Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les conséquences de la crise de 2008 n’ont pas fini d’imprimer leurs marques sur notre pays, comme sur le reste du monde. Les soubassements d’une économie excessivement financiarisée et déconnectée de l’économie réelle se sont fissurés et parfois même effondrés.
Partout en Europe, les gouvernements se sont pliés à la nécessité de mettre en place, parfois dans l’urgence, des réponses hâtives, qu’il a souvent fallu corriger par d’autres politiques. Ces dernières commencent dans certains cas à porter leurs fruits, mais la situation reste fragile et les éléments de fracture sociale sont bien présents. Toutefois, nous en sommes arrivés au moment décisif d’une forme de reconstruction.
Dans ce contexte, le présent projet de loi prend acte de la réelle nécessité de promouvoir aujourd’hui une économie plus humaine. C’est une étape essentielle, et je tiens à saluer l’important travail du rapporteur Marc Daunis qui, avec la minutie que nous lui connaissons, aura permis de renforcer les dispositions de ce texte afin de leur conférer une efficacité encore plus grande.
L’économie sociale et solidaire est animée d’une belle ambition, défendant une approche différente des rapports de forces sociaux traditionnels. Elle est issue du mouvement coopératif et mutualiste du XIXe siècle, combiné à l’émergence des associations au XXe siècle. Notre époque a donc vu le développement de formes d’entreprises qui envisagent l’économie non pas seulement comme une accumulation de capitaux et de bénéfices, mais comme un projet social et solidaire. Elles regroupent les structures d’insertion par l’activité économique, la finance solidaire ou encore le commerce équitable.
L’économie sociale et solidaire fondée sur des principes de durabilité, qui résistent face aux crises, représente aujourd’hui plus de 200 000 établissements et 8 % de l’emploi salarié. Ce projet de loi va lui permettre d’acquérir une reconnaissance et de préserver ses principes.
Je voudrais revenir sur les principaux apports du texte, avant de m’attarder sur un point qui me tient à cœur, la transmission d’entreprises et l’utilité des SCOP.
Tout d’abord, ce texte reconnaît et définit le secteur de l’économie sociale et solidaire en élargissant son périmètre aux entrepreneurs sociaux. Cette reconnaissance va permettre d’améliorer la structuration du secteur, afin d’accélérer son développement et de créer, par voie de conséquence, des emplois. Cette évolution interviendra au niveau national, grâce au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, et au niveau local, grâce aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et à l’appui des collectivités territoriales. La reconnaissance des pôles territoriaux de coopération économique constitue également l’un des moyens de renforcer l’ancrage territorial de l’économie sociale et solidaire.
Ce texte améliore également l’accès du secteur de l’économie sociale et solidaire aux sources de financement. Tout d’abord, BpiFrance est spécialement mobilisée et dotée à cette fin d’une capacité d’engagement de 500 millions d’euros. Un fonds de financement de l’innovation sociale est créé, d’un montant de 40 millions d’euros, cofinancé par l’État et les régions ; il distribuera des avances remboursables à concurrence de 500 000 euros. Par ailleurs, un fonds de soutien est destiné à renforcer les fonds propres des PME de l’économie sociale et solidaire, avec une capacité d’une centaine de millions d’euros. Enfin, une définition de la subvention publique permet de sécuriser les financements des associations.
Je souhaiterais également citer quelques mesures qui sont, à mon sens, particulièrement représentatives de l’importance de ce projet de loi : la création de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, qui aura pour vocation d’être « la représentation nationale de l’économie sociale », garante de ses intérêts auprès des pouvoirs publics ; la simplification de la vie des associations, grâce à l’habilitation du Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures visant à simplifier le cadre administratif dans lequel évoluent les associations et les fondations ; la création de fonds territoriaux de développement associatif et la possibilité pour les associations reconnues d’utilité publique d’organiser, à l’échelle locale, le financement participatif de projets de création d’entreprises.
Enfin, je veux insister sur un aspect particulièrement important : la transmission d’entreprises. Les dispositions spécifiques sur ce sujet ont pour but de lutter contre l’hémorragie d’emplois occasionnée par le fait que, chaque année, des milliers d’entreprises viables et solides par ailleurs ne trouvent pas de repreneur. La conséquence en est la perte de 50 000 emplois par an, et la fragilisation, voire parfois la dévitalisation, de bassins de vie entiers de nos territoires.
Ainsi, le texte facilite la transmission des TPE et PME à leurs salariés, avec l’obligation préalable d’information, deux mois avant tout projet de cession. Cela permettra, dans de bonnes conditions, une offre éventuelle de rachat par les salariés. Un important travail coopératif entre le Gouvernement et le Sénat a été réalisé en première lecture afin d’assurer la plus grande sécurité juridique, et je pense que nous sommes arrivés au meilleur équilibre possible. Ce dispositif bénéficiera aussi bien aux chefs d’entreprise qu’aux salariés. Une obligation de discrétion est ainsi définie, et le chef d’entreprise conservera la liberté de choix de son ou ses successeurs.
C’est en particulier grâce aux SCOP que ces reprises seront possibles. En 2013, sur plus de 200 SCOP créées, 10 % l’ont été pour des reprises d’entreprises saines. C’est cette part que la présente loi va permettre de faire croître encore un peu plus.
Le texte offre aussi aux salariés des SCOP la possibilité de reprendre l’entreprise sans être immédiatement majoritaires au capital. Par ailleurs, le futur dispositif « SCOP d’amorçage » s’étale sur sept ans, ce qui est un moyen de lever certains freins financiers.
Dans un contexte dont nous connaissons tous l’âpre difficulté, nous avons donc, au travers de ce projet de loi, les moyens de mettre en place un outil encore inédit dans notre pays. Il devrait nous permettre de conforter les emplois et les activités de centaines de petites et moyennes entreprises et de très petites entreprises en mal de successeur. Ce modèle d’entreprise résiste, en effet, mieux à la crise que d’autres. Comme Marie-Noëlle Lienemann l’a souligné tout à l’heure, 82 % des SCOP sont encore en vie au bout de trois ans, contre 66 % des entreprises classiques.
L’économie sociale et solidaire est donc un moyen efficace pour sécuriser les emplois, notamment des emplois qui ne sont pas délocalisables – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé dans son intervention – et qui, à ce titre, renforcent les territoires et le tissu socio-économique du pays tout entier. Le volontarisme est bien présent dans cette loi et c’est de ce type d’initiative dont notre pays a besoin pour l’aider véritablement à sortir de la crise ! §