Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Arnaud Montebourg :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier l’ensemble des contributeurs à ce débat de la vision qu’ils ont apportée, témoignant, au-delà des diverses sensibilités, d’une convergence de vues sur ce sujet.

Je m’attacherai d’abord à répondre aux différentes questions soulevées et à lever, si je le peux, les quelques inquiétudes qui se sont exprimées, en soulignant l’esprit évolutif du Gouvernement sur ce dossier.

Mme Didier a souligné à juste titre que, voilà un et demi, j’avais déclaré devant l’Association des maires de France que nous faisions confiance aux collectivités locales pour développer le réseau national.

Cependant, en dehors du fait que les règles de l’ADEME étaient décourageantes, ce à quoi nous sommes en train de remédier, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en modifiant un seuil qui n’était guère incitatif, nous avons observé qu’attribuer la compétence à 36 000 communes pour mettre en œuvre un mouvement national, c’est créer 36 000 souverains, 36 000 décisionnaires qui n’ont pas forcément la même vision. Les convaincre prendrait forcément beaucoup plus de temps que vous convaincre vous parlementaires, qui représentez aussi les territoires.

Comme les choses n’avançaient pas assez vite, j’ai consulté M. Jean-Louis Borloo, auteur des lois Grenelle. Il n’y a pas d’inconvénient à ce que l’État non pas prenne cette compétence aux collectivités locales, mais assure en quelque sorte la cohérence des offres de bornes de recharge électrique sur le territoire, comble les trous là où les collectivités locales – c’est leur choix et leur liberté – sont inactives et organise un réseau national, l’objectif étant d’implanter une borne tous les 60 kilomètres afin de prévenir l’apparition de zones blanches.

Il ne s’agit pas d’inscrire cet objectif dans la loi, comme on a pu le faire pour les bureaux de poste. Cela relève non pas de la responsabilité du législateur, mais plutôt de celle, opérationnelle, d’un gouvernement qui souhaite assurer le maillage de l’ensemble du territoire.

Il importe, si j’ose dire, d’appuyer sur l’accélérateur de l’électromobilité dans notre pays. Nous avons fait le choix de venir en soutien des collectivités locales, sans les déposséder de leur compétence. Il s’agit, comme disent les juristes, d’une compétence concurrente. Cette mobilisation nationale permettra d’assurer un leadership durable à notre industrie, en dotant notre pays d’une base industrielle, grâce à une priorité donnée par le politique à l’électromobilité.

De nombreuses raisons justifient cette priorité : l’indépendance énergétique, la lutte contre la pollution, non plus seulement dans les zones les plus urbanisées, mais également dans des pans entiers du territoire où la population est moins dense. En effet, la pollution de l’air, par exemple par les particules fines, affecte désormais aussi les zones rurales.

Nous avons donc fait le choix d’une mobilisation nationale à tous les échelons. Je veux, à cet égard, saluer l’action des collectivités locales. M. Nègre s’est plaint que j’aie oublié Nice : je tiens à réparer cette maladresse. J’aurais pu également citer, tout à l’heure, la région Nord-Pas-de-Calais : je crois savoir que l’un des projets de l’ADEME en cours de réalisation a trait à l’installation de 466 bornes dans cette belle région. Ces exemples montrent que les choses avancent très bien lorsque des collectivités locales au périmètre suffisamment large décident de s’engager dans l’installation de bornes. En revanche, si une commune d’une agglomération se montre très volontariste en la matière sans que la ville-centre s’associe à la démarche, le résultat ne peut être satisfaisant. Et je ne parle pas du morcellement territorial du monde rural…

Nous avons donc décidé de faire tous ensemble la même chose. Si certains décident d’aller plus loin, ce sera tant mieux ! Le Gouvernement n’entend pas, dans une sorte de revirement complet, redonner à l’État la maîtrise exclusive du dossier. La compétence a été donnée aux collectivités locales : qu’elles continuent à agir, nous les y encourageons, l’État prenant les choses en main s’agissant du maillage national.

