Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Activités privées de protection des navires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Frédéric Cuvillier :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi visant à autoriser et à encadrer le recours à des entreprises privées de protection à bord d’un navire français dans les zones les plus exposées à la piraterie arrive au terme de son examen parlementaire.

Je me félicite du travail accompli ensemble et de notre volonté partagée d’assurer la sécurité de nos navires, de renforcer la compétitivité du pavillon français et du transport maritime – ce fut un thème récurrent de nos travaux.

Ce projet de loi, qui, je le rappelle, était l’un des engagements forts pris par le Gouvernement après le comité interministériel de la mer, porte sur un sujet ô combien sensible. Encore ce matin, dans le détroit de Malacca, un tanker a été attaqué par des pirates et délesté de sa cargaison. C’est dire combien il est important que le Sénat, dont je tiens à souligner la qualité des travaux, adopte dans quelques minutes les conclusions de la commission mixte paritaire. En rendant le texte effectif, nous adresserons un signal fort en direction des armateurs et du monde maritime. Il s’agit là d’un enjeu économique qui a été maintes fois souligné.

Je tiens à rappeler les apports importants du débat parlementaire sur le contenu de la loi.

Tout d’abord, le processus de sélection des agents des entreprises de protection, gage de qualité et de fiabilité du dispositif français, a été précisé avec la mise en place d’une autorisation provisoire d’un an. Il a été prévu que cette autorisation sera prolongée seulement si l’agent a exercé pendant cette première période sans que des difficultés opérationnelles ou de relation avec les équipages soient notées.

Ensuite, les tâches respectives du capitaine et de l’armateur ont été heureusement clarifiées, de sorte que le capitaine puisse se concentrer sur les vérifications liées à l’embarquement et au débarquement de l’équipe et de son matériel. La notion de chef de l’équipe de protection a été introduite afin que le capitaine ait un interlocuteur désigné et responsable.

Les débats ont également permis de confirmer que le recours à la force n’est permis que dans le cadre de la légitime défense. C’est un point très important qui différencie cette activité de celle des forces armées ou de police et, bien entendu, de toute forme de mercenariat. Nous avons pu démontrer, avec de nombreuses dispositions de ce texte, que les éventuelles suspicions en la matière pouvaient être très facilement et définitivement écartées. Ce point est d’autant plus important qu’il fut longtemps un obstacle à toute avancée législative : nous pouvions craindre une sorte de détournement de cette procédure. Grâce à ce texte, cette crainte, légitime, est définitivement écartée, ce qui est heureux.

Des dispositions ont par ailleurs été introduites concernant la gestion des pirates éventuellement capturés lors d’une attaque, dans le souci de garantir le respect des droits de l’homme auquel notre pays est particulièrement attaché.

Après un débat qui a permis d’éclairer la question du nombre minimum d’agents à bord, débat né d’une proposition de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le texte prévoit aujourd’hui un minimum de trois agents. Un drame récent a malheureusement montré que, en dessous de ce seuil, c’est la sécurité des agents et de l’équipage qui est remise en cause. Je me permets de rappeler qu’il s’agit d’un seuil minimum exigible et non d’une norme indépassable.

Le Parlement a en outre insisté sur la nécessaire réactivité du dispositif, notamment en ce qui concerne la définition des zones où l’exercice de cette activité est autorisé.

Le Parlement a enfin souhaité travailler sur la codification du projet de loi – M. Richard y était attaché – dans le code des transports et dans le code de la sécurité intérieure.

Je remercie l’ensemble des parlementaires, en particulier Mme la rapporteur, pour le travail effectué. J’espère que l’adoption de ce projet de loi se fera à une aussi large majorité que lors des séances précédentes. Ce résultat adressera un signal fort et montrera l’attachement de la représentation nationale, notamment de la Haute Assemblée, aux enjeux portés par ce texte. Pour ma part, je présenterai simplement deux amendements de forme, l’un de cohérence, l’autre visant à corriger une erreur de référence.

