Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 3 juin 2014 à 9h30
Questions orales — Accords de libre-échange et avenir de la filière de la viande française

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Je souhaitais attirer l’attention de Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur sur l’accord de libre-échange que la Commission européenne négocie actuellement avec les États-Unis, dans une très grande discrétion, et qui pourrait acter l’ouverture du marché européen à droits de douane nuls à de nombreuses productions.

Sur ce sujet grave et vaste, je ne retiendrai que la question qui concerne la viande bovine américaine, laquelle pourrait être importée en plusieurs centaines de milliers de tonnes et produite selon des normes opposées à celles qui sont imposées à nos professionnels sur le plan sanitaire, sur le plan environnemental et sur le plan du bien-être animal.

Ces négociations interviennent après l’accord obtenu, en octobre dernier, avec le Canada, qui prévoit l’ouverture du marché européen à 65 000 tonnes de viande bovine canadienne à droits nuls et sans aucune réciprocité en termes de contraintes de production.

Ces négociations font peser sur la filière bovine française et européenne une double menace.

D’abord, sur le plan économique, de telles importations à droits nuls seraient particulièrement destructrices pour notre filière « viande bovine ». Parce que les systèmes de production du Canada, des États-Unis et des pays du Mercosur ne sont pas soumis aux contraintes sanitaires, sociétales et sociales imposées aux producteurs français et européens, leurs viandes peuvent être, de ce fait, extrêmement compétitives en prix.

C’est donc dans une situation de concurrence déloyale sans précédent que nos entreprises pourraient être plongées avec, à la clé, la destruction de nos troupeaux de races à viande, la fermeture d’exploitations et d’entreprises d’abattage ou de découpe, la suppression de milliers d’emplois contribuant directement à l’animation de nos territoires ruraux.

Ensuite, sur le plan sociétal, alors que les professionnels du secteur, soutenus par les pouvoirs publics, mettent tout en œuvre pour restaurer la confiance des consommateurs, renforçant la transparence au sein des filières, on ne saurait justifier la commercialisation sur notre marché de viandes produites à partir d’animaux largement traités aux antibiotiques, engraissés dans des parcs qui peuvent contenir jusqu’à 30 000 bovins - les exploitations françaises ne comptent guère que 60, 100, 200, voire 300 bovins au maximum -, sans parler de la possibilité de carcasses décontaminées à l’acide lactique !

Comment continuer à se battre pour toujours plus de traçabilité en France et en Europe, quand nos frontières s’ouvrent sans contraintes à des produits issus d’un pays où cette notion n’a aucun sens ?

Après l’affaire de la viande de cheval, je rappelle que les consommateurs français sont à 82 % opposés à l’introduction en France de viandes produites à partir d’animaux nourris au maïs ou soja OGM avec utilisation d’antibiotiques ou autres activateurs de croissance.

Je demande donc à Mme la secrétaire d’État de bien vouloir être notre interprète auprès du Gouvernement pour qu’il s’oppose très fermement à la position de la Commission européenne. Cette dernière, pour laquelle la filière « viande bovine » n’est pas une filière d’avenir, a décidé de miser sur l’importation, en échange, naturellement, de concessions obtenues par l’Europe sur des intérêts commerciaux plus offensifs !

Ce sacrifice de la viande bovine française est d’autant moins stratégique que ce secteur, essentiel pour la viabilité d’importants territoires ruraux, est devenu l’un des rares à n’être délocalisables ni en travailleurs ni en capitaux. Il serait d’autant plus surprenant que les pouvoirs publics aient la volonté de détruire notre savoir-faire et l’exception française au profit des grands groupes à capitaux étrangers !

Pourrions-nous savoir – cela peut intéresser tous mes collègues sénateurs et toute la filière d’élevage – où en sont ces négociations, madame la secrétaire d'État ? Je sais que le dernier acte s’est déroulé très récemment, du 19 au 23 mai, en Virginie, à Arlington. Pourrions-nous savoir ce que la France entend défendre dans cette affaire et quelle est la stratégie du gouvernement français.

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