Intervention de Joël Labbé

Réunion du 4 juin 2014 à 14h30
Économie sociale et solidaire — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Je tiens tout d'abord, au nom du groupe écologiste, à vous souhaiter la bienvenue, madame la secrétaire d'État, et à vous adresser nos félicitations pour votre nomination. Nous avons également une pensée pour Valérie Fourneyron, à laquelle nous souhaitons un prompt rétablissement.

Monsieur le rapporteur, cher Marc Daunis, vous avez porté ce texte. Nous avons bien travaillé ensemble, notamment en première lecture. Nous nous sommes moins vus pour la deuxième lecture, tant nous avions réussi la première.

Nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Je vous ai entendue, madame la secrétaire d'État : il s’agit d’une loi d’affirmation, pour une économie résistante, une économie non pas de réparation mais de construction et d’innovation. En cette période de crise économique, sociale et écologique, à cette heure où il devient urgent de répondre au besoin de solidarité exprimé par nos concitoyens, l’économie sociale et solidaire démontre qu’il est possible de faire autrement et d’être viable sur le plan économique tout en respectant l’humain, l’environnement et la dynamique des territoires.

L’économie sociale et solidaire permet de refonder une juste mesure de l’efficacité, de l’efficience et de la richesse. Elle démontre qu’on peut lutter efficacement contre le fléau du chômage, que les structures d’économie traditionnelle ne semblent pas parvenir à endiguer. L’économie sociale et solidaire représente plus de 2, 3 millions de salariés et 10 % de l’emploi en France. Ce secteur a été relativement peu affecté par la crise massive qui frappe notre pays depuis presque huit ans. Sa croissance ne s’est jamais arrêtée ; il a créé des emplois au rythme de 2 % en 2011, quand les emplois du privé reculaient de 0, 7 %.

La grande diversité des acteurs de l’économie sociale et solidaire en fait toute la richesse, mais elle nécessitait un cadre légal et un statut. Le présent projet de loi y pourvoit, et nous nous en réjouissons. Les écologistes, impliqués depuis la première heure dans l’économie sociale et solidaire et très mobilisés sur le terrain depuis trente ans, sont particulièrement satisfaits de la qualité du projet de loi. Avec ce texte, l’économie sociale et solidaire prend une place stratégique au cœur des politiques publiques. Face à la concurrence sans limite, la coopération territoriale doit s’affirmer comme un mode de réappropriation de l’économie réelle, comme un nouveau mode de régulation, puissant et pertinent.

Plusieurs avancées majeures issues des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale vont dans ce sens ; nous nous en réjouissons. J’en citerai quelques-unes qui nous semblent fondamentales : les territoires sont mis en avant, avec notamment la création des pôles territoriaux de coopération économique, la création d’un volet « économie sociale et solidaire » dans les contrats de développement territorial du Grand Paris et la participation accrue des collectivités locales dans le capital des sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC ; les appels à initiatives des collectivités envers les acteurs de l’économie sociale et solidaire pour répondre aux besoins identifiés sur les territoires sont désormais reconnus ; enfin, dans la continuité de la mission lancée par Cécile Duflot et Benoît Hamon au nom du Gouvernement, les titres de monnaies locales complémentaires ont maintenant une définition.

Mes chers collègues, l’économie sociale et solidaire réinterroge profondément notre modèle de développement. Contre les schémas classiques, elle questionne la nature et l’objet du développement économique. Elle pose la question de la profitabilité et de la répartition des fruits de l’activité. C’est un précieux levier pour repenser les rapports entre l’économie et la société et participer à la transition écologique.

Plusieurs améliorations souhaitées par les écologistes n’ont pu être intégrées dans le projet de loi, mais ont été renvoyées à d’autres textes. Nous suivrons attentivement les débats relatifs à ces textes ; je pense par exemple au projet de loi sur la transition énergétique, pour le financement participatif des énergies renouvelables, et à la réforme territoriale, pour les stratégies régionales à mettre en place.

Si le présent projet de loi est satisfaisant, nous pourrions bien sûr aller encore plus loin. C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé cinq – seulement cinq – amendements. Je ne me fais pas trop d’illusion sur leur sort, mais ils permettront le débat. Le premier vise à compléter la définition de l’innovation sociale en indiquant explicitement que les processus de production à faible impact ou à impact positif sur l’environnement et qui répondent à des besoins sociaux font partie intégrante de l’innovation sociale. Le deuxième est un amendement de vigilance sur les moyens alloués aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, dont les missions sont élargies par le projet de loi.

Les trois derniers amendements concernent les coopératives ; ils tendent à mieux prendre en compte leur fonctionnement particulier. Dans le cas des coopératives bancaires, notamment, l’organe central est chargé de s’assurer en particulier du bon fonctionnement des établissements bancaires affiliés. Il exerce sur eux un contrôle administratif, technique et financier en matière tant d’organisation que de gestion. Ses missions sont donc bien différentes de celles des instances nationales, ou fédérations, qui sont chargées de veiller au respect des principes de fonctionnement propres au monde coopératif.

Dans cette période de chômage massif, il était temps que les pouvoirs publics sortent l’économie sociale et solidaire d’un statut expérimental et investissent dans la recherche et développement pour que l’économie sociale et solidaire change d’échelle et soit à la hauteur du défi. C’est un secteur qui créera un nombre considérable d’emplois dans le futur ; les chiffres ont été rappelés. C’est un secteur d’avenir qui influence concrètement l’ensemble de notre économie.

L’économie sociale et solidaire peut nous aider à relocaliser l’économie et lui permettre de se relever de ses difficultés dans de nombreux secteurs. En mobilisant citoyens, épargnants, consommateurs et réseaux d’accompagnement dans l’entreprise, l’économie sociale et solidaire développe la vigilance démocratique et le lien social. Ce dernier point est particulièrement fondamental pour lutter contre les divisions au sein de notre société et la montée de l’extrémisme. L’économie sociale et solidaire est un atout précieux pour notre pays, et nous voulons le plébisciter. Le texte dont nous discutons aujourd’hui doit garder toute sa force. C’est avec enthousiasme que les membres du groupe écologiste le voteront.

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