économie sociale et solidaire dans tous les territoires, et qu’il permettra la création d’emplois durables au service d’une société plus solidaire. C’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, madame la secrétaire d'État, l’ensemble des membres du RDSE soutiendra une nouvelle fois ce projet de loi.

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