Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 3 juin 2014 à 14h30
Activités privées de protection des navires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire, qui marquent la fin des débats autour du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour répondre à l’urgence de la situation en ce qui concerne la sécurité de nos navires. Les écologistes en sont conscients et reconnaissent la menace que représente la piraterie pour nos équipages et pour nos marchandises à l’étranger. Toutefois, un sujet aussi sensible et important que la privatisation d’une mission régalienne de l’État aurait exigé, selon nous, d’aborder le problème de la piraterie dans toutes ses composantes, et pas seulement sous le prisme sécuritaire. Nous regrettons que l’impératif économique ait été maître au cours de ces débats.

Si les discussions ont souvent été rapides et consensuelles sur l’ensemble du texte, et surtout sur son contexte, le résultat du passage en commission mixte paritaire montre bien que ce sujet suscite un certain nombre de questions et que des divergences d’opinions persistent. Nous noterons notamment deux points d’aspérité qui ont, non sans raison, retenu particulièrement l’attention des parlementaires.

Premièrement, il s’agit du nombre de gardes armés présents à bord. Il est désormais laissé à la libre appréciation de l’armateur et de l’entreprise de sécurité privée, qui, à la suite d’une analyse conjointe du risque, déterminent le nombre d’agents embarqués, sans toutefois descendre sous le seuil de trois. Sur ce point, les écologistes relèvent également le souci des parlementaires d’assurer une distinction complète entre les tenues des agents privés et celles des forces conventionnelles. Une quelconque confusion en mer serait en effet dommageable à la légitimité de l’État français.

Deuxièmement, à l’article 21, la définition de la légitime défense a pu donner lieu à quelques ambiguïtés, notamment à cause de la situation spécifique qui prévaut sur un navire, mais surtout en raison des prérogatives attribuées au commandant. Les parlementaires ont, au cours des débats, pointé du doigt à plusieurs reprises les problèmes d’interprétations qui pourraient subsister autour de cette notion. L’application du droit commun de la légitime défense peut se révéler dangereuse et floue pour les agents de sécurité à bord comme pour le capitaine.

La commission mixte paritaire a pris le parti d’une rédaction globale, sans mention explicite du commandant du navire, alors qu’il aurait été nécessaire, au contraire, de proposer un encadrement plus strict et plus rigoureux ainsi qu’une définition claire de la responsabilité juridique des différentes personnes présentes à bord.

À ce sujet, dans une note publiée le 26 mai 2014, le Centre interarmées de concepts de doctrines et d’expérimentations, le CICDE, évalue les modalités d’application et de mise en œuvre du présent projet de loi. Il considère que, en l’absence de précision apportée par décret, les dirigeants et agents, au vu de leur très probable expérience d’ancien militaire, devraient être en mesure d’établir des méthodes et des procédures satisfaisantes mais rappelle qu’il n’est pas envisagé que les armées exercent un rôle de conseil, de formation ou d’entraînement. À titre de comparaison, le CICDE relève que, à l’inverse, la loi et les règlements allemands précisent clairement les conditions d’usage de la force dans le cadre de la légitime défense, en distinguant les tirs de semonce en l’air, les tirs de semonce dans l’eau, les tirs ciblés sur des objets et, en dernier recours, contre les assaillants. Pourquoi ne pas avoir choisi une telle option ?

Nous devons nous garder de laisser à la libre interprétation des parties prenantes les conditions dans lesquelles il sera fait usage de la force. II aurait été souhaitable que, sur ce point, la commission mixte paritaire aille plus loin. L’urgence ne doit pas nous empêcher de traiter l’essentiel en profondeur.

Pour ma part, n’ayant pas participé aux débats en commission mixte paritaire, je note l’absence de modification notable sur le fond du texte. Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que la position des sénateurs écologistes n’ait pas non plus évolué. Nous nous abstiendrons donc sur le texte final.

Nous reconnaissons, à tout le moins, que la commission mixte paritaire n’a pas ouvert la porte à une libéralisation accrue de ce secteur sensible et que le texte final n’est pas allé plus loin que le projet de loi initial. Les écologistes notent que les garanties supplémentaires instaurées au cours des débats ont été conservées : garanties administratives à remplir pour les entreprises en amont, sanctions applicables en cas de violations d’obligations et contrôle des activités à bord. L’ensemble de ces éléments était pour nous indispensable et devait figurer dans le texte final. En cela, les écologistes saluent l’effort d’équilibre qui ressort des débats en commission mixte paritaire, notamment en ce qui concerne le compromis sur la recodification dans le code de la sécurité intérieure.

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