Après le vote de la loi, il faudra prendre des dispositions réglementaires. Le Parlement insiste souvent, à juste titre, sur la nécessité d’une publication rapide des textes d’application. Vous-même, madame la rapporteur, avez indiqué que nous devions aller vite. Vous avez raison, et je suis d’autant plus sensible à votre appel qu’il y va de l’effectivité de ces mesures et de la crédibilité de notre engagement. Les armateurs et l’ensemble des professionnels concernés auront ainsi la possibilité d’anticiper la mise en place du dispositif. Le Gouvernement s’attellera donc à la rédaction de ces textes le plus rapidement possible. Le Parlement a d’ailleurs précisé ce qui devait relever du décret en Conseil d’État et ce qui pouvait être édicté par des normes réglementaires de niveau inférieur, afin de faciliter les adaptations les plus techniques.

La concertation avec les entreprises françaises et les armateurs – je l’ai déjà indiqué lors de nos échanges précédents, et je le confirme – a été engagée dès le mois de janvier, avec une série de réunions destinées à préparer les textes. La prochaine réunion, à la fin du mois, permettra de tirer les conséquences des modifications apportées par le débat parlementaire. L’objectif est de saisir le Conseil d’État au début de l’été, en vue de la parution du décret en Conseil d’État à la rentrée, et de permettre dans la foulée la signature des décrets simples – ils porteront sur le nombre d’armes, les modalités de gestion des embarquements et débarquements, les navires non éligibles – et des arrêtés, qui permettront de déterminer par exemple le contenu précis de la formation ou la tenue des registres.

En parallèle, se tiennent des réunions concernant le référentiel de formation des agents. Vous êtes fortement attachés à cette question ; nous le sommes également. Cet élément est extrêmement important pour la qualité du dispositif et pour son efficacité, à savoir garantir les formations les plus adaptées. Ce travail devrait être terminé à la fin de l’été.

Je tiens à souligner la participation active des armateurs et des entreprises françaises susceptibles d’exercer cette activité ou de dispenser les formations, ainsi que de tous les ministères concernés. Notre travail a été dense et très précis compte tenu de la sensibilité de ces questions. Le fait que le dispositif implique plusieurs départements ministériels prouve qu’il s’agit d’un engagement de tout le Gouvernement en faveur de la compétitivité du pavillon français.

Afin que le dispositif soit pleinement opérationnel, il est nécessaire que les entreprises soient en mesure de demander les autorisations nécessaires ou de présenter des agents répondant aux différentes conditions de moralité et de compétence. Elles doivent donc s’y préparer : les armateurs doivent faire évoluer leurs procédures internes et assurer l’information des capitaines sur les dispositions de la loi ; les entreprises de protection des navires doivent s’engager dans une certification et former leurs agents.

Pour atteindre cet objectif, nous avons associé les entreprises françaises au travail de préparation des textes. Ces dernières disposent de toutes les informations pour se préparer dès maintenant. Nous pouvons désormais compter sur une mobilisation massive, eu égard à la confiance qui a présidé à l’ensemble des réunions entre professionnels, institutionnels, ministères et diverses administrations présentes ou représentées.

Ce texte était attendu depuis longtemps par le monde de la mer. Cette attente fébrile devenait légitimement pressante. Nous avons mesuré à l’occasion de ce débat combien le sujet était non seulement sensible, mais également technique. Il était important de bien préciser les responsabilités des uns et des autres et d’éviter d’adopter un dispositif trop général, englobant l’ensemble des activités. Il convenait au contraire de se restreindre au strict nécessaire, afin d’assurer la plus grande efficacité au dispositif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez être légitimement satisfaits du travail de grande qualité qui a été réalisé, en particulier au sein de votre assemblée. Vous avez porté haut votre volonté d’assurer la compétitivité du pavillon français. D’autres textes devraient également nous permettre de garantir de telles perspectives, auxquelles, vous le savez, le Gouvernement est très attaché. Le Sénat a fait preuve de son sens des responsabilités – personne ne doutait qu’il en soit autrement. Poursuivons ce travail de façon utile et efficace pour la France et le pavillon français !

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