Intervention de Jean-Jacques Filleul

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Jacques FilleulJean-Jacques Filleul, rapporteur :

Il s’agit de diffuser plus encore la culture du véhicule propre, ainsi que de nouveaux comportements, dans tous les secteurs de la société.

Toutefois, la bataille à gagner n’est pas que culturelle : il faut aussi compter avec les contraintes, les freins technologiques et l’incertitude à l’égard des évolutions.

Mais l’obstacle le plus important, celui qui empêche une vraie montée en puissance des ventes de véhicules électriques, c’est l’absence d’un réseau dense et structuré de bornes de recharge électrique sur notre territoire. Nous touchons sans doute là le point dur : la résolution de cette difficulté sera le déclic qui permettra, je le crois, à la fois de rassurer les utilisateurs et de vulgariser ce mode de transport.

Je reconnais que cette situation tient pour beaucoup à des facteurs psychologiques. En effet, on sait que l’autonomie des batteries sera de plus en plus importante. Elle est actuellement de 120 kilomètres en moyenne, comme l’a rappelé M. le ministre, mais, en commission, notre collègue Alain Fouché a évoqué de nouveaux modèles, notamment développés par Renault, dont l’autonomie pourrait atteindre 300 kilomètres.

En outre, seulement 10 % des bornes de recharge, qui sont d’ailleurs les seules concernées par la proposition de loi, relèvent du domaine public, puisque 90 % des charges se font à domicile ou sur le lieu de travail. D’ailleurs, pour stimuler l’équipement des particuliers et des immeubles collectifs, un coup de pouce serait aussi nécessaire. Sur ce sujet, monsieur le ministre, ne serait-il pas envisageable de rendre ces points de recharge éligibles aux certificats d’économie d’énergie ? Cette idée recueille l’assentiment de nombreux collègues. Qu’en pensez-vous ?

Mais revenons à notre proposition de loi.

Malgré tout ce que je viens de dire en faveur du véhicule électrique, beaucoup de nos concitoyens ne franchissent pas le pas, car ils ont tout simplement peur de tomber en panne loin de chez eux. Il est donc urgent de lever cet obstacle.

Le Président de la République, lors de la conférence environnementale de 2013, a fixé un objectif clair : le pays doit être partout équipé de bornes de recharge d’ici à 2015.

Quel est l’état du réseau aujourd’hui ? On compte environ 8 000 points de charge installés ou programmés : 3 760 ont été installés par les collectivités territoriales sur les territoires – ces investissements sont soutenus par l’ADEME, à hauteur de 30 % ou de 50 % selon la nature de la borne, accélérée ou rapide – et 1 500 dossiers sont en cours d’instruction. Citons aussi les quelque 5 000 points de charge parisiens du système Autolib’ et, enfin, ceux qui relèvent d’initiatives privées.

Ce réseau est le premier d’Europe et le troisième au niveau mondial. Toutefois, nous l’avons dit, il n’est pas suffisant. J’ajouterai qu’en plus de ne pas être assez dense, il ne constitue pas un réseau à proprement parler, puisque toutes ces initiatives ont été prises parallèlement, en fonction des projets, sans véritable coordination générale, de manière un peu anarchique. Il en résulte, aujourd’hui, de fortes disparités locales. Par exemple, 2 710 bornes ont déjà été installées en Poitou-Charentes, contre seulement 30 en Champagne-Ardenne ou 50 en Bourgogne.

Le parc national de bornes de recharge existant est donc très déséquilibré, avec des « zones blanches » très faiblement équipées, et donc un risque de rupture d’égalité territoriale – soit le risque d’une nouvelle fracture venant s’ajouter à d’autres, comme la fracture numérique.

La présente proposition de loi, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 6 mai dernier, répond à cette insuffisance. Son objet est double : accélérer le déploiement des bornes de recharge et rééquilibrer les implantations en assurant un maillage national cohérent, au moyen de l’exonération de redevance pour occupation du domaine public que met en place l’article unique du texte.

Cette proposition de loi va donc tout changer !

Aujourd’hui, seules les collectivités territoriales peuvent installer des bornes de recharge électrique sur leur propre domaine public. Elles le font avec l’aide de l’ADEME que je viens d’évoquer. À l’avenir, l’État ou un opérateur pourront aussi installer des bornes sur le domaine public des collectivités, sans avoir à payer de redevance.

Sur ce point, la commission a adopté, sur ma proposition, un certain nombre de modifications visant à garantir qu’il n’y aura aucune rupture d’égalité. Le texte de la commission est clair : pourront être chargés du déploiement d’infrastructures de recharge sur le territoire des collectivités l’État, un opérateur, qu’il soit public ou privé, ou même plusieurs opérateurs. Tous ces schémas seront possibles. La commission a également étendu le champ de cette exonération de redevance au domaine public de l’État et à celui des établissements publics de coopération intercommunale.

Toutefois, le bénéfice de cette exonération de redevance sera soumis à plusieurs conditions impératives.

Première condition, l’État, le ou les opérateurs concernés devront soumettre un plan de déploiement de bornes de recharge à l’approbation des ministres chargés de l’industrie et de l’écologie, qui devront en contrôler la « dimension nationale ».

Qu’y a-t-il derrière cette notion de « dimension nationale » ? La commission du développement durable a considéré que si un décret devrait bien sûr préciser les modalités pratiques de cette nouvelle procédure d’agrément par les ministres, la rédaction du deuxième alinéa n’était sur ce point pas assez précise : il fallait lui donner un peu plus de consistance. Elle a donc récrit cet alinéa en indiquant qu’un projet de dimension nationale s’entend d’un projet qui, premièrement, se déploie sur deux régions au moins – il s’agit d’un minimum, j’insiste sur ce point, et beaucoup de ces plans concerneront sans doute l’ensemble du territoire national, comme j’ai pu le constater, lors des auditions, pour les projets en préparation chez un candidat comme Bolloré –, et, deuxièmement, assurera un aménagement équilibré du territoire eu égard au nombre et à la répartition des bornes.

La seconde condition impérative, pour l’État ou les opérateurs candidats, c’est d’avoir soumis leur plan de déploiement à une concertation rassemblant le porteur du projet, les collectivités territoriales et les responsables des réseaux de distribution d’électricité. La commission a ajouté à cette liste les personnes publiques gestionnaires du domaine public concerné, pour les cas où il ne s’agit pas des collectivités. Elle a par ailleurs supprimé la mention des réseaux de distribution de gaz, qui ne sont pas concernés par ce texte.

Ainsi, le dispositif prévu est clair : si le plan de l’opérateur respecte ces conditions, il sera alors validé par les ministres et il pourra être déployé sans qu’une redevance soit perçue.

Cette exonération, mes chers collègues, sera un « plus » pour les acteurs privés. En effet, les entreprises qui deviendront opérateurs ne s’engageront pas, avec ces plans de déploiement, dans des projets rentables à court terme. Les bornes coûtent en moyenne de 12 000 à 35 000 euros. Il s’agit d’investissements importants, d’un véritable pari industriel sur l’avenir. Nous devons faciliter ces investissements via l’exonération de redevance.

Je crois que nous partageons tous cette ambition, quelle que soit notre couleur politique. Elle s’inscrit dans le droit fil des préconisations du Livre vert de notre collègue Louis Nègre, et je voudrais souligner que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des membres de la commission du développement durable.

Je voudrais enfin insister sur un point très important, sur lequel s'interrogent les collectivités territoriales : la possibilité ouverte à l’État ou à des opérateurs nouveaux ne fera pas disparaître les initiatives locales.

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