Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui vise à développer la filière des véhicules électriques et hybrides rechargeables en facilitant l’installation d’infrastructures de recharge de batteries et en levant ainsi l’un des freins à l’achat de ce type de véhicules, à savoir la crainte de la panne sèche électrique loin de toute prise.

Le développement du véhicule électrique est l’une des composantes possibles de la mutation industrielle du secteur automobile en cours. Cela, nous ne le nions pas, même si les écologistes font un lien entre le développement du véhicule électrique et le maintien, voire la survie, de l’industrie nucléaire. Ce lien n’existe pas, à mon avis, mais on peut en établir un entre le développement du véhicule électrique et celui des énergies renouvelables ; j’y reviendrai.

Explorer le développement du véhicule électrique est donc de bonne politique. Nous connaissons les contraintes nouvelles qui obligent aujourd'hui à une mutation rapide de notre secteur automobile : pollution atmosphérique, changement climatique, raréfaction du pétrole et flambée de son prix.

J’insiste sur ces obligations de mutation. Je le crois, nous nous fragiliserions et nous fragiliserions nos filières automobiles en les niant ou en cédant à la tentation de retarder cette mutation au prétexte, précisément, de la trop grande fragilité du secteur. Il est rare que l’on sauve un malade en retardant la prise des médicaments…

L’histoire nous apprend même que retarder les échéances conduit toujours à payer plus cher les mutations industrielles, voire à être confrontés à un krach : l’histoire industrielle française est pleine de ces désastres liés à des dénis de réalité.

En observant la situation actuelle du marché automobile, on pourrait presque se croire revenu aux premiers temps de l’automobile. En 1900, sur la voie publique, on pouvait croiser les voitures à vapeur d’Amédée Bollée ou celles de Serpollet-Peugeot, qui mit au point la chaudière à « vaporisation instantanée », des voitures à moteur à explosion à allumage électrique et refroidissement à eau, ou encore des véhicules à moteur à cycle thermodynamique à quatre temps, fonctionnant au carbure de pétrole. J’arrête là l’énumération – on pourrait y passer l'après-midi –, mais c’était une période extrêmement créative de l’histoire de l’automobile.

Plus d’un siècle plus tard, nous nous retrouvons un peu dans la même situation. Plusieurs technologies sont sur la table – ou plutôt sur la route –, et il est probablement impossible, aujourd’hui, de prédire laquelle sortira du lot pour se développer massivement. Mentionnons les véhicules thermiques légers à très basse consommation – la fameuse voiture « à deux litres aux 100 » sur laquelle le Gouvernement s'est également engagé –, les véhicules hybrides, les hybrides rechargeables, les véhicules électriques, ceux à moteur à hydrogène ou à pile à combustible…

Ce foisonnement technologique autour de la voiture du futur appelle un soutien des pouvoirs publics. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, l’État a un rôle à jouer pour orienter et accompagner l’émergence du véhicule le plus adapté aux besoins actuels et aux enjeux futurs, cela alors que la situation de l’emploi dans la filière est particulièrement fragile sur le territoire national. L’enjeu est donc absolument essentiel.

L’excellent rapport réalisé par la sénatrice Fabienne Keller et le député Denis Baupin au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques insiste d’ailleurs sur le fait que « la voiture de demain exige d’accepter de faire preuve d’imagination ». Cela signifie aussi qu’il ne serait pas raisonnable de mettre tous nos œufs dans le même panier, si je puis m’exprimer ainsi.

L’État a donc un rôle crucial à jouer pour coordonner la recherche et le développement, mais il ne doit en aucun cas se focaliser sur le soutien à une seule technologie : ce serait prendre un risque – ou un pari, pour reprendre le terme employé par M. le rapporteur – tout à fait excessif.

Rien ne dit, en effet, que le véhicule électrique sera à terme « la » solution de mobilité individuelle. Les véhicules électriques pâtissent aussi de plusieurs inconvénients propres, tels que l’autonomie des batteries, le fort appel de puissance électrique des recharges rapides et les pollutions causées par ces mêmes batteries. Ces inconvénients se cumulent aux problèmes habituels liés aux voitures qui fonctionnent aux énergies fossiles, à savoir la congestion des routes, la consommation d’énergie « grise » pour produire le véhicule.

La question qu’il convient de se poser pourrait donc être la suivante : parmi l’ensemble des technologies en cours d’évolution, laquelle est la plus pertinente selon le secteur géographique, le besoin précis à couvrir ? Concernant le véhicule électrique, l’usage partagé et urbain semble aujourd’hui le mieux adapté au regard des technologies proposées, comme l’atteste son développement depuis quelques années.

Il s’agit de veiller à ne pas surdimensionner les investissements, au risque d’engendrer des coûts inutiles pour des usages qui seront couverts, à l’avenir, par d’autres offres techniques ou de mobilité collective.

Concernant l’objet même de cette proposition de loi, je voudrais insister sur le fait que le réseau de bornes de recharge doit s’inscrire dans un réseau intelligent. La mutation du modèle électrique en cours implique en effet le déploiement de réseaux intelligents, mettant en relation l’offre et la demande, les producteurs et les consommateurs d’électricité.

Si le véhicule électrique vient à se développer massivement, il faut envisager que les véhicules et les bornes soient en réseau. Cela permettrait notamment de moduler le tarif des recharges selon l’offre d’électricité, afin d’éviter que l’alimentation des véhicules électriques accentue trop les pointes de consommation électrique, …

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