Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 4 juin 2014 à 14h30
Économie sociale et solidaire — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est avec un sentiment partagé que j’aborde aujourd’hui cette deuxième lecture du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire : d’une part, je suis enthousiaste à l’idée de légiférer pour promouvoir et encadrer au mieux ces activités essentielles pour notre tissu économique, mais, d’autre part, je suis inquiet de certaines mesures qui me paraissent cloisonner et surcharger le secteur avec de nouvelles normes.

Notre groupe a toujours porté les politiques favorisant l’ESS. Notre collègue député centriste Francis Vercamer avait d’ailleurs posé un premier jalon important dans la réflexion sur ce sujet avec son rapport remis au Premier ministre en 2010. Nous partageons totalement l’état des lieux qu’il avait dressé, ainsi que les orientations qu’il avait proposées.

Aussi, nous ne pouvons qu’être favorables à la progression de l’ESS, en l’insérant au sein des politiques publiques et en lui permettant de gagner une meilleure visibilité.

Forte de ses principes, de ses valeurs, ainsi que du poids économique et social qu’elle représente, l’ESS se révèle très porteuse. En effet, elle permet d’abord de redonner du sens dans les relations de travail entre les individus et de la vie à nos territoires, notamment les plus ruraux, grâce à la création d’emplois non délocalisables.

Ensuite, elle crée une dynamique qui inspire de plus en plus les jeunes acteurs de l’économie, au travers de nombreuses innovations et de modèles de financement nouveaux.

Enfin, elle répond à des besoins sociaux dans des secteurs en croissance tels que l’économie circulaire, le recyclage, le remploi des matériaux, la transition énergétique, les services aux personnes âgées, handicapées, ou encore la petite enfance.

Certaines dispositions du texte vont dans ce sens et accompagnent une dynamique intéressante. Je pense, par exemple, à la création d’un statut de SCOP d’amorçage permettant aux salariés d’être minoritaires dans le capital pendant au maximum sept ans, le temps de réunir progressivement les fonds pour être majoritaires.

Si le groupe UDI-UC salue l’esprit de ce projet de loi, nous restons pourtant préoccupés par plusieurs mesures du texte.

C’est notamment le cas avec les dispositions sur l’information des salariés en cas de transmission d’entreprise de moins de 250 salariés. Cette mesure part d’une bonne intention, mais elle reste problématique et suscite notre inquiétude. Hélas, nous ne pourrons pas revenir sur le débat, puisque les articles 11 et 12 du texte ont été votés conformes par nos collègues députés. Néanmoins, je tiens à rappeler que, sur le terrain, la transmission d’une entreprise est une opération délicate dans laquelle la confidentialité est un facteur clé du succès.

Dans certains cas, informer les salariés en amont que le dirigeant quitte la tête de sa structure provoque une déstabilisation interne et fragilise les relations avec les partenaires commerciaux et financiers, ainsi qu’avec les concurrents.

Encore une fois, il me semble qu’en voulant trop bien faire nous risquons de provoquer l’inverse de l’effet escompté.

Je ne peux m’empêcher de penser que le chef d’une entreprise de moins de 250 salariés qui souhaite transmettre son entreprise se donnera la possibilité et les moyens d’encourager la reprise par les salariés, si celle-ci est envisageable. L’information circulera donc ! En revanche, dans des situations plus délicates, le dirigeant doit avoir le choix de protéger la bonne marche de son entreprise.

Une autre mesure nous préoccupe : les députés ont ajouté deux articles 12 bis et 12 ter visant à réintégrer une version allégée de la proposition de loi dite « Florange » sur la reprise des sites rentables. Cette loi, rappelons-le, a été partiellement censurée en mars dernier par le Conseil constitutionnel au motif d’atteintes au droit de propriété et à la liberté d’entreprise.

Là encore, le territoire français est incertain juridiquement pour l’installation d’entreprises. Comment cette mesure s’articulera-t-elle avec le pacte de responsabilité que vous tardez à nous présenter ? Nous regrettons, madame la secrétaire d’État, que ces mesures si peu consensuelles aient été insérées tout à coup dans le texte lors de son passage à l’Assemblée nationale.

Enfin, comme l’a très bien souligné ma collègue Valérie Létard en commission, il conviendrait d’améliorer l’organisation du milieu associatif et le soutien dont il bénéficie. Force est de constater que le texte n’est pas très ambitieux sur ce point.

L’un des enjeux majeurs de l’ESS est notamment de trouver de nouvelles modalités de financement dans un contexte économique difficile. Le besoin de stabilité financière dont font état les associations nous préoccupe particulièrement. La situation est d’autant plus inquiétante que leurs partenaires naturels, à savoir les collectivités territoriales, connaissent de fortes restrictions budgétaires.

Nous devons anticiper et penser à la mutualisation des partenaires associatifs si nous ne voulons pas voir disparaître des pans entiers d’associations déjà fragiles actuellement.

Bien que en première lecture aucun de ses amendements de séance n’ait été adopté, le groupe UDI-UC aborde ce nouvel examen dans un esprit constructif, avec la volonté d’améliorer le texte en faisant évoluer quelques mesures.

La loi doit avant tout permettre de remédier à des rigidités ou à des insuffisances statutaires. C’est pourquoi j’ai redéposé des amendements concernant les coopératives afin que leur cadre actuel puisse rester souple tout en s’adaptant aux évolutions de leur mode d’activité.

Je propose également une mesure visant à permettre aux CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, de répondre aux demandes de travaux agricoles ou d’aménagement des EPCI dont au moins un tiers des communes ne dépassent pas 3 500 habitants, l’article 31 du texte réservant cette possibilité aux EPCI dont toutes les communes ont moins de 3 500 habitants, ce qui me semble trop restrictif.

Cet article pourrait même devenir absurde et inapplicable si les propos du Président de la République relatifs aux groupements de communes étaient confirmés dans la réforme territoriale annoncée, avec des EPCI comptant au moins 20 000 habitants. Dans ces conditions, les CUMA n’auront aucun accès aux travaux que nécessitent pourtant les territoires ruraux. Mon amendement me semble donc encore plus justifié aujourd’hui, même s’il peut être aménagé.

Par ailleurs, ma collègue Valérie Létard a également déposé des amendements visant à élargir quelque peu le secteur de l’ESS, notamment à certaines structures du secteur social et du médico-social.

Enfin, nous avons déposé un amendement tendant à clarifier le champ des entités exonérées du versement transport. En effet, à titre d’exemple, les centres de lutte contre le cancer ne sont pas concernés par cette exemption.

Pour conclure, madame la secrétaire d’État, nous espérons toute votre attention sur les propositions que nous pourrons vous faire et qui n’ont pas été entendues en première lecture. Bien que le groupe UDI-UC soutienne une véritable reconnaissance de l’ESS, nous conditionnons cependant notre vote final à votre écoute et à vos éclaircissements au cours du débat. §

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