J’en viens à cette affaire des zones blanches. La conviction du Gouvernement en la matière est assez éloignée d’un certain nombre de positions que j’ai entendu exprimer au cours du débat parlementaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

À nos yeux, le véhicule électrique est un véhicule de travail, qui a toute sa place là où les transports en commun ne sont pas suffisamment développés. Il est destiné à des gens qui, pour l’heure, possèdent un véhicule à moteur thermique consommant des quantités considérables d’un carburant dont on ignore comment son prix évoluera dans les mois et les années à venir. Pour nous, c’est un véhicule de la ruralité.

Étant moi-même depuis dix-sept ans un élu rural, je veux donc faire mentir la vieille antienne, ancrée dans l’inconscient collectif, selon laquelle les progrès techniques seraient d’abord pour les villes, les campagnards pouvant bien attendre que le siècle veuille bien s’avancer…

En effet, les véhicules électriques sont utilisés aujourd'hui pour assurer des déplacements pendulaires dans les zones rurales, en particulier là où il n’y a pas de transports en commun. Ils ne se vendent pas dans les métropoles, où des moyens de transport sont disponibles à toute heure du jour et même de la nuit. Tel n’est pas le cas dans les zones rurales, où les conseils généraux, malgré leurs efforts, ne peuvent pas mettre en place des dessertes par bus pour répondre à tous les besoins de déplacements d’une population peu dense. C’est l’une des raisons pour lesquelles les limites du service public de transports en commun en zones rurales doivent être intelligemment compensées. L’électromobilité répond à l’ultra-ruralité dont un certain nombre d’entre vous se sont fait les porte-parole. Sachez que je partage vos préoccupations, à titre personnel, en tant que citoyen et que militant politique.

C’est pourquoi notre projet ne comporte aucune zone blanche. Notre objectif est d’assurer à tous les Français que, où qu’ils se trouvent, ils seront à 60 kilomètres au plus d’une borne de recharge, ce qui correspond à la moitié de l’autonomie des véhicules électriques actuels. Si nous avons impliqué l’État dans ce dossier, c’est précisément pour éviter toute fracture territoriale en matière d’électromobilité.

Madame Didier, il n’y aura pas d’appel d’offres. Il s’agira non pas d’une procédure publique, mais d’offres spontanées, que nous n’agréerons que si l’équilibre territorial est respecté : les zones de montagne, les zones de plaine reculées, les causses évoqués par M. Requier devront aussi être desservis.

C’est une vision extrêmement moderne, qui va complètement à l’encontre du préjugé que j’évoquais tout à l’heure, selon lequel le progrès technologique concernerait d’abord les villes. Nous voulons construire un maillage national.

M. le rapporteur m’a demandé qui seraient les opérateurs. Pour l’instant, il y a deux candidats : le premier est un agrégat de constructeurs français et allemands, Renault-Nissan, BMW et Volkswagen, regroupés autour d’EDF, dont le seul projet est de mettre en place des bornes de recharge rapide sur les grands axes autoroutiers ; le second est M. Bolloré, dont l’entreprise Autolib’ possède déjà une expérience dans des métropoles importantes et a pour projet d’installer 16 000 points de charge, dans le cadre d’un maillage permettant de circuler librement dans toute la France avec des véhicules électriques.

M. Bolloré est propriétaire d’une technologie hors du commun, la batterie lithium métal polymère, qui a fait la démonstration de sa supériorité sur celles développées par nos concurrents asiatiques. Or, sur le plan de la technologie, la batterie est l’élément crucial de l’électromobilité dans son ensemble. M. Bolloré ne demande aucune subvention. Dans la mesure où il a intérêt à développer l’utilisation des véhicules électriques, il entend se rémunérer non pas sur le service rendu, mais sur la vente des batteries, qui présentent l’avantage d’être fabriquées non loin de Quimper, à Ergué-Gabéric.

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