Lors de l’examen de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, nous avions dénoncé le manque d’ambition du texte, notamment au regard de la proposition de loi que le groupe CRC avait défendue ici même et qui tendait, par une mesure simple et efficace, à interdire les licenciements boursiers dès lors que l’entreprise ou le groupe concerné a distribué des dividendes l’année précédente. Il n’avait manqué que quelques voix pour que cette proposition de loi, votée aussi par les groupes socialiste et écologiste, soit adoptée par le Sénat.
Nous avions donc dénoncé le manque d’ambition de la loi dite « Florange » au regard des annonces initiales. Il s’agissait en effet, à l’origine, d’obliger les propriétaires de sites rentables à accepter toute offre de reprise sérieuse.
Les conditions posées dans le texte qui a finalement été adopté sont tellement restrictives que cette loi ne s’appliquera en réalité qu’à une dizaine de cas par an d’entreprises de plus de 1 000 salariés.
Depuis le vote de cette loi, le Conseil constitutionnel en a encore réduit la portée, jugeant notamment les sanctions prévues disproportionnées par rapport à la gravité des manquements constatés.
Pourtant, ce sujet est toujours d’actualité. Dans mon département, les salariés de deux entreprises, Stora Enso, à Corbehem, et Arjowiggins, à Wizernes, doutent fortement de la volonté des actionnaires de chercher sérieusement un repreneur.
Dans le cas de Stora Enso, dont le site doit fermer le 15 juin prochain, des clauses restrictives de revente auraient été imposées par les actionnaires du groupe, qui emploie encore 365 salariés dans le Pas-de-Calais. Tout fait craindre le démontage, puis la délocalisation, de la machine ultramoderne de fabrication de papier, propriété de l’entreprise. On n’entend plus guère parler, d’ailleurs, des trois repreneurs potentiels annoncés à grand renfort de publicité par M. Montebourg.
Le cas de figure est le même pour l’usine Arjowiggins de Wizernes, que j’ai visitée voilà quelques semaines : il s’agit d’un site propre, performant, dont les carnets de commandes sont remplis, mais son arrêt de mort a été prononcé pour le mois de juin 2015 par l’actionnaire du groupe Sequana. Cette sentence deviendra effective en cas d’absence de repreneur. On parle de clauses de non-concurrence qui viennent compliquer les projets de reprise. Sont concernés 320 salariés sur ce site, mais aussi 180 dans un autre établissement de l’Isère.
Sous la contrainte de cette décision très discutable du Conseil constitutionnel relative à la loi Florange, les articles 12 bis et 12 ter du présent projet de loi, introduits à l’Assemblée nationale, soumettent l’homologation par l’administration d’un plan de sauvegarde de l’emploi au respect par l’entreprise de son obligation d’information et de recherche d’un repreneur. Ils confient à l’autorité administrative le soin de demander le remboursement des aides publiques perçues au cours des deux dernières années en cas de fermeture d’un établissement.
Par le biais de nos amendements, nous souhaitons renforcer le dispositif proposé, le rendre plus contraignant et élargir le champ de l’obligation de remboursement. Cela est d’autant plus nécessaire que le dispositif de la loi nous semble trop limité.
D’une part, nous demandons que les aides financières publiques fassent l’objet d’un remboursement obligatoire. Il n’y a aucune raison de maintenir la latitude, pour l’autorité administrative, d’imposer ou non une pénalité à l’entreprise qui n’aurait pas respecté ses obligations légales. Cette situation ne nous paraît pas acceptable, dans la mesure où il se pourrait, au final, qu’aucune pénalité ne soit jamais exigée.
D’autre part, au-delà des aides pécuniaires en matière d’installation, de développement économique, de recherche ou d’emploi, nous pensons que le remboursement doit concerner également les exonérations de cotisations sociales, ce qui, nous semble-t-il, n’est pas le cas pour l’heure.
En adoptant nos amendements n° 6 et 5 à l’article 12 ter, qui sont ainsi d’ores et déjà défendus, la Haute Assemblée s’honorerait de voter des moyens d’action supplémentaires pour aider les salariés à défendre leur outil de travail contre certaines logiques financières.